Une terre dévastée qui s’étendait jusqu’à l’horizon. Combien de rêves détruits étaient éparpillés sur ce terrain vide et désertique ? Des bêtes se disputaient des carcasses au loin. Des charognes de damnés, âmes en peine condamnées à errer en ce monde oublié et éloigné de la mort. Les Champs-Désolés, terre des Damnés, les êtres qui n’avaient pas accès au repos, les morts qui n’allaient pas chez les juges infernaux et qui n’étaient pas punis comme les autres. Qu’est-ce qui les différentiait des autres esprits qui faisaient la queue pour aller souffrir gratuitement grâce à la bonté divine ? Pourquoi étaient-ils là, et pas les autres ? Est-ce qu’il y avait des élus de la douleur ? Peut-être que c’était par la roulette ? Ou bien est-ce que c’était tout simplement tous ceux qui avaient pactisé avec Demigra ? Quelles étaient ces créatures qui dévoraient les cadavres ? Des damnés, eux aussi ? Des animaux infernaux sortis tout droit des cauchemars des esprits les plus malsains ? Qu’est-ce que c’était que ce monde ? Tous ces fantômes étaient-ils véritablement ignobles ? Ou bien est-ce que le mal en leur intérieur avait été accentué ? Quelle miséricorde fantastique de la part de ceux qui étaient là-haut. Créer des boucs émissaires aux traits mentaux tordus et tiré, à la psyché complètement ramollie pour ne créer qu’une parodie de “méchant” que l’on pointera du doigt. Qui prie pour Satan ? Qui, en dix centaines d’années, a eu l’humanité de prier pour le pécheur qui en avait le plus besoin ? Les exécrables sont condamnés à l’être, à jamais. Personne ne se chargera de les changer. Mais désormais, ce royaume n’était plus aux dieux. Il était à Légion.
Le Spectre était assis face à une fenêtre, ses machinations occupant son esprit. La chaise était luxueuse, presque inutilement. Elle était également confortable, mais cela n’occupait pas le fantôme. Un coude posé sur l’accoudoir, et sa tête sur le poing du même bras, il fixait avec un regard vague l’horizon. Les mots de l’étrange majordome au nom compliqué lui trottaient encore dans la tête. Un monde rempli de personnages peu recommandable, sur lequel il pouvait régner ? Obtenu comme ça ? Après une bête vengeance accomplie sur le moment ? C’était trop facile. Il y avait un hic, très certainement. Mais où est-ce que ce hic se situait ? Très certainement chez ses supposés sujets. Après-tout, qu’ils soient tous sous son contrôle immédiatement était impossible. Il releva le doigt afin de tapoter contre sa tempe, à un rythme lent, qui semblait plus être là pour se stimuler l’esprit qu’autre chose. Peut-être qu’il devrait aller voir ceux qui étaient supposément sous son contrôle. Au moins les alentours du palais devaient être sous sa juridiction. Quelles sont les limites de ce nouveau monde ? Légion doutait que quelqu’un ait déjà cartographié l’endroit. Sur quel plan se situait-il, de toute façon ? Sa méthode de déplacement ne l’aidait pas à voir de loin la taille des territoires et des planètes, comme feraient ceux qui voyageaient en capsule. Mais il préférait cela à être entouré de tant de personnes qui voyageaient dans toutes les directions et se bousculaient sans cesse, avant de faire un voyage long dans une cabine étroite. Se déplacer par téléportation et feux de camps était très certainement l’une des seules onces de confort qu’il s’accordait. Ses yeux se fermèrent un instant. Il était vrai qu’il s’accordait peu de temps à lui-même. Ses sources de satisfactions étaient très éphémères et les contrecoups sur son mental étaient mauvais. Mais… qu’est-ce qu’il appréciait d’autre ?
"Je présume que vous n’avez pas dormi du tout, monsieur."
Aristidès Othon Frédéric Wilfrid Blondeaux Georges Jacques Babylas le Cinquième, communément surnommé Tim, venait d’ouvrir la porte alors que son employeur forcé de l’avoir réembauché se trouvait perdu dans ses pensées. Ce dernier tourna juste la tête en arrière, se penchant un peu sur le côté pour avoir son fidèle majordome dans sa ligne de mire. Son regard passa sur le lit presque pas défait qui avait été préparé pour lui la veille. La vérité était que le fantôme s’était couché cinq minutes avant de retomber dans le besoin de réfléchir en regardant l’horizon. Il ne ressentait pas vraiment de fatigue, après tout. Peut-être qu’il avait outrepassé le besoin de sommeil ? Ou bien avait-il somnolé sur son fauteuil durant son voyage intérieur ? Son serviteur autoproclamé qui lui avait cassé la figure il y a moins de douze heures tenait un plateau repas dont l’intérieur était caché par un couvercle
”Tu présumes juste."
"J’en déduis que vous ne mangerez pas non plus, alors. Toute ma généreuse portion d’absolument rien préparée avec amour partira à la poubelle alors."
Disait-il en découvrant le contenu inexistant du plat, enlevant ce qui le cachait avec une certaine tristesse. Il se dirigea vers une corbeille pour l’y déverser la nourriture invisible, intangible, et effectivement ne prenant aucun espace dans ce plan physique, avec la même moue d’une personne qui voit le produit de ses efforts être vain. Légion, dont le ton semblait plus enduit d’ennui que d’une monotonie volontairement affichée, répondit :
”Tu déduis juste."
"Je vois que vous anticipez déjà de retomber dans votre désespoir tant aimé. Permettez-moi de vous informer de l’état actuel du monde qui vous appartient, afin de réveiller un peu votre rare joie de vivre. Si vous voulez bien me suivre..."
Légion soupira, avant de se lever. Il rejoignit celui qui avait déjà fait le ménage partout dans le temple de Demigra, avant de commencer à le meubler. Des décorations qui passaient du véritablement utile à simplement tape-à-l’oeil, mais qui étrangement semblaient faire un déclic dans l’esprit du fantôme.
"J’ai reproduis, autant que je pouvais, votre ancienne demeure. Voyez les tableaux ? C’était ainsi que vous avez laissé les lieux avant d’avoir quitté ce monde. Vous avez hurlé, pardonnez mon langage, ‘nique la police’, avant de tous les pencher légèrement sur le côté pour me donner une migraine insupportable . J’ai reproduis la chose afin de vous faire plaisir, mais je compte la remettre en ordre demain. Vous ne connaissez pas la douleur que je ressens en ce moment même."
Le spectre n’écoutait pas vraiment, regardant les peintures sur les murs. C’étaient bien elles ! Il les avait maintenu en état de presque perfection. Toutes ces oeuvres qu’il avait commandité aux âmes sous son contrôle qui avaient davantage du talent dans l’usage des pinceaux que dans celles des armes. Cependant il était étonné pour ses goûts artistiques de l’époque. Une sorte de mélange entre la honte et l’amusement, typique lorsque l’on prenait du recul sur un soi d’une autre époque. À la différence que que ce soi d’une autre massacrait des dizaines de personnes par jour et avait un penchant pour exposer des nus… perturbants. Il suivit ainsi son majordome au ton bien calme malgré la douleur excruciante qu’il décrivait, terminant le couloir par une arrivée sur un balcon… qu’il n’avait pas vu lorsqu’il arriva ici. Se pourrait-il que Tim avait taillé dans la roche, ne serait-ce qu’un soir, les édifices manquant pour reproduire son vieux manoir ? Non, impossible. Quoi que...
"Monsieur, je suis ravi de vous dire que tout ce qui est dans notre champ de vision, et derrière, fait partie de votre nouveau royaume. Je suis cependant navré de vous dire que Demigra avait des difficultés à gérer son énorme domaine. Et on dirait bien que sa disparition a déjà été divulguée. Les Généraux Damnés sont indépendants, à présent. Quand bien même chacun gérait son lopin de terre à sa façon, ils n’ont désormais plus de supérieurs hormis eux-mêmes. Mais rassurez-vous : votre territoire est pour l’instant le plus grand..."
De leur hauteur, ils ressentaient davantage les bourrasques de vent. La cape de Légion était propulsée vers l’arrière, de même que les cheveux qui n’étaient pas caché par son casque.
”J’imagine que tu me proposes d’aller moi-même argumenter la prise de pouvoir de leur territoire. Mais, comment suis-je censé faire ?"
Aristidès Othon Frédéric Wilfrid Blondeaux Georges Jacques Babylas le Cinquième, communément surnommé Tim se tira un peu la moustache avant de répondre.
"Vous savez bien, monsieur. C’est comme pour tous vos serviteurs..."
Il attrapa la fente qui séparait son faciès en deux, et tira : Sous le visage recousu et en excellent état se trouvait une face presque décomposée, qui semblait comme si elle avait été mutilée atrocement, couverte de rouge sanglant. Une marque de la forme de main, semblable à celle présente sur le Diable, était présente.
"...Vous les marquez et tâchez de ne pas leur briser l’esprit."
Il se recolla son masque de peau par dessus sa face abominable. Légion n’avait pas bougé d’un pouce, ni face à la vision d’horreur qui lui avait été montrée, ni en entendu les bruits semblables à ceux des pansements qui se faisaient arracher.
”Les siècles n’ont pas été sympathiques, hein ?"
"Vous voyez juste, monsieur."
Légion se tourna vers l’horizon.
”Par lequel de ses Généraux Damnés dois-je commencer ?"
"Le plus proche, bien évidemment."
”Et où se trouve-t-il ?"
"À côté de vous, monsieur."
Périmé, le colosse et compagnon d’un certain chevalier de la guigne, se trouvait à côté d’eux. Il se pencha pour s’adresser au majordome, tenant dans sa main un bol vide.
"Euh… excusez-moi, mais pourrais-je avoir de cette splendide ratatouille que vous m’avez offerte il y a quelques minutes ? Elle est délicieuse."
Légion sembla quelque peu étonné par cette révélation.
”Périmé, es-tu un Général Damné ?"
Celui qui était en armure lourde se tourna.
"Euh… oui ?"
”Pourquoi désirais-tu un endroit où passer la nuit, alors ? Ne possède-tu pas un territoire à toi ?"
Le plus grand des trois serra les poings, avant de passer ses bras dans son dos.
”C’est que… je n’y habite pas vraiment. J’en suis le chef mais au final, je m’en fiche. Je vagabonde un peu… Généralement je suis avec le Gervais, mais il semble très furieux ses temps-ci. Quelque chose ne tourne pas rond dans sa tête… Je cherchais juste quelqu’un que je connaissais, c’est tout. Cette terre est notre habitation à moi et à Gervais, à présent. Il est mort mais il est venu ici, à présent."
