Sujet: Trois hipsters pour une guitare
Sam 25 Jan 2014 - 23:04
C’était aux alentours de deux heures et demie du matin que Dany et moi sortions de la petite fête improvisée par une amie commune. Nous errions dans les rues de la ville avançant vers là où l’alcool nous disait d’aller. Divers gens nous saluèrent, crièrent, chantèrent et cætera ; en somme, un samedi soir –ou plutôt un dimanche matin– comme tant d’autres dans cette ville à l’allure relativement grande. Nous avions pris l’habitude de dormir dehors après quelconques soirées. Cela revenait moins cher que l’hôtel et de plus, bien qu’on ne les voyait pas cachées derrière cette pollution lumineuse, le nombre d’étoile à notre auberge de fortune, la rue, dépasse largement tous les Crowne Plaza et autres Iberostar. Cette nuit-là, donc, nous allions comme à l’accoutumé, dormir à la belle étoile, ou devrais-je dire, à la belle pollution. Nous étions tous deux en t-shirts revêtu uniquement d’une légère veste, car, été oblige, la nuit se révélait être elle aussi chaude, à l’instar de sa compère la journée. Et c’est en arrivant dans un parc que nous prîmes la décision d’y passer la nuit.
En arrivant dans ce jardin, nous prendrons tout d’abord la décision commune d’aller nous asseoir sur un banc, puis, il sortira sa boîte à Alice, de laquelle il ne prendra que de l’herbe aujourd’hui. Moi, lisant la fatigue –et l’alcool– dans ses yeux et dans le tremblement de ses mains je me proposerais alors pour rouler. Fatigué moi aussi, je parviendrais malgré tout, tant bien que mal, à rouler quelque chose d’assez décent pour pouvoir être fumé. Et c’est au milieu de notre tube à cancer psychotrope qu’arrivera trois individus, aux vêtements atypique tout en restant classe. Des hipsters.
Des putains de hipsters, non, mais honnêtement, qui aime les hipsters, même eux ne s’aiment pas entre eux. Et voilà qu’ils viennent nous faire chier jusque dans notre lit. Et en plus il y en a un qui sort sa guitare, espérons qu’il sache jouer. Les deux premières notes qui sortent suffisent à Dany pour lui faire savoir qu’il nous pisse à l’oreille avec ce genre de sons. Alors, il se lève, et d’un pas vif, il va vers eux. Moi tel un bon chienchien, je le suis. Comme une ombre. Une ombre ninja. Il s’approche de notre guitariste en herbe –…herbe, haha– et lui demande d’un ton contenu (c’est-à-dire, genre je suis énervé, mais je le cache, mais ça se voit quand même):
- Excuse-moi, tu peux arrêter de jouer s’il te plaît ? Mon pote et moi on aimerait dormir. Et, tant qu’à y être, tu pourrais aussi prendre tes deux compères et aller voir ailleurs ?
- T’es qui pour me donner des ordres ?
Toujours en train de jouer aussi bien qu’un éléphant à qui on aurait confié le soin d’accorder un piano.
- Écoutes, tu vois l’arbre là-bas ? Il pointe un arbre là-bas du doigt, je vais pisser derrière, et, quand je reviendrais, tu auras, au minimum arrêté de jouer. Ok ? Merci. Et il sourit.
Pendant son détour par la case toilette bio, je pris le soin d’entamer moi aussi une conversation avec le guitariste, et donc, par extension, à sa bande. J’allume une cigarette.
- À ta place, je l’écouterais et je poserais ma guitare…
- Et pour quoi je ferais ça ?
- Tu vois ce mec, il s’appelle Dany. T’as vu le film Dany the dog ? Et bien, pour te résumer, moi, je suis le collier, mais le problème, c’est que même avec moi, il peut péter un câble et vous démolir. De plus, là, c’est pas un film, mon Dany il ne connait pas les arts martiaux, il a été formé dans a rue.
- Ton petit speech ne m’impressionne pas, j’ai fais de la boxe tu sais, et lui, il fait de l’aïkido.
Dany revient.
- Alors, tu leur as parlé ?
- Ils n’ont rien voulu entendre.
- Ok.
- Besoin d’aide ?
- Trois hipsters ? Non, j’aurais fini dans trois minutes et cinquante-sept secondes.
Je mets mes écouteurs, lance Creep de Radiohead et rallume une clope. Du coin de l’œil j’aperçois Dany saisissant la guitare et l’explosant violement dans un premier temps contre le banc puis ensuite contre la tête du guitariste, à la suite de quoi il enchaîne une demi-douzaine de droite là où il peut. Les deux autres se lèvent et le premier l’empoigne tandis que le second en profite pour le frapper au visage. Du sang sort de sa bouche. Le premier le lâche, le second arrête de le taper. Le guitariste se relève et donne un coup de pied dans son ventre. Dany est par terre.
- On t’avait dit qu’on n’avait pas peur.
Dany se relève. Le premier lui fonce dessus pour le frapper, il lui crache du sang au visage et, maintenant aveuglé, il en profite pour lui coller un uppercut dans la mâchoire. La suite de ce combat est comme toutes les autres, et je ne vais pas vous la raconter. Tout simplement parce que c’est là que j’ai commencé à m’endormir. A la fin de la chanson, j’ouvre les yeux et je vois Dany, assis par terre, du sang sur les mains et dans la bouche entouré de trois hipsters allongés. Et puis Dany dit d’un ton moqueur:
- On t’avait bien dit qu’on n’avait pas peur et gnagnagna…
Je regarde ma cigarette toujours en train de se consumer.
- Tu veux ma fin ?
- Ouais.