Une fois de plus, n’ayant rien de mieux à faire, Yukko était à la recherche d’un défi. Le Paradis regorgeait de guerriers surpuissants, ce n’était qu’une question de temps avant que la gamine ne tombe nez-à-nez avec quelqu’un capable de lui tenir tête. Mis à part Charlo, le surpuissant héros désormais statufié, l’impétueuse jouvencelle ne croisait que quelques amateurs bien loin de pouvoir rivaliser avec elle, à sa grande déception. Flânant sur l’une des nombreuses voies piétonnières de l’endroit, ses pas finirent par la mener dans la direction d’un groupe d’individus qui lui était un tant-soit-peu familier. Après une courte réflexion, elle parvint à reconnaître un certain nombre d’athlètes avec lesquels s’entraînait Charlo avant l’arrivée de la lycéenne.
Les voyant, Yukko se souvenait du manque de considération dont elle avait fait preuve à leur égard peu avant son combat contre Charlo, ainsi que la remarque de ce dernier les concernant. Il est vrai que le respect s’était fait absent lors de cet échange et, malgré tout ses torts, l’adolescente comprenait rétrospectivement l’inadéquation de son comportement. Elle qui se prétendait Artiste Martiale de haut vol, ce manque d’estime envers eux était indigne de son idéal. Quand bien même ils étaient loin d’égaler le niveau de la jeune gaillarde, ils prenaient leur exercice très à coeur, chose largement louable. Puisqu’elle en avait l’occasion, le moins qu’elle puisse faire était d’aller leur présenter ses excuses.
En se rapprochant nonchalamment du petit groupe, la jouvencelle essayait de s’approprier leur attention mais ses appels eurent tout aussi bien tombé dans les oreilles d’un sourd. Elle comprit alors qu’au coeur de leur réunion se trouvait un objet capable de s’accaparer l’attention de quiconque; un ordinateur portable jouant une vidéo d’une chaîne KamiTube populaire.
«
Yo les gars ! Je suis venue m’excuser pour tout à l’heure. J’avoue, j’ai pas été très sympa et- Dit-elle avant de voir sa parole brusquement coupée par l’un des intéressés à l’air aigri. D’une voix basse mais rude, il lui répondit tout sourcils froncés.
«
Chuuuut ! Tu vois pas qu’on est occupé ?! »
Forcément, il n’en fallu pas plus à Yukko pour perdre le peu de patience et de bonne foi dont elle pouvait faire preuve. Profondément agacée, elle frappait le sol de son pied à plusieurs reprises, le fracassant sans remords et s’attirant sans mal l’attention désirée, les idiots détachant enfin leurs regard de l’écran de l’appareil.
«
J’essaie de m’excuser, merde ! »
Malheureusement, les amateurs de combat certainement effrayés par la violence de la gamine qu’ils finirent enfin par reconnaître prirent leurs jambes à leur cou, ne laissant même pas le temps à Yukko de leur présenter ses excuses. Comme punie par la vie même lorsqu’elle essayait de bien faire, la demi-Saiyan ne s’embêta pas à tenter de les poursuivre, se contentant d’un soupire et d’un sourire désabusé avant de reprendre sa route.
Par chance, il semblerait que tout ce grabuge ne soit pas passé inaperçu, et la ruine qu’elle avait causé à la pauvre pelouse du Paradis s’était faite remarquée. Avant qu’elle ne puisse s’éloigner du sol serpenté par la fissure, une voix vint l’interpeller. Tournant sa tête afin de regarder l’individu à l’origine de l’invitation, ses yeux s’ouvrirent grand lorsqu’elle aperçut le personnage qui quérait son attention, trahissant sa surprise. Face à elle se dressait un homme de taille immense et au corps bien bâti, coiffé d’une touffe blonde longue et soyeuse et vêtu d’un pagne qui n’était pas sans rappeler les habits primitifs des humains des civilisations passées. Ce mastodonte qui dépassait Yukko de bien trois têtes était connu dans tout le Paradis comme étant l’un des plus puissants guerriers de la galaxie Nord. La force, à en juger par son Ki sinon son physique imposant, ne lui faisait clairement pas défaut. Il s’agissait de Olibu, l’un des plus braves disciples du Kaio de ce quadrant de l’espace.
- Spoiler:
Héros au coeur pur et à la force herculéenne, il est dit que nombre de légendes terriennes étaient les récits de ses péripéties. Se retrouver nez-à-nez avec un tel colosse était un grand honneur et, plus encore pour Yukko, une véritable aubaine. Elle qui était en quête d’un combat à même de la satisfaire son sang guerrier, peut-être que le champion mythologique saurait étancher sa soif.