Il n’y a pas de repos pour les Chevaliers de la Guigne, on dirait. Pas même dans l’autre monde.
"Bon, vous souhaitez annexer mon bled, c’est ça ? Ben, faites-le. Vous avez été très gentil avec moi. Plus que Demigra ou bien que les autres."
Légion regarda avec une légère incrédulité Périmé, puis Tim. Le majordome haussa les épaules puis pencha légèrement, un instant, la tête vers le grand enfant, comme pour inciter le spectre à agir.
”Penche-toi. Cela ne va pas faire mal."
Le colosse partisan du lait peu frais fut un peu interpellé par cet ordre, mais ne se méfia pas. Il mit un genou à terre, et Légion posa sa main sur le visage. Des flammes apparurent sur les épaules de l’ectoplasme à casque pointu, montant vers le reste du bras pour au final s’inculquer sur le visage de l’énorme chevalier enfantin. Périmé ne bougea pas, car il n’y avait pas de raison. Son casque avait bientôt, visiblement, une marque de main, qui disparut petit à petit. Il était sous le contrôle de l'amalgame, à présent, et seuls ceux dans le camp du nouveau seigneur des Damnés pouvaient le voir. L’énorme guerrier se releva, et de nouveau prit la parole :
"Bon, ben, euh… félicitations pour votre conquête ?.. Je peux avoir de la ratatouille, s’il-vous-plaît, monsieur ?"
"Tout de suite, je vous rejoins."
”Un instant. Est-ce que je peux être sûr que le nouveau territoire m’appartient ?"
Tim se tourna vers son maître, tout en indiquant à Périmé le chemin à prendre.
"Les damnés obéissent à leur Général respectif. Ils peuvent avoir des avis différents sur vous, mais ils vous obéiront, peut-être à contrecoeur. Nous avons la région de l’Est proche au palais qui est à présent sous notre contrôle. Profitez de votre journée, monsieur. Je compte trouver de futurs renseignement pour vos prochaines conquêtes."
Il suivit l’énorme amas de lourdeur et de candeur vers la cuisine. Légion se trouva bientôt seul sur le balcon. Il s’appuya sur la barrière, se penchant légèrement en avant. En bas se trouvaient ses sujets, à présents. Des hommes, des femmes, et autres… Des Nameks, des Démons, des Moojuus… Tous aux pensées mauvaises exagérées. Tous des jouets divins, des pièces de l’échiquier des tout-puissants. Des créatures que l’on pouvait plaindre. Légion n’allait pas les laisser ainsi. Il était entouré d’êtres comme lui, à présent, mais eux ne comprennaient pas la compassion, la sympathie, et ces émotions qui faisaient d’eux des vrais êtres vivants et intelligents, avant. Légion serra le poing droit, celui qui était ganté et appliquait sa marque. Ceux qui n’étaient pas des généraux avaient perdu leur humanité, oui… jusqu’à présent. De l’énergie enflammée sortit de sa main. Ceux qui étaient sous son contrôle allaient bientôt sentir revenir leurs esprits...
Légion
Age : 40 Date d'inscription : 04/03/2017 Nombre de messages : 740Bon ou mauvais ? : "Bon" Zénies : 1570 Rang : -
"Avez-vous tenté de dormir ne serait-ce qu’un petit peu cette nuit, monsieur ? Que vous vous abandonniez à autre chose que l’alcool, pour une fois..."
”Je n’ai pas bu, cette nuit. Je n’ai fait que réfléchir."
"Et à quoi donc, monsieur ?"
”À ce qu’ils méritaient, tous ces gens. Je me demandais si leur souffrance était nécessaire. Je me demandais si c’était vraiment nécessaire que les êtres ayant créé l’au-delà fassent souffrir leurs pions ainsi. Je me questionnais sur le sens de leur place ici. Sur le sens de notre place ici. Je réfléchissais à si le mal justifie la souffrance du mauvais, et je réfléchissais à la logique des supposés dieux qui s’amusent à les envoyer ici et à exagérer leur traits les plus écoeurants pour en faire des havres de mal."
"Qu’avez-vous donc conclu, monsieur ?"
”Que les dieux devraient être ici-bas, avec nous autres. Qu’ils devraient recevoir eux-aussi leur supposée punition. Après tout, n’est-il pas criminel d’enfermer les personnes contre leur gré après les avoir fait rôtir par les flammes ? N’est-il pas cruel de faire souffrir les autres ?... Les gens perdent tous leurs droits quand on les juge."
"Ceux qui font la loi n’ont que rarement besoin de la respecter, monsieur."
Un instant de silence. La pluie contre la vitre fut la seule à troubler le petit temps de malaise.
”Qui nous garde des gardiens ?"
Aristidès Othon Frédéric Wilfrid Blondeaux Georges Jacques Babylas le Cinquième, communément appelé Tim, s’approcha de son cher maître, fixant comme lui les pleurs des morts qui n’étaient pas tombés sur les Champs-Désolés à travers la fenêtre.
"Le seul qui pourra faire s’écrouler les dieux devra être dieu lui-même. Peut-être que ce sera vous, monsieur ? Vous avez déjà l’immortalité. Bientôt, les fidèles. Petit à petit, vous regagnerez votre puissance d’antan… “Légion, dieu des damnés.” Cela sonne-t-il à votre aise, monsieur ?"
L’amalgame se tourna vers son serviteur, la stupidité du titre l’empêchant de sourire malgré la soudaine joie que pouvait lui apporter l’anticipation de dégager les êtres divins de leurs trônes bâtis sur la souffrance de leurs pantins. Un rêve qu’il savait très certainement impossible, mais il était toujours bon, même pour les morts, de rêver. Qu’est-ce qui pourrait les rassurer, si ce n’était pas ça ?
”Pas du tout."
Le majordome haussa les épaules.
"Le choix du titre sera vôtre en temps voulu, monsieur. Cependant, ce n’était pas le but premier de ma visite, quand bien même votre santé m’importe. Voyez-vous, j’ai découvert une potentielle cible pour votre future conquête : à l’est des plaines de votre nouveau serviteur se trouve une énorme savane avec en son centre une caverne fort bien protégée. Il n’y a nul besoin d’être en possession d’une intelligence fantastique pour savoir que l’un des Généraux Damnés se trouve en ce lieu."
”Et j’imagine qu’il ne nous rejoindra pas tout seul ?"
"Non, monsieur. Il sera déjà venu demander votre illumination pardazearquage, sinon. Cela poserait-il un problème ?"
”Non, non..."
Il se mit à sourire sous son foulard.
”... C’est parfait."
Cela faisait un petit moment que Légion était face à la mine. Les constructions entourant l’énorme trou dans lequel s’était tapie la bête. Des damnés entouraient la caverne qui cachait le Général Damné. En haut d’une de ces fameuses grues, Légion guettait de potentiels mouvements de la part d’adversaires. Celui qui gardait le sommet de sa tour de bois et de mécanismes anciens gisait derrière lui, peinant à respirer à cause du sang de sa jugulaire qui envahissait son oesophage. Accroupi, le spectre regardait dans l’abîme, comme à son habitude, il se pourrait bien. Mais… un peu plus littéralement, cette fois-ci. La chose était qu’il cherchait à planifier ses prochains gestes, malgré le noir complet qui remplissait la cachette du futur adversaire. La pluie continuait de tomber avec violence sur la terre promise aux morts. Valait mieux penser cela comme la transpiration causée par la peine infligée que les larmes des proches des défunts. Oublier le monde laissé derrière était la meilleure chose qui pouvait arriver aux morts qui marchaient en ce lieu. Certains dirent un jour que seuls les esclaves travaillent. Les dieux ne travailleraient donc pas. Ceux qui se chargeaient de construire ce monde en défaillance étaient les damnés eux-mêmes. Il n’existe pas de terre pour les morts qui n’avaient pas obéi à des règles de conduite que personne ne connaissait ou bien ne savait sûres. Il n’y avait qu’ici-bas, sur les Champs-Désolés. Les gouttelettes tombaient de la visière du casque du fantôme. Il ressentait le froid. Il ressentait la fraîcheur de ces bouts de ciel qui s’éclataient contre les têtes de tous. Il n’avait qu’à laisser sa main ouverte pendant quelques secondes pour que l’eau inonde la vallée creuse de sa paume. Ce n’était pas le moment de se battre en extérieur. Les averses sont signes de mauvais augure, plus ou moins bruyants.
Le corps maigre du fantôme se redressa alors que les gouttes se glissèrent entre ses doigts pour tomber sur les planches de bois. Il repoussa du pied le corps du cadavre ambulant, vers l’échelle. Peut-être souhaitait-il attirer l’attention ? Ou bien juste mesurer la hauteur. Il fit basculer son nouvel outil de mesure vers le vide, avant de rester immobile, le temps d’entendre le délicieux bruit des os qui craquent et des veines rupturées qui larguent avec panique leur contenu dans tous les sens. Cela ne fut pas le cas. Il jugea alors qu’il serait bon de tester soi-même les centaines de mètres qui constituaient la chute. Il fit un pas dans le vide, et joignit ses deux pieds, laissant la gravité faire le reste de son voyage. Il resta raide durant cette traversée de la mer de ténèbres qui séparait l’intérieur de l’extérieur de la mine, ses bras légèrement repoussés par le vent. Il atterrit en plein sur le corps du damné déjà écrasé sur le sol, provoquant un bruit fort peu appréciable et éclaboussant les alentours de ce qu’il restait d’hémoglobine. Il était à noter que Légion avait eu beaucoup de grâce dans son atterrissage, tellement qu’il était triste de voir que cela lui avait coûté beaucoup de rouge sur ses belles bottes de cuir.
Il n'y avait personne dans les environs. Pas un faux souffle destiné à faire croire au damné qu’il lui restait une maigre once de vie. Pas une parodie de battement de coeur qui n’était là que pour faire croître l’investissement des esclaves divins. Pas de cris. Un cadavre venait de tomber du ciel à l’inattention générale. L’amalgame se demanda s’il pouvait continuer sa recherche du Général Damné en paix. Mais par où commencer dans ce nombril de la terre ? Ses yeux n’avaient de lieu où se poser. Il ne pouvait pas voir dans ce noir complet. Il claqua des doigts. Une flamme se matérialisa dans sa main, faisant s’évaporer les restes de la pluie qui s’y était installée tout à l’heure.
