Age : 29 Date d'inscription : 20/05/2019 Nombre de messages : 23 Rang : -
| Sujet: Disette d'humanité Lun 27 Mai 2019 - 8:46
Un aigle dans le désert. Son agilité, sa prudence, sa perception, cet animal était intelligent. Il savait quand frapper et n’agissait jamais sous une impulsion incontrôlée. Intelligence, restons intelligent. Le désert ne promettait que la mort pour ceux qui ne se tenaient pas à la hauteur. Le sable était légion, les roches meublaient le seul paysage environnant, le soleil faisait ressentir sa présence à toutes formes de vie, bienvenue dans le désert. Dans le cadre logique de son ascension, l’Héroïne s’était mise en tête ce chemin fou ; une route isolée, solitaire, unique dont le temps n’avait pas effacé les bornes de pierres antiques. C’était une audace contraire à la prudence des montagnes qu’il fallait pour se fier à de tels chemins, mais Fubuki savait faire quelques concessions. A bon entendeur, ce passage était sûr, la psychiste avait su se renseigner auprès de quelques roublards voyageurs près d’une agence locale de héros. « Ne vous détournez pas de la route» « Passez-y le moins de temps possible » « Vous n’y êtes pas en sécurité » Oui, c’était exactement ce que recherchait la présente, elle qui s’était éloignée du chemin parcourant les sillons sablonneux d’un mont sans nom. L’animal dansait dans les airs et observait son objectif, parfois, cette nature sauvage était la plus catégorique à suivre. L’instinct, c’était la nature, oui, chacun en avait plus ou moins, mais il était toujours là. Le potentiel était lié à cette notion, tout le monde en a, plus ou moins, reste à le libérer et certains y arrivent mieux que d’autres. Le blizzard infernal était face à un amas rocheux impressionnant, un mur de pierres brutes. Bras droit tendu, armée d’une magie dont elle avait le secret, Fubuki avait les yeux clos. Calculer, observer, apprendre, tout était possible par la force d’une volonté insoupçonnée. L’instinct, elle devait penser simplement, tout en ayant prévu de le faire, combiner la complexité d’un esprit humain analyste et la simplicité d’un mouvement de main. Pas un mot dans le calme du désert, le soleil frappait mais ne l’atteignait pas, voilà déjà une bataille de gagnée. Illuminée, immaculée par la douce lueur de sa propre capacité, cette brillance était annonciatrice de l’utilisatrice de sa télékinésie. Qu’il fût simple d’utiliser le soulèvement gravitationnel, une brute pression suffirait à tout faire s’écrouler. Les roches craquèrent, les premiers gravats firent leur chute, suivis de tant d’autres, 10 mètres de minerais chutaient désormais sur la sœur de Tatstumaki. Sois forte, Fubuki. Analyse et comprends, anticipe et prépare, ton triomphe n’en sera que plus éclatant. Les yeux clos, le vent s’agitait, les roches tombaient, elles allaient écraser la voyageuse égarée, quel drame ! Bras tendus vers le danger, en un éclair à peine, l’Héroïne mis un arrêt net à la chute. 10 000, 20 000, 30 000, la charge augmentait, mais elle n’en demandait pas moins, la fortification poussait les limites à leurs paroxysmes. Au fil des secondes, la stabilité faiblissait, l’avalanche reprenait très lentement sa course vers elle. Fatiguait-elle aussi simplement ? Elle n’y croyait pas, elle était plus forte que ça. Des amis la soutenait, des proches, des alliés, une organisation, des valeurs, une fierté. Rien de tout ceci n’était à écarter, son devoir brillait, c’était l’aura qui lui donnait la force de résister. Résister au commun, devenir une ombre de la masse, une oubliable qui n’atteindra jamais sa sœur, jamais le beau gosse masqué, jamais aucun autre. Les pierres arrivaient bientôt à elle, mais dans une illustre résistance à l’écrasement d’une vie grisée par l’abandon, elle ouvrit les yeux, son expression teintée d’une détermination et d’une colère marquée. Fubuki, déploie tes ailes. Frappe. Un mur de lumière, les roches furent paralysées, elle avait repris le dessus. Était-ce par instinct ou bien par ses sentiments purement humains ? Lassée de l’effort, elle reposa le résultat de sa première pression sur le sol aride. Le constat n’y était pas, elle ne savait pas décrire la nature de son sursaut effectif. La télékinésiste respirait bruyamment, incomprise, incompréhensible. Qu’est-ce qui la différenciait tant de sa brillante aînée ? Une avancée