«
Un peu de calme, s’il-te-plait. C’est le repos que les gens viennent chercher ici. »
«
Et ben, t’as l’air costaud toi ! Ça te dirait un kumite ? »
«
… Est-ce que… Tu n’as pas entendu ce que je viens de te dire ? »
«
Je m’en calisse de ça ! Ils ont toute l’éternité pour dormir si ça leur chante ! Moi je veux un vrai combat d’Arts Martiaux. »
Le briscard aux cheveux blonds levait les yeux vers le ciel, atterré par la conduite de la demoiselle. Il devait avoir compris que l’affrontement était difficilement évitable, comme en témoignait l’aura de détermination qui émanait de la gamine au sourire espiègle.
«
Je vois. On dirait bien que je vais avoir du mal à te faire entendre raison. »
«
Juste un combat et je te laisse dormir. »
«
Ça va, j’ai compris. Suis-moi, rendons-nous dans un lieu un peu plus approprié. »
Le court trajet qui suivit leur envol les mena jusqu’à un lieu s’apparentant à un temple d’argile, une sorte de colisée des temps anciens qui semblait sortir tout droit de la même époque que l’olympien. Au centre de l’édifice au toit ouvert, un ensemble de dalles formaient un plateau de forme rectangulaire sur lequel se posait Olibu suivit de Yukko, théâtre de l’affrontement à suivre. Les deux combattants s’éloignèrent l’un de l’autre comme par habitude, prenant leurs aises en s’étirant avant de se faire face l’un-l’autre. Adoptant leurs poses de combat respectives, la Super Saiyan imitant le grand Yamcha tandis que son adversaire titanesque apparaissait le dos courbé vers l’avant tel un lutteur. Ce dernier qui était bien conscient de la fougue qui habitait la demoiselle l’invitait à porter le premier coup d’un signe de la main accompagné d’un regard fier.
Ni-une-ni-deux, Yukko ne se fit pas prier et s’élança à toute vitesse en direction du héros mythologique, sa jambe fendant l’air avant de s’abattre avec force contre le colosse qui s’était protégé à l’aide de son énorme avant-bras. Le choc qui découlait de l’impact suffisait à faire trembler l’édifice tout entier et Olibu, qui comprenait un peu mieux à qui il avait à faire gagnait visible en enthousiasme. Lui qui avait rejoint cette confrontation par contrainte plus qu’autre chose se réjouissait de la possible tournure que pouvait prendre ce duel. Encaissant quelques unes des autres attaques de la demoiselle afin de s’habituer à son rythme, le champion de Kaio se mit ensuite à répliquer à l’aide de mouvements époustouflants. Chacun de ses assauts oppressants forçait Yukko sur la défensive, évitant et parant sans grand mal mais ne trouvant l’occasion de contre-attaquer.
Leurs coups s’entrechoquaient sans cesse, provoquant détonations et explosions de lumière. Leurs mouvements guère plus que de simples coups de vent, tant il était difficile de les suivre, balayaient les fondations du bâtiment et menaçait de renverser quiconque osait approcher l’arène de trop près. Car oui, un tel spectacle de sons et de lumières avait forcément attiré quelques passants venus satisfaire leur curiosité. Fort de plus de dix-mille ans d’expérience, Olibu arrivait à tenir tête à Yukko malgré l’énergie du Super Saiyan qui l’habitait. L’échange auparavant égal des deux combattants prenait un tournure pour le pire pour l’adolescente à l’aura d’or qui décidait d’user de sa mobilité afin de reprendre l’avantage. Certainement rapide pour son gabarit, Olibu restait moins véloce que la demoiselle qui sautillait de toute part, assénant tantôt un coup de poing, tantôt une frappe du pied avant de s’éloigner à toute vitesse.
Mais ces coups n’étaient que des piqures de moustique sur la peau cuirassée du mastodonte, celui-ci qui parvint à saisir brutalement la jambe de Yukko avant de la jeter contre le sol, pulvérisant les dalles qui le composaient. A peine s’était-elle éloignée d’un saut en arrière que la guerrière légendaire de l’espace devait s’envoler à toute vitesse pour éviter un kikoha surprenamment vif. Elle ne trouva pas dans les airs le répit qu’elle espérait puisque la sphère d’énergie cérulescente se faisait un malin plaisir à traquer chacun de ses mouvements. Lorsque, à l’issue d’une bonne dizaine de déplacements tous plus erratiques les uns que les autres, il était devenu impossible pour la jouvencelle de continuer à éviter les assauts de la décharge de Ki bleutée, Yukko se recroquevilla sur elle-même en croisant ses bras face à son buste afin d’encaisser l’impact devenu inévitable. Malheureusement pour elle, le danger était ailleurs. La détonation qui s’ensuivit projeta la gamine vers l’arrière tout juste assez loin vers l’arrière pour la faire entrer en contact avec un second kikoha qu’Olibu avait préparé à son attention. Secouée par la seconde déflagration, Yukko était à la merci du Terrien millénaire qui lui envoyait un coup de pied retourné face auquel elle ne pu rien.