"Que cherches-tu, insecte ?”
Légion put se retourner pour observer une énorme tête le fixer. Visiblement, il avait atterri en plein dans le repère de son adversaire. La bestiole en face de lui portait une armure. En fait, elle ressemblait à un chevalier dont l’apparence avait affreusement dépérit, s’il pouvait se fier à la maigre lumière qu’il venait de produire. En tout cas, son heaume certainement auparavant noble ressemblait davantage à une bouche d’animal, à présent.
”Je suis à la recherche d’un Général Damné, mais il me semblait que leur physique était menaçant. J’imagine que je dois continuer ma recherche, mais votre présence me bloque le passage."
Il ne put qu’éviter avec brio un fulgurant coup de masse, qui laissa alors s’étendre un froid sur plusieurs mètres. Il avait vu juste dans son adversaire : quelqu’un qui dénigrait un visiteur avait un égo facilement touchable à défendre. Les adversaires avaient toujours leurs faiblesses autant dans leur mental que dans leur physique. Ainsi, on pouvait imaginer que ce gros dur avait été damné pour ses envies violentes et ses nerfs tendus. Pourquoi donc tenter de le calmer quand on pouvait le châtier ? C’était de sa faute après tout d’avoir une personnalité comme celle-ci. C’était à lui de payer pour sa manière de sentir et de réfléchir. Et ce n’était certainement pas à des êtres supposément supérieurs de l’aider à se calmer.
"Mon antre n’a pas besoin d’une autre mauvaise âme qui fasse sa maligne. Cette caverne n’est construite que par les os de ceux qui m’ont insulté. Oserais-tu vouloir les rejoindre ? Il est vrai que ton chapeau pourrait me servir de cure-dent.”
La lame de Légion s’enflamma, lui offrant une torche. Ainsi, les flammes autour de son épée, et cette même épée dans sa main droite, il prit appui contre un mur afin de sauter par-dessus la bestiole. Sa main gantée toucha le dos de l’ennemi, et les Mémoires firent surface. Il put savoir le nom du Général Damné, qui en était donc bien un. Il s’appellait...
Titan, le Roi des Chimères:
Son physique était bien ridicule. Son corps était gros, gras. Son tronc, plus précisément, car ses jambes et ses bras étaient plutôt proportionnellement petits. Ses hanches s’étaient déplacées sur les côtés, afin d’aider au mouvement. Elles étaient également remontées, et ses jambes ridicules lui permettaient cependant de sprinter à des vitesses phénoménales. Le spectre put l’observer avec ses propres yeux lorsque son ennemi se retourna presque instantanément, avant de tenter de lui asséner un coup de massue capable de lui arracher la tête en bonne et due forme. Ce n’était qu’avec un deuxième saut contre une paroi qu’il put échapper à une fin d’aventure prématurée et un retour à la case départ de son combat contre le premier véritable obstacle à sa prise de pouvoir sur les morts. Ses petits bras maniaient donc le marteau avec beaucoup d’adresse, et Légion dut se projeter vers le plafond pour esquiver l’attaque suivante. Plantant son arme dans la pierre, il attendit l’offensive suivant pour l’en dégager, et ce qu’il avait prévu se produisit. La masse frappa la roche alors que le rapide fantôme tomba avec son outil de combat, avant de se réceptionner au niveau du sol par une roulade qui culmina par une entaille dans l’une des cuisses pourtant protégées de la créature.
Cette dernière hurla alors que Légion évita une autre potentielle décapitation forcée et peu attendue. Il glissa sur le sol, et son coup d’épée suivant fut vers le ventre de la bestiole. Il comprit par son hurlement qu’il avait fait mouche, mais ne put voir un coup de pied aussi ridicule que puissant aller vers son épaule. Par un manque de chance, qui pallia à la malchance originelle, le bras déboîté fut celui qui ne tenait rien. Cependant, il l’oublia bien vite face à la morsure que sa mâchoire contractée par la douleur fit à sa lèvre inférieure. Le goût du sang envahit sa bouche. C’était bon. Il allait devenir violent à nouveau. Usant des frottements de son membre mou contre la terre pour se ralentir, il se redressa à nouveau à l’aide de l’élan de son glissement sur le sol initial. Comment continuer le combat ainsi ? Cela pouvait être distrayant pour l’adversaire que de voir un bras s’agiter de façon ridicule durant un combat. Mais il n’en restait pas moins qu’il lui restait qu’une main.
Il comprit alors qu’il devait éviter d’être distrait durant le combat. Titan chargea vers lui, à une vitesse fulgurante. Ses yeux glacés le fixèrent alors que son heaume si durement critiqué se logea entre les côtes du fantôme. Les yeux du spectre s’élargissèrent alors qu’il sentit l’impression de devoir tout recracher d’un coup. De devoir vomir l’intégralité du contenu de son ventre. Il ne pouvait tuer ses ennemis, car ces derniers allaient revivre perpétuellement, comme il le fait bien lui-même. D’un geste vif, il compris le moyen de faire basculer la situation en sa faveur. Alors qu’il sentit sa cible l’écraser contre le mur, réduisant sa colonne vertébrale en miette, il lui planta la lame dans la tête. La bête hurla de douleur, et Légion comprit : Il l’avait affaibli assez. Son bras se tendit. Ses doigts s’écartèrent. La main de l’abîme se mit à s’enflammer et toucha le visage de Titan, qui hurla P̵͞ǫ̸ư̴͞͞҉r̸͜q̵̨́͜ư̧̕͞o̴̢̕͜ì́ ͠m̸̡̀͢'̵͘a̵̶̶s̶̀-͝͞͏̀t̶͞ų̛̕͠ ̢͡a̸̢̧͝͝b̨͢͟͡a̧̡͟ń̡͏́d̶̴̀͢o͟͠n̡͡҉͟͞n͡҉é̶̵̛e̴͢͢ ̶̨͟͞L̛͟ȩ́̀g̨̛ì̛͟o̷ǹ͏̢̢́ ̵̴?̧̀͠͠ à la mort alors que ses idéaux de règne s'effacèrent peu à peu. On ne pouvait vraiment qualifier le Marquage comme un lavage de cerveau. Il ne faisait que les convaincre instantanément qu'ils S̛͞o̧͏ņ̕t̸͠͠ ̸͘͡͠t̛́o̢҉u̵̴͟͢t͢͏͢͡ę̀s̷̨͜͝ ̴̡́̀͡d̛͡è̸s͟͞ ̶̕҉p͞͠͠u͟͏̢̢͘t̵̷̶a͘͏̶̕͜i̛͝҉ņ̷̡̀͠s͘͘͠ ̧̧͢͡!̨͢͠͝͏ ont tort.
Frêle, les jambes tremblantes, il n'eut assez de force que pour briser le flacon à sa ceinture. Ses forces le regagnèrent peu à peu. En état de combat, il n'était pas nécessaire de l'utiliser, car cela n'avait aucun effet. Cependant, une fois la joie de la bataille terminée, une fois le sang coulant non plus pour exciter mais uniquement pour blesser, une fois tout ça fini, le liquide d'ambre faisait ses effets. Il se reforma à nouveau à sa ceinture. Son ennemi était à présent vaincu, à terre, récupérant de ses blessures alors que sa tête le travaillait. "Oui, il a raison !" était ce qui lui occupait l'esprit. Il se cherchait simplement à chaque fois de quoi réfuter la thèse, l'antithèse et la synthèse. Et à chaque fois il se rendait compte de son plein gré qu'il vaudrait a̸͞͡҉u̸̡͟͠ ̵͏ş͞e͘͟c͏̡̢͡ó̵̡͘͜u̴̢͘͟ŕ̶̵̛s̴̛͜͞҉ mieux suivre Légion.
Bon sang ! D'où provenait tout ça ?! Le spectre leva la tête avant d'observer, dans la clarté de la lune que les nuages avaient à présent abandonné, une ombre menaçante. Elle le fixait. Et quand le fantôme plissa les yeux pour mieux analyser sa forme, elle disparut, ne laissant derrière elle Ḩ̳͈̦͉͉͖̥ͮ̊̂͂ͭͪͦ͒ͥ́͞ǔ̗̠̬̮̬͓̫̜̳̪̱̔͆͂̄͊̋͐̀͝ͅh̴ͦ̃̄ͮ҉̼̳̰͕̗̩̮̰̰͉̥̥̫̺̲̲̝ͅù̧̈́̿̈́ͯ̃̔̇ͨ̑͛ͨ͆̒̑͛̂̕҉̶͈̹͉̬̳̮̤͇̜̲͙̲ͅh̩̩̝͙̤̜͈̮̆̂ͦ̍ͩͦ͆ͬ̀́̍͊ͤ͆̃́̚͞ŭ̡̠̞̞̼̳̥̦̱̟̰̲̟̗͖̰͌ͦ͆ͧ̉̋̚͠͝͡h̨̛̞̱͎̱̭̐ͯ̋ͤ͑̏̊ͭ͞͡ṳ̢̨̙̫̝ͦ͊ͩ͛̾̎̅ qu'un rire que le spectre avait oublié depuis tellement longtemps. Un rire innocent et malfaisant qui ne lui donna qu'un profond et intense malaise au niveau l'estomac et une respiration trop rapide. Ses mains instinctivement se plaquèrent contre ses tempes, ses doigts s'emmêlèrent dans ses cheveux, et des sueurs froides envahirent son front tandis que ses yeux perdirent leurs points fixes.
"Monsieur ? Allez-vous bien ? Vous n’avez rien dit depuis hier soir. Votre santé m’inquiète… Et votre silence également… Monsieur ? Êtes-vous là ? Le contraire m’étonnerait beaucoup. Personne ne vous aurait vu sortir… Pas même moi… Cela va-t-il bien monsieur ?... J’entends votre respiration..."
Le serviteur parlait ainsi devant la porte fermée. Il pouvait entendre derrière le bois la démence se propager dans un esprit. Qu’y avait-il ? Qu’est-ce qui pouvait parasiter la tête de son cher maître ? Que faisait-il dans sa chambre seul ? Il pencha l’oreille au niveau de la serrure. Le bruit de la chair qui s’arrachait envahit son tympan. Les membres et les muscles qui se détachaient. Le sang qui giclait. Les os qui se brisaient. Les inspirations de l’être qui s’était enfermé dans la chambre du maître de Tim résonnaient dans la pièce. Ce dernier releva la tête, et se gratta le menton. Il semblait chercher quelque chose. Une idée. Une idée de comment faire sortir “monsieur” ? Ou bien une idée de ce qui lui arrivait ? Il se retourna alors immédiatement quand la porte s’ouvrit. Son visage ne changea pas d’expression, mais on pouvait sentir son soulagement à la vue de Légion qui sortait de la pièce. Il put cependant voir le visage de l’être qui a un jour brûlé le monde bien plus rouge qu’habituellement. Ses yeux semblaient vides. Son foulard ne couvrait pas sa bouche, et ses dents sanglantes semblaient si aiguisées, si affutées…
"Vous allez bien, monsieur ?"