temporaire, rien n'arrêtera Fubuki dans cette course au courage et à la folie, elle se montrera la plus forte. Se laissant tomber sur le sable chaud et inhospitalier, la magicienne se laissait rêver, fixant le ciel d’un bleu profond, il était si loin. Ce même ciel, un autre jour. La ville C était attaquée par deux combattants aussi brutaux que mauvais, deux colosses possédant des armures chevaleresques, mais elles n’en avaient que le nom. Aux allures de templiers, les créatures s’étaient attaquées aux innocents d’un centre-ville pour assurer la domination de la chrétienté de l’époque des croisades. Ils en portaient le blason, s’opposant alors à Fubuki et Tatsumaki. Elles travaillaient ce jour-là en équipe, divisant le match en deux. Confiante, préparée, la psychiste manipulait alors son environnement pour endiguer les mouvements de son gigantesque adversaire. Mais ce dernier, trop solide et tenace, ne tressaillait pas, forçant la belle à donner du terrain à son opposant. Progressivement, par des échecs successifs, elle fut bientôt au mur d’un immeuble, sans plus rien à utiliser contre son adversaire. Avec ces capacités réduites, Fubuki ne put rien faire, se préparant à une fin tragique, encastrée dans un mur par l’épée gigantesque du géant. La panique l’avait prise au dépourvu, la figeant comme la plus simple des personnes. Elle était une Héroïne, pas une civile : son travail, son serment était celui de sacrifier sa vie pour l’autre, pourquoi perdait-elle ainsi ? Mais son jour n’était pas ainsi venu, le coup du monstre fut retenu par une force sans limite, celle de sa prodigieuse sœur. Le colosse fut élevé sans difficulté, broyé et envoyé dans une trajectoire folle hors de l’orbite terrestre. Fubuki fit à cet instant la même chute en arrière, fatiguée, lassée, lessivée d’un tel écart. Tatstumaki n’avait aucun tact, elle ne l’avait pas cachée, pas même ce jour-là quand elle se profila face à la cadette. « Tu ne fais aucun effort, je préfère me battre seule. Salut. » Aucun sentiment, aucun partage, sa sœur était devenue un monstre. Magicienne, prodige, classe S, mais inhumaine, filant sans même relever celle qu’elle venait de trahir. Fubuki pleurait ce jour-là, désormais seule.
Encore aujourd’hui, les larmes montaient. Mais était-ce un abandon ? Ce symbole naturel était-il la manifestation d’une lutte inutile ? On pouvait fixer le ciel aussi longtemps qu’on le souhaitait, rêver autant de temps qu’on le voulait, ça ne changera rien. Redressant son dos, les bras entourant sa poitrine en position assise, elle attendit, plongée dans un alliage désordonné de souvenirs, d’envies. Au fil du mouvement du sable se déliait les animations, l’articulation de la machine qu’elle semblait devoir devenir. Qu’il était déroutant de se retrouver dans pareille situation, Fubuki était partie à la recherche de réponses, mais pour le moment, elle ne reviendrait qu’avec plus de questions. C’est pourquoi elle ne devait rien lâcher, cette brise de motivation qui l’animait devait subsister, le feu de son âme, ce qu’elle représentait. Elle fit donc marche vers un village proche afin de s’y reposer, la journée était lourde, autant mentalement que physiquement. La route vers l’auberge ne fut pas bien longue, fort heureusement, laissant à Fubuki le loisir de déposer ses affaires et de s’occuper d’elle. Une douche lui laissant encore des sueurs froides quant à son avenir, une brume sombre dont elle avait peur de s’approcher. Après sa façade confiante, la jeune femme pouvait se révéler plus timide et indécise. Elle devait limiter son isolation, cela la tuerait moralement, elle se rendit donc à un office de héros local. Dans les grandes villes, ces bâtiments réservés aux sauveteurs des environs pouvaient être des immeubles entiers, ici, c’était une modeste structure de la taille d’une maison tout au plus. A l’intérieur, un affichage des missions, quelques échoppes de matériel spécialisé, un bar, elle s’y rendit immédiatement. Pas de décoration complexe, l’office était un chalet montagnard, l’intérieur était conforme à l’extérieur, donnant un aspect simpliste et charmant à l’environnement. En s’installant au comptoir, elle demanda un demi de saké. Alors qu’elle allait boire son breuvage, la tête dans les étoiles, Fubuki fut interpellée par un autre héros, lui qui venait aussi de s’installer.