Après une telle frappe, la gamine fut projetée en direction du sol de l’arène contre lequel elle s’écrasa avec virulence, le déformant au passage. Usée par le combat, elle tardait à se relever, manquant de perdre son équilibre de nouveau, avant de faire face à un Olibu en bien meilleur état. Comprenant que l’issue du combat était toute décidée, la demoiselle à la respiration haletante choisi d’y mettre fin. Prenant place par terre pour se restaurer, elle félicitait son sparring partner.
«
Ouf ! Ça c’est un combat. T’es super fort dis-donc ! »
«
Oui, mais tu l’es plus que moi. Répondit-il en souriant, s’attirant un regard incrédule de la part de sa locutrice.
En toute honnêteté, je m’attendais à ce que tu gagnes. Quelque part, c’est un peu décevant. »
«
Qu’est-ce que tu dis ?! »
«
Je te pensais meilleure que ça. A t’entendre, je pensais avoir en face de moi le prochain Son Goku mais c’est évident que je me suis trompé. »
«
Pfff, enfoiré. Yukko se relevait vigoureusement, motivée par les provocations de l’olympien.
Je vais te faire ravaler tes paroles; je suis peut-être pas Goku mais ça m’empêchera pas de t’écraser. »
Soudainement, le lutteur en pagne s’esclaffa à gorge déployée, coupant la demi-Saiyan dans son élan qui se demandait bien ce qui pouvait lui passer par la tête. Elle ne partageait pas sa bonne humeur pour sûr mais attendit tout de même qu’il se calme afin de le laisser s’expliquer.
«
Tu vois, tu recommences. Je t’ai vu te battre contre Charlo, l’autre jour. Je pense t’avoir bien cerné. Ton corps est celui d’une athlète émérite mais ton esprit, celui d’une enfant capricieuse. Les Arts Martiaux ne s’arrêtent pas au physique; si le mental n’y est pas, tu n’atteindra jamais ton vrai potentiel. »
«
J’ai bien compris, ça. Tout le monde n’arrête pas de me le répéter ! »
«
Tu le sais, et qu’as-tu donc fait pour y remédier ? »
«
… Et bien, j’ai… C’est comme ça que je suis, c’est tout. »
«
On dirait que tu as atteint un tel niveau que tu as fini par oublier les bases du sport que tu pratiques. Ton talent t’as trompé. Ce que tous ont appris en plusieurs années, toi tu ne l’apprenais qu’en quelques mois, je me trompe ? Les difficultés que les autres apprenaient à surmonter, tu t’es contenté de les survoler. Et ainsi, j’ai bien peur que le vrai message des Arts Martiaux t’ai échappé. Saurais-tu me réciter le Dōjō kun de ton établissement ? »
«
Je… J’ai honte de ne pas pouvoir te répondre… »
«
Ce n’est pas un mal, tant que tu as compris ce que je veux te dire. Le colosse était venu poser sa main sur l’épaule de Yukko, un geste de réconfort qui n’empêchait pas aux larmes de perler sur les joues de la demoiselle, perdue entre la frustration et la déception qu’elle éprouvait envers elle-même. Elle grimaçait en essayant de retenir ses pleurs et Olibu souriait en comprenant que ses paroles l’avaient atteinte.
Charlo a raison; tu manques de quelque chose. J’espère avoir pu t’aider à te mettre sur la bonne voie. Sur ce, je te laisse. Tu as du travail. »
Et sur ces quelques mots, le Champion des légendes Terriennes s’en était allé, laissant à Yukko tout le loisir de méditer sur ce qu’elle venait d’entendre. Il y avait plus de vrai dans le discours du héros qu’elle ne l’aurais souhaité. Peut-être était-il temps d’accorder plus d’attention à ces reproches, ceux-là même qui ponctuaient sa vie d’étudiante en Arts Martiaux mais que par son succès auprès de ses pairs, elle justifiait d’ignorer. Lorsqu’un guerrier à la force égalant les dieux tenait le même discours que ses plus humbles sensei, il était peut-être temps pour elle de se poser les bonnes questions.