L’ambre revint dans le regard du spectre. La flamme de son iris rayonna à nouveau. Est-ce qu’il recouvrait ses esprits ou bien les avait-il depuis le début ? Il remit son foulard par dessus sa bouche. Ce dernier couvrit le mélange de salive et de sang qui s’échappait de ses lèvres.
”Oui... Oui, je vais bien... À présent."
"Tant mieux, monsieur. J’ose espérer que vous ne vous enfermerez pas seul dans votre chambre à l’avenir."
Le fantôme continua sa marche dans le couloir. Le serviteur le suivit. Cependant, il préféra regarder un instant la pièce d’où sortit son cher maître. Le sang coulait sur les murs. La chair était écrasée sur le sol. Les dents éparpillées comme des miettes de pain. Les yeux roulaient encore sur le plancher. L’estomac de la bête qui avait fait ça fut creux. Cherchait-il à noyer ses soucis dans la nourriture au lieu de l’alcool ? Il n’empêche que le pauvre damné qui fut amené à sacrifier son corps prit le temps de mourir à nouveau. Mais il reviendra. Son corps se reconstituera. Son esprit reprendra sa place dans une enveloppe charnelle. Alors tout allait bien, pas vrai ? Il n’y avait aucune conséquence. Cela ne changera rien sur la personnalité du repas. Cela ne modifiera en rien ce qui se tramait pour les gens du monde des morts. S’il n’y avait pas de conséquence derrière, alors c’était tout à fait acceptable. Pas vrai ? Tim observa un bout de tête collé au plafond s’écraser dans toute sa splendeur sur le sol, laissant s’éparpiller le mélange de salive, de sang, et de larmes contenu en son intérieur par terre, permettant à une tache visqueuse prendre de plus en plus d’ampleur. Le majordome soupira, s’imaginant déjà devoir nettoyer tout ça. Il ferma la porte afin d’éviter que d’autres pauvres âmes aient à voir ça. Les couverts ne sont pas fait pour les chiens, voyons ! Et les serviettes non plus…
"Quelque chose vous trouble, monsieur."
Les deux marchèrent dans le large couloir qui menait on ne sait où. Le manoir était particulièrement immense. En fait, il n’en était pas vraiment un, mais l’ancien temple Shuryo était nommé ainsi par les compères. Peut-être dans le but de se concentrer sur leur nostalgie ? Est-ce qu’ils languissaient l’époque bien plus violente d’il y a plusieurs centaines d’années ? Peut-être. Ou bien avaient-ils juste repris une vieille habitude.
”Titan… avait-il un complice ?"
Le serviteur se tira la moustache.
"Heureusement pour vous que j’ai daigné demander des renseignements quant à son ancienne vie. Titan fut un jour un roi d’une nation oubliée. Sa facilité à gouverner n’avait d’égal que sa violence lors des combats quand il chargeait avec ses armées. En fait, il était même le premier dans la mêlée, mais il était toujours le dernier à en ressortir. Plusieurs fois on le crut mort, mais il sortait toujours des tas de cadavres en rampant. J’imagine que c’est de là qu’il tient son apparence si singulière."
”Quel est le rapport ?"
"J’y viens, monsieur : malgré toute cette brutalité tant avec la masse qu’avec sa propre tête, il finit par se trouver néanmoins quelque chose pour le réconforter : l’amour. Il acceptait tous les genres dans son armée, et s’occupait personnellement d’entraîner sa garde. Arriva bientôt une nouvelle recrue, une femme, qui lui cassa si magistralement la figure qu’il en acquit un certain respect pour elle. Je vous passerai la romance au centre des champs de bataille, sachez juste qu’ils finirent tous deux morts la même journée, exécutés par une reine à l’esprit tordu qui avait voulu forcer le premier à être son concubin. Elle fit durer le supplice de son amante bien plus longtemps, portée la jalousie. Ils en arrivèrent à apparaître ici en même temps. Cependant, si Titan s’est cloîtré dans sa caverne, sa chère Sirène semble portée par des idées bien plus mesquines et cruelles. Elle tourmente régulièrement les autres Damnés par sa voix qui leur ramène de biens mauvais souvenirs, et il semblerait que son dévolu se soit jeté sur vous. Si je puis me permettre, d’ailleurs : qu’est-ce que son chant sadique vous a-t-il fait vous remémorer ? "
Un léger silence.
”... Des emmerdes."
Un autre.
"... Veuillez m’excuser monsieur… Tant que j’y suis : le prochain territoire qu’il serait fort bon de conquérir est une forêt supposément magique. Les ressources qui y sont seraient bien avantageuses à posséder."
C’était un changement de sujet rapide et presque trop brutal. Aristidès Othon Frédéric Wilfrid Blondeaux Georges Jacques Babylas le Cinquième, communément surnommé Tim, le savait. Légion ne s’était pas arrêté de respirer aussi étrangement depuis tout à l’heure. Etait-il choqué de son régime alimentaire quelque peu original ? Ou bien était-il toujours troublé par ses rappels d’autres fois ? Des temps anciens qu’il n’aimerait pas revoir et réentendre.
Il était à présent au sein de cette même forêt mentionnée par le cher Tim. Derrière lui étaient des gardes damnés empalés sur différentes branches. Il put observer que les gardiens sylvestres avaient tous une armure de bois et de lierre. Quelle idée de les affubler de telle sorte ? Cela n’offrait pas véritablement d’avantage. En fait, cela n’en donnait aucun. Mais quand on observait la plupart des êtres capables de se battre des environs, on pouvait se dire qu’aucune armure ne servait véritablement. Il arriva bientôt, pieds dans le sang et la boue, au pied d’une montagne. Un énorme arbre se tenait là. Quatre branches étaient bien mal placées, d’ailleurs. Certaines qui partaient de la base du tronc montaient vers le ciel avant de repartir vers le sol. Les autres, avant le feuillage, descendaient directement. En fait, c’était une sorte de baobab qui semblait tenir depuis ses autres rameaux des cages. C’était donc un véritable arbre prison, semblerait-il. Cependant, ce n’était pas ce qu’il cherchait. Le général damné devait être dans les environs.
”Oï !”
Comment ne l’avait-il pas vu plus tôt ? Bien entendu que dans une forêt, le général allait être l’arbre ! Il évita un énorme coup de branche dans la figure. La voix qui résonna semblait comparable à celle d’un contralto. C’était une voix de femme, aussi grave qu’elle puisse être. En fait, elle pourrait être comparée à celle d’une fumeuse en série. Il esquiva un autre coup de branche, cette fois-ci en donnant une faible riposte par un coup de dague. La légère écorchure lui permit surtout d’appliquer son pouvoir de Mémoires. Ainsi, il connut le nom de son adversaire,
Yggdrasil, l'Arbre aux Condamnés:
”Un voleur ! Un voleur ! Voleur, voleur, voleur !”
Voleur de quoi ? De sa liberté. Mais enfin, ce n’était pas véritablement un asservissement. Il ne faisait que démontrer instantanément son point de vue. C’était juste convaincre sans avoir à passer par les longs dialogues et, très régulièrement, des heures de torture. Légion piqua un sprint, prenant cette fois-ci sa large épée, qu’il enflamma à nouveau. L’ennemie était une plante. Le feu s’occuperait ainsi aisément d’elle. Glissant sous un des énormes bras-branches qui lui aurait facilement éclaté le crâne, il fit une taillade avant de se relever grâce à un coup de coude dans le sol, l’élan toujours conservé par la boue sur le sol. Il sauta sur l’une des “jambes”, afin d’enfoncer sa lame dans le genou, avant de bondir à nouveau, vers le tronc cette fois-ci. Il planta l’arme blanche dans l’écorce et se mit à grimper rapidement, traînant derrière lui ce qui lui servait à faire s’éparpiller les flammes sur le corps de bois. Il ne vit pas cependant le coup de paume rapide qui lui arriva sur la gauche. Esquivant in extremis par un réflexe incroyable, il ne fut pas protégé d’un autre qui provenait de la droite. Son bras fut brisé, et c’était comme si les miettes de l’os qui occupait le membre pouvaient rebondir sous les muscles. Il s’éclata la figure sur le sol boueux et sanglant, perdant beaucoup de dignité alors que sa si belle cape passa de rouge à maronnasse. Se relevant, serrant les dents, manquant de les briser pour contenir sa douleur, il put observer avec beaucoup de frustration que les flammes n’avaient que peu d’effet sur l’ennemi. En fait, cela n’avait pratiquement rien fait. Peut-être que le bois était trop humide ?
”Lâche ! Lâche ! Lâche !”
Sa main crispée tenant toujours par on ne sait quel reflexe son épée, il fit la chose la plus censée possible : il se mit à courir dans la direction opposée à son adversaire. Il lui fallait trouver une faiblesse et vite. Cependant, il put entendre derrière lui un poids lourd s’envoler immédiatement. Tournant la tête derrière lui, il put voir avec effroi que l’énorme arbre venait de sauter, on ne savait comment, et comptait s’écraser avec lui. Ainsi, il n’était pas enraciné. C’était étrange. Il s’arrêta immédiatement et courut dans la direction opposée à celle initiale. Les quelques tonnes qu’il venait d’éviter s’écrasèrent sur le sol ainsi que… hein ? Les arbres avaient disparu ? Bizarre... Pouvait-elle contrôler les arbres ? Ou bien cherchait-elle à les protéger ? Protéger les arbres… ?
”Tu dois mourir ! Mourir, lâche ! Maintenant ! Tout de suite !”
Sa main gauche se contracta. Dans sa paume apparut une flamme. L’énorme adversaire de cages et d’écorces s’était retourné, avançant toujours assis en traînant son “derrière” sur le sol. Il pointa le feu orangé vers ce dernier. Yggdrasil avançait toujours. Le bras changea alors de direction, se tournant vers les autres plantes aux alentours. L’ambre brûlante se propagea alors sur les feuillages. Un coup de chance ? On dirait bien qu’elle n’avait pas donné à ses protégés sa résistance à la flambée infernale. Un hurlement insupportable se fit entendre, assez horrible pour laisser un sifflement dans les tympans du spectre quelques secondes après sa fin.