« Miss Fubuki ! Ça fait un bail ! » Cette voix était celle de « Gun Gun », un héros œuvrant beaucoup dans capitale E et D, il était connu comme bon et se plaçait comme 43ème de la classe B. Il était toujours habillé comme un cow-boy et maniait les armes à feu avec une précision et une dextérité anormalement grande. D’un sourire amical, mais réservé par son humeur amortie, la cadette lui répondit avec un semblant d’enthousiasme. « Gun-Gun, contente de te voir. Que fais-tu ici ? » Lui aussi s’était fait servir du saké, grand classique au japon, il semblait de bien meilleure humeur que la présente. « Je vis dans les environs, je reviens d’une petite mission pour arrêter un monstre de classe loup. Je te passe les détails. Et toi ? Tu n’es pas du coin ! » La classe « loup » représente les monstres les plus faibles, c’était une petite journée pour lui. En réaction à sa dernière question, Fubuki ne poussa qu’un maigre rire quelque peu gêné, la raison de son départ était quelque peu égoïste. Gun-Gun saura-t-il au moins la comprendre ? Dans le doute, il valait mieux altérer la réalité par un mensonge plus rassurant. « Je suis en voyage, je me veux un peu exploratrice en ce moment. » Elle souriait, c’était convaincant, il lui rendit la chose, ce Gun-Gun était un vrai ange. « C’est super ça ! Je suis content que tu sois tentée par ma région, Nagano. Mais tu n’es pas accompagnée par ton fan club ? » Il demandait innocemment, mais ça n’avait rien à voir avec un fan club ! C’était un groupe, une association dans l’association des héros. Les membres ne vénéraient pas Fubiki, ils la considéraient juste comme leur chef, s’appropriant ses règles et valeurs, un but commun. Mais le clan n’était pas forcément compris de tous, malheureusement, ce n’était pas une affaire aisée et l’initiative était nouvelle. « Ce n’est pas un fan club, certes ils m’apprécient, mais c’est un groupe collaboratif. » Elle insistait mais ne montrait pas d’agressivité, le tireur de l’ouest ne demandait pas cela pour l’énerver, elle le comprenait bien. « Mais cet endroit n’est pas mal du tout. » Un petit quelque chose en plus de gentil, couplé à un sourire permettait de mieux faire passer le message, il semblait bien le prendre aussi. « Oh, excuse-moi, j’imagine qu’ils sont aussi occupés. Et dis-moi, comment va ta sœur ? » La cadette baissa un instant les yeux, elle se canalisait. Que dire à Gun ? Que tout allait bien ? Pouvait-elle lui confier quoi que ce soit ? Là-dessus, non, hors de question. Il fallait trouver quelque chose, mimer un sourire ou… « Je suis désolé, je ne veux pas dire ça pour te mettre au second plan. » Elle releva alors le nez, les yeux grands ouverts d’une prise de conscience de son interlocuteur au chapeau. « Je veux dire, je sais qu’entre vous deux, ça ne va pas fort… Sache que tu as tout mon soutien, Tatstumaki n’est pas bien mature. Elle ne représente pas mieux que toi ce que c’est qu’un héros, tu es modeste en restant en classe B, puis tu as ton propre groupe ! » Cela redonnait le sourire, Fubuki reconnaissait évidemment la tentative de remonter le moral, mais qu’importe, cela montrait que le jeune homme lui voulait du bien, c’était charmant. Se sentir considérée était un sentiment agréable, l’aînée ne lui avait pas offerte cette chance, au moins, des connaissances et des amis, eux, y parvenaient. Cette fois le retour fut sincère.
« Merci, Gun. » Une courte discussion eut alors lieu, des banalités, les récits d’aventures, d’expériences et avis, quelques heures pour s’évader le temps d’une pause, une pause liée à une tâche importante. Le blizzard infernal allait se remettre en route, la capitale A était devant elle, celle-ci était l’une des plus grandes sur Terre. Le chemin n’était pas difficile, et à mesure d’efforts, rien ne l’est vraiment. Courage, ne lâche rien, Fubuki !
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