C’était à ce moment précis que Légion souriait, normalement. Mais aucune joie, aucune satisfaction de victoire l’envahit silencieusement. Il ne fit que dire solennellement ce qu’il avait à dire.
”À une seule condition : ne résiste pas."
Et Yggdrasil ne put qu’obéir. Légion courut vers le centre du tronc, près de ce qui ressemblait à un visage, et Marqua la générale comme il se doit. À nouveau un hurlement. À nouveau une résistance. L’énorme arbre tomba par terre, et le spectre éteignit d’un simple geste ses flammes. La fumée sortit de sa paume alors qu’il se rendit compte d’une chose : il ne ressentait rien. Il n’y avait pas de joie. Pas de satisfaction. Si son visage était capable de rester de marbre dans diverse situations, il n’en était pas moins qu’il ressentait du plaisir lorsqu’il accomplissait ce qu’il souhaitait. Mais là… rien. Rien du tout. Seulement ce vide intérieur. Il avait juste agrandi ses frontières sur la carte d’un monde que personne d’autre que les morts n’explorera. Qu’est-ce qu’il accomplissait à être là ? Qu’est-ce que ses gestes apporteraient ?
”Cela n’a pas l’air d’aller, l’ami.”
Une ombre s’étendit sur la terre. Une bête volante passa au dessus de Légion, avant de s’arrêter. Elle était montée, mais le contre-jour empêcha le spectre de bien voir la forme de l’étrange personnage, qui faisait son apparition au beau milieu de nulle part.
”Sur les bords tu dois être un peu trop travailleur. Toutes ces machinations doivent te faire mal au coeur. La vie n’aura bientôt plus aucune saveur. Pour ton propre bien, prend un peu de douceur.”
L’amalgame ne put se concentrer sur le ridicule des rimes du nouvel arrivant, car ce dernier lui lança une bouteille, qu’il attrapa au vol. Une poudre bleu nuit remplissait le récipient. Qu’était-ce donc ? Il n’eut pas le temps de répondre : sa propre méfiance couplée au départ aussi rapide que l’arrivée du personnage qui montait la bête volante le laissa seul avec son bras cassé au milieu d’une clairière. Il se demanda s’il avait l’air bien malin ainsi.
"Ah ! Monsieur, vous sentez-vous mieux aujourd’hui ? Il serait dommage que vous vous fassiez attaquer par une vilaine déprime si tôt dans votre nouvelle aventure..."
Légion ne répondit pas directement, préférant laisser dans la main de Tim une bouteille remplie de poudre bleue.
”N’en prend pas. N’y touche pas. Nous devons savoir de quoi c’est constituer."
Peu de délicatesse avait pris place dans le langage du spectre. Ce dernier monta vers sa chambre, laissant la porte fermée derrière lui. Aristidès Othon Frédéric Wilfrid Blondeaux Georges Jacques Babylas le Cinquième, communément surnommé Tim, fut ainsi laissé seul, observant son cher maître aller tristement à l’étage. Il se mit à regarder le contenu du récipient. Qu’est-ce que cette chose était donc ?
Légion
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"J’ose espérer que vous n’avez pas fait de votre chambre un enfer pour celui qui devra nettoyer, cette fois-ci, monsieur."
”Je n’ai rien fait de salissant cette nuit. Hier était une mauvaise reprise."
"J’en conclus que vous n’avez pas faim aujourd’hui."
Légion était assis sur son fameux fauteuil, toujours en direction de la fenêtre. La tête posée contre le poing et le coude contre l’accoudoir, il discutait tranquillement avec Aristidès Othon Frédéric Wilfrid Blondeaux Georges Jacques Babylas le Cinquième, communément appelé Tim, son fidèle serviteur qu’il avait recruté il y a de cela quelques jours, après que ce dernier lui ait tordu le bras et ravagé l’estomac, le tout après avoir brisé l’esprit du diable qui s’était joué du spectre. Le majordome avait ses bras derrière le dos, debout à côté du trône de velours et d’or que l’amalgame trouvait bien trop luxueux à son goût.
”En toute honnêteté, je crois bien que si."
Le personnage en costume cravate se mit à sourire légèrement. Il tendit sa main au fantôme. Une pomme se trouvait là, entre ses doigts. Elle était d’un rouge remarquable, et semblait être presque fausse. Mais au moins il y avait de petites étoiles jaunes dessus. De sa main gantée et griffue il prit le fruit bien particulier. Il le contempla un instant, avant de baisser son foulard et de croquer un bout du mets. Il fut particulièrement étonné de sentir à quel point c’était délicieux.
”Qu’est-ce que c’est ?"
"Des fruits du jardin d’Yggdrasil, que vous avez conquis hier. J’ai envoyé Périmé en récolter peu après votre départ. Je savais que votre prise de pouvoir de l’endroit allait être un succès. Il a dit qu’il fut accueilli avec sympathie par vos nouvelles troupes. Je crois que cela a fait plaisir à ce grand enfant que d’avoir des ordres à suivre. Et j’estime que cela fera de même à vos autres Généraux ainsi qu’à vos serviteurs les moins puissants. Vous devriez donner des consignes à suivre à ceux qui vous suivent."
”À quoi bon ? Des vacances ne sont-elles pas appropriées ?"
"Arendt disait qu’il y a un cycle du travail et du loisir. Cela ferait du mal à leur esprit déjà tourmenté de n’avoir rien à faire. La mine de Titan ou bien le Jardin d’Yggdrasil sont remplis de ressources bonnes à utiliser. De la nourriture pour vos troupes ou bien des minéraux qui constitueraient leurs armes. N’est-ce pas une belle vision ? "
Légion ne répondit pas, terminant de manger ce qui avait expulsé l’homme du paradis. Les rescapés des enfers avaient droit au fruit qui les y avait envoyé. Quoi qu’il ne gagnait pas connaissance de ses malheureux goûts vestimentaires, cette fois-ci. Il avait juste oublié ce que c’était de goûter à quelque chose qui ne provenait pas d’un animal. Alors que sa sucrerie de la nature devenait un trognon, il reprit la parole.
”Parlant d’Yggdrasil, quelle fut son histoire ? Comment est-elle arrivée là ? "
Tim se tira légèrement la moustache.
"C’était une riche fermière. Dans la vallée de la Salinas, en Californie, elle possédait le plus grand terrain de tous. Et étrangement, elle possédait une véritable mine d’or en terme de fruits. Ses champs luxuriants étaient toujours pleins de nourritures. Et tout autour de ses possessions étaient des affamés. Ils tentaient de se servir dans sa propriété, mais elle les accueillait avec un fusil et des balles dans le visage. La famine faisait rage aux alentours. De sa fenêtre elle voyait des visages dépourvus de muscles, des squelettes enveloppés de peau. Et elle les ciblait avec une certaine aisance, tous ces voleurs. Son commerce fut terminé par un seul évènement : des torches enflammèrent sa maison une nuit, et le bois qui la constitua brûla tout aussi aisément que sa peau. Ses cris furent couvert par les hurlements de joies des personnes qui purent enfin manger tandis que la Sorcière de la Salinas était envoyée vers sa tombe. Depuis, elle s’est mise à cultiver les champs d’ici. Elle avait toujours cru le vol mauvais, elle avait toujours pensé qu’il fallait punir ceux qui se dérobaient au huitième commandement de Moïse. Et pourtant, la voilà parmi ceux qui tombèrent en ne pouvant se sustenter. Il n’empêche pas moins que ses produits sont délicieux."
”Ou bien peut-être que c’est nous les affamés, à présent. Nous vivons sans souffle, sans besoins vitaux, mais pourtant ils semblent toujours présents. Je respire quand bien même il ne m’est pas utile de le faire. Je mange après des années sans paître. Mon sang ne m’apporte rien, et pourtant, qu’importe mes blessures, il ne sera jamais vide. Il semblerait que nous soyons les prototypes de la vie, mais nous ressemblons plus à des essais ratés. J’imagine que c’est cela, la mort. Une parodie de vie."
Un petit instant de silence.
"Navré d’interrompre votre moment de faiblesse mentale, monsieur, mais je tiens à vous informer que je n’ai pas réussi à déceler la composition de cette fameuse poudre bleue que vous avez ramené hier. Cependant, il existe, non loin de notre territoire à nous, un expert dans ce genre de compositions. Un fin maître dans l’art de mélanger des produits sans véritablement savoir comment faire, avant de soudainement expliquer en détail qu’il a raison, et de le démontrer. Un professionnel de la chimie. Et il devrait pouvoir nous aider."
”Et j’estime qu’il ne sera pas enclin à nous aider, de part son évidente position de Général Damné ?"
"Certainement monsieur. Il ne tient qu’à vous d’aller négocier directement avec son for intérieur et le convaincre de nous rejoindre par une apposition de la main comme vous avez l’habitude de le faire."
Légion se leva de son siège, remettant sa cape en place. Un pas en avant, et le voilà devant le château du potentiel adversaire. Cette tour n’était pas bien gardée : la quarantaine de gardes qui patrouillait fut amenée à être bien silencieuse en un bout de temps. Ce n’était qu’en observant les yeux du dernier alors que sa gorge ne pouvait s'approvisionner en souffle que le spectre se rendit compte de son efficacité à la tâche. S’était-il amélioré ou bien en a-t-il toujours était capable ? Il ne savait pas, mais il semblait bien qu’il soit bien meilleur au meurtre qu’il n’y pensait. Voyant les iris monter doucement vers le front de la pauvre âme, le fantôme se sentit joyeux. Il y avait véritablement une petite joie à ressentir quand les adversaires pouvaient être infiniment tués. Il n’en était pas moins que seulement quarante gardes pour un bâtiment comme celui-ci était bien étrange. Montant les escaliers, ses tympans prêts à recevoir le moindre petit son, l’amalgame put entendre deux dernières sentinelles. Le dialogue semblait porter sur la taille des capuches de ces derniers. Étrange. Mais après tout, les goûts vestimentaires pouvaient traverser la mort.
Arrivant bientôt à la fin de la spirale, Légion sauta depuis l’une des marches de l’escalier, afin d’arriver devant les deux pauvres proies qui se dressaient devant lui. La plus éloignée reçut une dague dans l’oesophage, laissant le fer lui entraver la gorge, taisant jusqu’au plus silencieux de ses râles. Le second, cependant, était juste au contact de l’être encapé, qui le saisit rapidement par le nez, plaçant ses doigts dans ses narines, avant de le plaquer presque instantanément au sol. La main gantée de l’homme qui avait brûlé le monde devint un poing, et cet amas de fer et de violence s’abattit sur le visage de la pauvre victime. Une fois, deux fois… chaque bruit d’os qui rencontrait le fer semblait être une douce musique qui retentissait jusqu’aux oreilles du violent monsieur. Bientôt, le nez fut englouti dans sa propre cavité, rejoignant la morve et le sang qui y coulaient déjà. Puis le reste du visage suivit. Mais la forme restait, encore et toujours. On y voyait toujours quelqu’un. Les coups prirent de la vitesse, et bientôt les os partirent de plus en plus loin, l’hémoglobine coula en plus grand nombre. Il n’y avait plus de visage à déformer, à présent, mais la chair brute sur le sol était toujours une cible. Ce n’était que quand le sol lui-même ne put résister, quand les pierres se brisèrent que la bête se rendit compte qu’il n’y avait plus de violence à promulguer. En fait, il semblait y être allé trop loin. Arriva dans sa conscience, d’ailleurs, le fait qu’il était en train de respirer fortement, et que ses dents s’étaient serrées plus que d’habitude. Enfin, ses phalanges informèrent son cerveau qu’elles étaient bien trop utilisées. Il allait certainement avoir des bleus le lendemain. Cela rejoindra sa collection de blessures récoltées au fil des années.
”Excusez-moi, mais il y a des gens qui sont en train de travailler, ici ! Je suis actuellement en train de créer la vie, messieurs, et j’aimerais ne pas être dérangé. Et c’est très fragile, cet équipement, d’ailleurs ! Il suffirait que ce vivarium se casse pour que...”
La porte, que gardaient les deux pauvres choses qui étaient par terre à présent, s’ouvrit alors, laissant un être étrange, emmitouflé de différentes robes et affublé d’un énorme chapeau faire son apparition. Observant le spectre tenant dans sa main les restes de la tête d’un des deux gardes, et ce qui était arrivé à ce dernier, il laissa tomber un bloc de verre qui contenait en son intérieur une sorte d’ombre. Lorsque la vitre se cassa, quelques fantômes se tirèrent des restes, avant de partir par les fenêtres. Mais le nouvel arrivant restait là, silencieux, menaçant. Il regarda Légion d’un air étrange, avant de soudainement se retourner, lever les bras, et hurler à la mort, fuyant le monstre qui venait de se positionner face à son laboratoire. Conscient qu’un être habillé de la sorte ne pouvait être que le Général Damné qu’il cherchait, l’amalgame se lança à sa poursuite.
”Si vous cherchez Baba Yaga, il se trouve de l’autre côté ! Je dois aller lire un ouvrage sur les vélos ! À pluuuuuuuuuuus !”
Sa voix qui changeait d’intonation résonna dans le milieu sombre et plein de machines et de liquides fluorescent, qui se cachait derrière l’entrée. Le fantôme ne pouvait voir les jambes qui permettait au ridicule mage de courir aussi vite. Cela donnait l’impression avec son énorme robe sombre qu’il glissait sur le sol. Arrivant prêt d’un meuble qui contenait des flacons remplis de fluides potentiellement dangereux, il la fit tomber derrière lui pour gagner du temps, laissant les récipients s’éclater sur le sol. Légion enjamba l’obstacle, évitant avec précaution ce qui se répandait par terre. Cette course poursuite ridicule continua quelques minutes, mais Légion gagnait petit à petit du terrain sur celui qui devait être trop concentré par l’étude des potions pour faire un peu de sport de temps à autres. Alors qu’il se préparait à attraper le fuyard, il sentit quelque chose le transpercer. Une rapière s’était enfoncée dans sa cage thoracique. Il semblerait bien que son adversaire savait manier une arme en fin de compte. Son pouvoir de Mémoire s’activa alors qu’il souffrait toujours de l’attaque lancée par
Baba Yaga, Monsieur le Médecin:
”J-j’ai réussi ? J’ai réussi ! Ouah ! Incroyable ! Sans moi-même, je n’y serais jamais arrivé tout seul ! Les mots me manquent… Extraordinaire ! Extraordinaire ! Anticonstitutionnellement extraordinaire ! Et… euh ?!”
Légion avait juste continué à marcher jusqu’au bonhomme, laissant la pointe le traverser lentement de long en large. Une fois arrivé jusqu’à lui, il le fixa dans les yeux un instant. Un très long instant. Les doigts du docteur, posés sur sa rapière, tremblaient. Sa main tenait toujours l’arme, contractée par la terreur.
”A-arrête ? Ça fait peur...”
Le fantôme lui posa alors la main sur le visage. Mais il n’y eut pas de cris. Il n’y eut pas de hurlement. Baba Yaga écarquilla juste les yeux un instant, avant d’arrêter une fois le geste terminé.
”C’est tout ?”
Légion parut légèrement étonné.
”Oui ?"
”Ah ! Bon, ben c’est génial ! Moi qui croyait que vous laviez les cerveaux par la torture ! Non mais en fait c’est juste tranquille. Vous voulez que je fasse quoi alors, maître ?”
Il retira rapidement la pointe qui s’était logé dans le poumon de Légion. Le retrait lui fit monter un peu de sang dans la bouche, mais rien qu’il ne pouvait contenir. Il se plaisait juste à avoir un minimum de charisme face à un être aussi facile à apeurer.
”Excusez-moi, hein ? C’est la violence. J’aime pas ça. Cela se propage comme de la mauvaise herbe. Et il y a pas pire que la mauvaise herbe, hein ? Ah ça non. Vous voulez quelque chose d’autre ?”
”Fais tes bagages. Nous avons besoin de tes connaissances."
”Oh… oh mais tout de suite !”
Il revint en arrière, prit un petit sac, et l’ouvrit, avant de tapoter de sa rapière sur un tabouret, et de s’adresser à sa collection d’affaires personnelles.
”Higitus figitus zomba kazom. On vous demande toute votre attention : nous faisons les bagages et nous partons.”
Le reste de la chanson, vous la connaissez peut-être. Le fantôme, lui, se laissa tomber. Il arriva alors dans son fauteuil, devant sa fenêtre, avec comme toujours son fidèle Aristidès Othon Frédéric Wilfrid Blondeaux Georges Jacques Babylas le Cinquième, communément appelé Tim.
"Souhaitez-vous quelque chose, monsieur ?"
Légion tourna la tête dans sa direction.
”Je veux une nouvelle infrastructure : une maison pour chacun des Généraux qui me suivront. De quoi subvenir à tous leurs besoins, ainsi que des chambres de rassemblement pour différents meetings et autres activité politiquement barbante."
"Quelque chose d’autre ?"
Le spectre tourna à nouveau sa tête vers la fenêtre.
”Juste une autre pomme. Ou bien deux."
Légion
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"Vous réfléchissez toujours seul, durant la nuit, monsieur ?"
”Que pourrais-je faire d’autre ?"
"La première réponse que j’ai à vous offrir est celle de dormir, la deuxième est celle de manger, la troisième de vous entraîner, et la quatrième de recevoir de la compagnie. Mais j’imagine que vos idées noires vous tiennent bien plus compagnie que tout être vivant et intelligent qui arpenterait ces lieux. "
”Nous ne sommes pas exactement vivants, par ici."
"User de l’exactitude des mots afin d’éviter d’avoir à affronter la véritable signification de ma phrase est un geste que l’on pourrait qualifier de couardise, monsieur."
”Si tu veux une véritable réponse, sache que je préfère rester seul à penser plutôt qu’à rester et écouter d’autres."
"Cela ne sera pas utile si vous souhaitez obtenir d’autres points de vue sur la chose. Mais j’imagine qu’à ce rythme là votre vie sociale deviendra comme votre vie amoureuse. Inexistante."
”C’est une bonne raison pour ne pas en parler. Je n’ai même plus de vie tout court. Qu’importe l’adjectif que l’on ajoutera après, elle n’existera pas."
"Et que nous vaut cette nouvelle dégradation de votre propre personne, monsieur ? Il y a certainement quelque chose qui a traversé votre esprit en cette belle nuit."
”L’impossibilité de mes rêves. Rien de plus. J’aimerais ne pas en parler."
Le Majordome fut silencieux un instant. Peut-être qu’il se demandait s’il pouvait continuer à presser son pauvre maître de questions, ou bien aller directement à la raison de sa visite dans la chambre du souverain de la plus grande partie des Champs-Désolés. Il tira un peu sur sa moustache pour accompagner sa réflexion. Peut-être que cela lui remonterait le moral que de lui apporter cette fameuse nouvelle.
"Monsieur, peut-être que j’ai dans ma main de quoi vous redonner le sourire. En effet, vous avez reçu du courrier."
La tête du fantôme se tourna vers son acolyte bien habillé.
”Du courrier ?"
"Il semblerait que quelqu’un a entendu parlé de vous, monsieur. Et il a décidé de vous provoquer en duel. Enfin, c’est ce que j’ai cru comprendre, car sa calligraphie est bien plus désastreuse que votre habilité à apprécier la compagnie des autres."
”Aussi simplement que ça ?"
"Aussi simplement que ça. Il vous demande de lui casser la figure à quatorze heures trente, dans une plaine située à l’ouest d’ici. On dirait bien qu’il est amateur d’épreuves de forces et de combats en un contre un. Je me demande s’il lisait des livres d’épéistes avant de mourir. Avec un peu de chance, il sera assez idiot pour s’être donné un code d’honneur. Cela signifie qu’il ne protègera pas son entrejambe par principe que ce ne sera pas votre cible principale."
”C’est un terrain où il n’y a pas beaucoup d’endroits où se cacher. Il ne ramènera pas de troupes avec lui."
"Ne vous dévaluez pas ainsi, monsieur. Vous savez très bien que ce ne serait que des cadavres que vous pourrez utiliser comme masses ou boucliers."
”Parler ainsi me permet d’éviter de me donner plus que ce que j’ai. Ainsi, je pourrais être impressionné plus que quiconque par mes propres capacités."
"Si cela vous permettra de vous sentir mieux. Je ne peux à présent que vous souhaiter bonne chance et bon courage. Enfin, si vous décidez d’y aller bien sûr."
”Je n’ai rien d’autre pour m’occuper la tête, de toute façon."
Le rendez-vous était prévu pour quatorze heures trente. C’était pourquoi Légion avait décidé de venir une heure en retard. La raison était simple : cela était incroyablement fatiguant que d’attendre un adversaire, en particulier pour un duel. C’était quelque chose de peu honorable, bien sûr, et c’était exactement pourquoi le spectre optait à cela. Il n’y avait rien de plus ravissant que d’affronter quelqu’un qui n’était pas au maximum de ses capacités. Une âme acrimonieuse devenait adversaire attaquable assez aisément. Et c’était pourquoi il se retrouva dans cette fameuse plaine de l’ouest à marcher lentement et tranquillement vers le centre de l’endroit, là où logiquement se trouverait l’hôte du combat. En vérité, il n’y avait pas de précision exacte. Quoi que la longitude et la latitude n’existaient probablement pas dans le monde des damnés. Cela fera davantage attendre celui qui voulait tant affronter l’amalgame.
Il existe septs péchés. Le premier est l’orgueil. La volonté de s’attribuer des comportements et des qualités afin de faire s’inciter de force une adoration de la part des autres. Cela peut également conduire à vouloir s’offrir une position de dominance non méritée, que ce soit celle d’un roi ou bien d’un dieu.
Le second est la gourmandise. Quand bien elle est associée à la nourriture, de nos jours, elle qualifie tout type de surconsommation. Le meurtre perpétuel d’êtres vivants pour le plaisir jusqu’à ce qu’il n’y en ait plus. Ou bien une conquête bien trop rapide uniquement pour vouloir avoir de quoi massacrer.
Le troisième est l’envie. La tristesse ressentie par la possession d’un bien d’autrui. Ce bien peut être n’importe lequel, mais le souffrant voudra toujours se l’approprier. Il peut être celui de posséder le pouvoir d’êtres supérieurs, ou bien d’avoir une existence non méritée.
Le quatrième est la colère. L’excès négatif des paroles et des actes. La violence, les insultes, les meurtres. Le sang qui devient chaud et fait refroidir celui des autres. Bien entendu, la tuerie est toujours l’incarnation même de ce péché. Mais celui qui brise deux bras et deux jambes au lieu d’un cou est-il moins colérique ?
Le cinquième est l’avarice. Vouloir posséder des biens uniquement pour le but de les posséder. Cela n’est pas toujours de l’argent ou des pierres précieuses, mais peut-être des territoires ou bien des serviteurs. Tant qu’on ne les partage pas…
Le sixième est la paresse. La volonté morale de ne pas changer les choses. Cela peut être caché par une faiblesse personnelle que l’on qualifierait de trop puissante, mais le résultat est le même : celui qui pourrait faire s’écrouler les dictateurs du monde préfère se noyer dans l’alcool.
Enfin, le septième est la luxure. Quoique la signification première d’une recherche du plaisir sexuel n’est pas si problématique, le désir fort trouvable dans la signification d’autres langages l’est. Un désir pour le pouvoir, pour la possession, ou pour la puissance, par exemple.
Légion entendit une voix dans sa tête. Cela n’était pas la voix qu’il connaissait déjà et qui s’amusait à lui faire monter une boule dans l’estomac. Une voix pourtant familière. Nul doute qu’il s’agissait d’un énième discours qui visait à lui prouver à quel point il était l’une des plus abjectes ordures qui traversèrent jamais le plan existentiel. Sauf que cette fois-ci, c’était un télépathe ou un autre type de maître des messages psychiques. Se faire remettre en place par un proche était toujours une mauvaise expérience. Par un ennemi, cependant, c’était une source d’amusement. Voir ceux qui n’avaient pas de connaissances dans l’air du mal laisser s’échapper leur honte viscérale était toujours quelque chose de fort drôle. Cependant, le fantôme n’avait pas le coeur à rire, quand bien même il ne battait plus. Alors il ne fit qu’écouter l'écho intérieur qui résonna dans son crâne pendant quelques secondes. C’était alors qu’il arriva devant celui qui semblait être l’auteur de ces petits messages mentaux.
Il était assis en tailleur, son énorme bouclier dans son dos cachant sa carrure assez athlétique, mais peu comparable à celle d’un colosse. Il devait faire quelques centimètres de plus que Légion, mais au final il ne valait pas Périmé. Il devait sentir la présence du spectre, car quand ce dernier se rapprocha de lui, il tourna la tête avant de se lever. Son armure se concentrait davantage sur la protection que sur l’agilité, mais il semblait néanmoins capable de prouesses techniques hors du commun. Ce n’était pas des mailles et du métal qui la constituaient, mais plutôt des écailles d’énormes créatures. Il n’en fallait pas plus pour qu’il se proclame chasseur, ou bien descendant, de dragon. Et c’était sans compter son heaume qui prenait la forme d’une mâchoire de ces formidables créatures, possédant une ouverture en son arrière pour laisser dépasser l’incroyable chevelure rouge de son porteur. Posant son regard sur son porteur, il laissa passer quelques gouttes du fleuve du temps avant de finalement briser le silence avec subtilité.
”Salut négro, t’es en retard.”
C’était donc ça qui l’attendait. Légion ne répondit pas. Est-ce qu’il était étonné par la différence de ton entre le discours mental qui lui fut envoyé auparavant et celui qui était arrivé dans ses oreilles avant d’être envoyé dans son cerveau ?
”Il était bien, mon discours, hein ? J’ai mis beaucoup de temps à l’écrire. Cela m’a pris environ une demi-heure… Que de travail. Mais je ne me suis pas présenté ! Mon nom, en bonne et due forme, est Susano.”
Susano, le… euh..:
”Et que me vaut cette invitation à un combat en un contre un, Susano ?"
”Oh, la raison de ma demande est bien simple : j’ai très souvent entendu parler de la légende d’un être à la faculté de combat extraordinaire. D’un homme qui a brûlé le monde. D’un guerrier qui a fait de la terre sa chienne. Et cet épéiste sensas, que l’on m’a décrit plus d’une fois, est un jour apparu sur ces terres, inconnu de tous. Chic, me suis-je dis. Je vais pouvoir lui casser la figure afin d’améliorer mes talents de combat. Puis j’ai entendu qu’il s’était bien ramolli avec la mort. Alors, après l’avoir observé quelques temps, je me suis dis que j’allais pouvoir lui faire profiter de cette chose exceptionnelle qui a été découverte il y a peu. Une poudre permettant de faire sentir la vie aux morts et la mort aux vivants. Il allait de nouveau être capable de se battre, ainsi. Et après l’avoir vu courir face à un arbre, je lui en ai fait cadeau. Mais on dirait bien qu’il n’a pas accepté la douceur qui lui fut proposée...”
Ainsi c’était lui, le poète aux rimes défectueuses ? Son apparence ne s’accordait pas avec celle d’un dealer. Mais la poursuite de la bataille était un plaisir compréhensible. En fait, Légion se sentit presque honoré par le fait qu’il se soit trouvé un adorateur. C’était dommage qu’il préférait la vieille époque. De tous les fans contingents qu’il pourrait avoir, celui qui souhaitait à présent se battre contre lui appréciait une personne qu’il n’était plus. L’amusement du fantôme laissa place à un soupir. Et l’hôte du duel en fit de même.
”Les mendiants ne peuvent pas choisir… Je me contenterai de ce que j’ai. Ainsi, je n’aurais qu’une seule requête...”
Le fantôme attendit la suite sans bouger. Ses bras étaient croisés depuis tout à l’heure, et n’avaient pas changé de position depuis. Susano se mit en position de combat, lentement.
”Et ce sera de ne pas me décevoir davantage, Légion ! ”
Pourquoi est-ce qu’ils devaient toujours hurler leurs paroles avant les combats ? Cela en devenait fatiguant. Légion sortit son épée de son fourreau, et là arriva la partie la plus barbante des luttes armées : la bataille de regard qui déterminera celui qui attaquerait le premier. C’était parfois tellement intense que les participants en oubliaient de croiser le fer. Généralement, cela s’avançait à des gens plutôt énervés qui au final se rendaient compte de tous les désastres qu’engendreraient le fait d’écraser le nez du type en face. Alors on espérait que ce soit l’autre, afin de pouvoir plaider l’auto-défense. Les bonnes bagarres sans conséquences disparaissaient, malheureusement. Mais dans les duels, il n’était pas question de fuir. Ou du moins pas dès le début. Alors il y avait cette attente silencieuse que seuls les cow-boy et les samurais savaient manier à la perfection. Ce suspens à son comble. Sauf que quand on était immortel et capable de se prendre quelques entailles à la figure, cela devenait simplement lassant. Et souhaitant éviter de déjà faillir à la requête de son adversaire, le spectre attaqua le premier :
Il se mit à piquer un sprint en avant, attrapant sa claymore avec ses deux mains, dans le but de l’enfoncer avec bonté dans le pectoral droit de son ennemi. L’usage des armes était destiné à tuer; pas plus, pas moins. Mais Légion avait pris goût de la violence. Il s’amusait à faire tourner les pointes et les lames. Après des siècles de tuerie, ajouter quelques effets aux myriades de meurtres permettait d’éviter la redondance de la situation. Cependant, alors qu’il arrivait près de son adversaire, il changea de tactique : attrapant le bout de la lame avec ses mains, il se mit à utiliser du pommeau comme d’un marteau et tenta de viser la cheville droite, mettant l’énergie de son élan dans son geste malgré sa nouvelle position de golfeur. Susano, qui avait placé son énorme hache au niveau de son buste afin de bloquer l’épée entre la lame et le bâton de son arme, réussit à réagir au mieux, levant le genou pour frapper du talon le fer qui voulait lui amocher les articulations. Il put ainsi gagner le temps nécessaire à la contre attaque. L’amalgame observa qu’il n’avait toujours pas sorti son bouclier de son dos. Cela rendait impossible toute attaque en traître, et lui permettait de focaliser toute sa puissance sur sa hallebarde. Certains guerriers agissaient ainsi, gagnant une espèce de sac qui leur protégeait presque entièrement l’arrière jusqu’aux jambes. Et en cas de besoin, ils pouvaient la changer de place. Avec un peu d’entraînement, on venait rapidement à se faire à ce nouveau poids.
Légion, lui, sortit de sa ceinture sa dague, tout en reprenant son épée par le pommeau, qui lui permit de parer le coup qui lui fut porté au visage. Il tenta, avec la première, d’entailler le torse de son adversaire, mais ce dernier fit bouger le manche afin de rencontrer la petite arme blanche. Le fantôme se baissa, et tenta un petit coup de pied au niveau des jambes, par dessus lequel Susano sauta. Se retrouvant alors derrière le spectre, celui qui portait le motif des dragons lui donna de la base de sa hache un rapide coup dans l’arrière du crâne, qui fut paré par le casque de l’amalgame. Le pauvre couvre-chef fut envoyé en arrière, laissant les cheveux pâles et mal coiffés du fantôme sans protection face à l’horrible lumière du soleil.
”Hé ! Au moins, tu es toujours le même par rapport aux descriptions physiques que j’ai entendu sur toi !”
Un commentaire que le fantôme n’apprécia pas trop, en particulier quand il n’était pas bien apte à observer sa propre apparence physique. Cependant, cela faisait longtemps qu’il n’avait pas senti le vent dans sa tignasse. Une sensation qui lui parut étrange. Mais il s’échappa rapidement de cette légère torpeur qui le prit par surprise en ce court instant. Le guerrier à la hache tenta de lui faire un magnifique coup vertical, qui se retrouva dans le sol. Légion était allé à la droite de son adversaire, mais ce dernier semblait avoir prévu le coup : une attaque aussi facilement évitable était peut-être un appât pour une autre moins destructrice mais tout aussi dangereuse. C’était pour quoi celui qui avait brûlé le monde avait reculé d’un pas, se retrouvant nez à nez avec un coude, qui avait failli lui briser l’os du milieu de son visage. Coude dans lequel il tenta de planter sa dague, sans succès. Les mouvements de l’adversaire étaient rapides, puissants, et dénués de grâce. C’était un combattant assez pragmatique, qui ne faisait que se battre pour se battre, mais il avait l’air de bien aimer la chose quand même.
”Au passage, qu’est-ce qui t’amènes à vouloir devenir le boss de ce bas royaume ?”
Dit Susano avant de tenter une attaque capable de décapiter n’importe quel monstre qui aurait parcouru un jour le sol terrestre, que Légion évita de peu. Quelle idée d’entamer la conversation durant une épreuve comme celle-ci ? Peut-être était-ce un piège ? Son ton semblait pourtant plaisant. Le fantôme tenta une frappe à deux mains avec son épée dans le flanc de son adversaire alors qu’il répondit :
”Je viens tenter de rallier les morts afin de leur donner une meilleure vie."
Se tournant sur le côté, afin de permettre à son bouclier d’encaisser l’attaque tout en alignant à nouveau le pommeau de sa hache avec la tête de son ennemi, celui qui portait l’armure d’écailles répondit :
”Oh. Ainsi donc tu es donc vraiment devenu sensible aux autres ? C’est incroyable. Mais je vois pas pourtant pourquoi cela t’as tant affaibli.”
L’attaque partit, et décrocha le reste du masque du visage de Légion. Ce dernier tenta de couvrir à l’aide de ses cheveux secs ce qui était visible, espérant que son regard captive celui de l’ennemi.
”En toute honnêteté t’es pourtant identique à ton toi d’avant. Bon tu devrais prendre un peu plus soin de ta gueule, mais sinon ça passe. Enfin, c’est pas à moi de juger, hein ? Mais je vois pas pourquoi tu t’appliques à faire un truc que tu sais pas faire. La claymore comme défense et la dague comme attaque, c’est pas ton truc, hein ?”
Légion resta silencieux quelques secondes, avant de regarder un instant sa façon de tenir ses lames. Il était vrai qu’il adoptait un style différent à chaque fois, ces derniers temps. Il ne perfectionnait jamais la même technique. Attrapant son épée à deux mains, il chargea à nouveau sur Susano, cette fois-ci avec plus d’agressivité dans sa façon de faire. Il tenta une attaque en diagonale, qui fut parée, puis une autre, avec le même résultat, et ainsi de suite. Un barrage d’attaques qui se termina par un contre du guerrier à l’armure écaillée. Mais le fantôme tenta quelque chose de différent d’une parade. Il attaqua en même temps que le chasseur de dragon, enfonçant sa lame dans le flanc de son ennemi, qui arrêta son coup en plein vol face à la douleur. Ce dernier posa sa main par dessus sa blessure, réflexe normal du corps destiné à atténuer la douleur en stimulant les nerfs sur une autre information.
”... Hé, pas mal !”
Et il accentua son compliment par un coup de tête en plein dans le visage de son adversaire. Le fantôme se le prit sur le nez, et la montée de sang dans ses narines le distraya assez longtemps pour se prendre l’arrière de la hache en plein dans le ventre. Susano, usant de la force de ses deux bras, les mains crispées sur son manche, le souleva et le fit s’écraser contre le sol, derrière lui. Quand bien même il avait l’occasion de tenter de lui faire un coup de grâce, il préféra simplement lui donner un coup de pied, envoyant sa botte vers l’avant, prédisant une roulade sur le côté de la part de son adversaire. Il avait eu juste, et l’amalgame se trouva envoyé à quelques centimètres, avec deux côtes cassées et certainement plusieurs vaisseaux sanguins éclatés. Il usa pourtant de l’élan occasionné par la dernière dégradation de son squelette afin de se rétablir sur ses pieds. Ses cheveux avaient pris un peu de noir. Le sang spectral qui avait été éparpillé par la dernière attaque sur sa face tachait le crin qu’il utilisait pour dissimuler justement sa blessure.
”Bon, j’admets, c’était pas moi qui ait écrit le discours. Je l’avais juste pris à quelqu’un qui ne t’appréciait pas trop. Tu dois connaître Sirène, non ?”
Légion resta silencieux. Mais c’était un silence qui voulait tout dire.
”Mmh. J’imagine qu’elle t’a déjà fait le coup du dialogue interne, hein ? Enfin… Changeons de discussion ! Pourquoi donc tu veux conquérir cet endroit ? Ah oui, tu me l’as déjà dis. Mais, euh… Tu penses qu’aider les habitants d’ici servira véritablement ? Je veux dire : il n’y a ici qu’une fraction des enfers.”
Une fraction des enfers ? Légion posa la pointe de sa lame à terre, prenant une pose plus détendue. Susano fit de même, préférant continuer le dialogue. Il était rare de trouver un adversaire qui semblait si amical avec ceux qu’il souhaitait pourfendre.
”Bon, je veux pas paraître trop hautain, mais tu n’as pas de chance contre moi. En tout cas, pas pour hui. Si j’avais sorti mon bouclier, t’aurais pas eu de quoi te défendre. C’est pas une question de puissance, de talent, d’énergie, ou des autres trucs que les gens sans confiance disent afin de se sentir meilleur. C’est juste que t’es pas au meilleur de ta forme quoi. T’es capable de te battre mieux. Tu choisis juste de pas le faire. Mais vu que là il te reste pas de quoi continuer un combat au mieux, je propose qu’on remette ça à plus tard.”
”À plus tard ?"
”Ouais, genre… on arrête le combat et on s’acagnardera à se pourfendre une autre fois. Moi, en tout cas, j’ai envie d’affronter la légende, et pas la légende qui a mal vieilli… le prend pas mal. Donc je vais juste me tirer. Mais sache que j’attends avec impatience un rematch ! Allez, à plus !”
Et sans que Légion ne puisse dire un mot, voilà Susano qui court dans l’autre sens, avant de poser son bouclier au sol et de surfer dessus. Un bien étrange personnage… le spectre tomba en arrière, atterrissant sur son trône, dans le hall du manoir Shuryo à présent devenu son temple. L’entrée du bâtiment était fermée. Il avait un grand tapis devant lui, où les visiteurs pouvaient s’agenouiller. Se tournant les pouces, il put observer à quel point Aristidès Othon Frédéric Wilfrid Blondeaux Georges Jacques Babylas le Cinquième, communément surnommé Tim, faisait du travail afin de cultiver l’égo fragile de l’ectoplasme au respect de lui-même instable. Il avait en quelque sorte l’impression d’être un souverain, véritablement, à présent. Le Majordome au nom compliqué arriva de la droite, se plaçant à côté de son maître.
"La récolte fut mauvaise, monsieur, on dirait."
”En effet."
"Avez-vous seulement obtenu quelque chose aujourd’hui ?"
”Une réalisation."
"Et laquelle, monsieur ?"
Légion regarda sa main gantée.
”Que je suis bien trop ignorant. Que je suis bien trop candide."
"Et pourquoi donc, monsieur ?"
”Les Champs-Désolés ne sont qu’une fraction du monde souffrant. Le changement devra se faire à grande échelle."
"Pourriez-vous expliciter, je vous prie, monsieur ?"
Légion se leva de son trône. Il semblait être animé par le discours qui lui venait en tête. Les blessures qu’il avait subi ne le ralentissaient pas.
”L’univers se ruine petit à petit. La souffrance empeste l’air. Le chaos se cache à chaque coin de rue. Il est temps de débarrasser le monde des conflits, des batailles, des luttes, afin que les hommes, les femmes, les enfants, les vieux, et tous les êtres vivants qui vivent et qui arpentent le monde à la recherche du bonheur et la réussite de leurs, puissent vivre en paix et en harmonie..."
"Veuillez terminer vos paraphrases afin d’arriver à la conclusion, monsieur."
Légion se retourna, les yeux brillants.
”Il est temps pour l’Homme de se dresser du pouvoir absolu afin d’obtenir la paix absolue. Il est temps pour l’Homme de devenir Dieu, là où Dieu a échoué."
Un silence.
"Je ne sais si je dois me réjouir de votre nouvelle joie ou bien vous demandez si vous souhaitez du sucre avec votre mégalomanie toute neuve. Je resterais donc neutre et vous demanderai : comment comptez-vous vous y prendre ?"
Solennellement, Légion repartit s'asseoir.
”Il faudra commencer à petite échelle. Monter l’escalier petit à petit. Il doit exister un moyen. Il doit y avoir une solution. Mais tout d’abord, je ne pourrais pas faire cela seul. Il me faudrait des hommes de main."
"Si je me permets, monsieur, comment comptez-vous rallier des gens à votre cause ? Quand bien même je ne doute pas de la puissance de votre charisme, rares seront ceux assez puissants pour se démarquer du lot, ainsi que pour suivre vos idées."
Légion resta silencieux un instant.
”Prépare des chambres. Des formations. Entraîne les damnés. Je ne veux qu’aucune partie de mon royaume ne soit conquise quand je ne serais pas là."
Le serviteur soupira légèrement.
"Tout de suite, monsieur."
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La Joyeuse
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