Un simple poisson, l’océan.
En lui, le savoir infini,
Il n’y a aucun précédent.
Ainsi, l’histoire est-elle finie ?
Un immense hall d’entrée, en bordure du parc. Une statue gigantesque observe tous les passants, un homme dont seul son poids surpassait son ego. Un cigare à la bouche, un sourire en coin, Boss Stinger troisième du nom avait toujours su quoi faire. Si son fils avait détruit la firme, lui l’avait étendu à des années-lumière. Il avait conquis certains univers, avait réduit en esclavage des mondes entiers. Cet univers là avait vu sa mort, l’ascension de son fils puis la décadence. À travers le temps, d’un seul moment découlait tout changement, un moment lointain dans le passé. À ce moment-là, Stinger n’était que Robert White, il n’était qu’un simple jeune homme propulsé à la tête d’un empire. Tout comme son fils, il avait aimé, tout comme son fils, l’empire s’était retrouvé au bord de la rupture. Si le temps avait fait son office, il aurait régné. Pourtant, tout fut changé, tout fut oublié. Sans ses émotions, sans l’amour, il ne restait que le vide. Robert White était un homme vide, une bulle d’air dans les profondeurs abyssales.
« Vous n’êtes pas autorisé à entrer ici, veuillez sortir. » annonça sèchement un garde, à l’entrée du complexe. Il était gigantesque, portait un costume parfaitement adapté à sa taille de géant.
Osiris réduisit ses voix à une seule, celle qui permettait d’accéder en chaque lieu, à chaque instant
« Code Zeta 45, Bryan. Ce satané tas de ferraille est là pour accomplir une mission. Si toi ou un de tes gars s’interpose, je fais sauter ton collier explosif » tonna la voix de Rober White, suffisamment fort pour que tous entendent.
Le code, accompagné de cette voix… Un silence cathédral se fit, personne n’osait plus respirer. Tous s’étaient arrêtés, plus personne ne bougeait. Chaque agent présent savait qu’un seul mot pouvait le faire tuer, ou pire. Seul le dénommé Bryan répondit.
« Porte du fond, Murielle vous attend. Même à travers cette carcasse de métal, c’est bon de vous revoir, Boss. »
Osiris hocha la tête, puis se mit à avancer. Cependant, l’homme lui attrapa le bras, l’arrêtant dans sa course pour lui chuchoter à l’oreille :
« La statue au centre du parc a été volée. Que doit-on faire ? » s’enquit le garde du corps.
Immédiatement, le visage de l’androïde se tourna à 180 degrés, faisant face à son interlocuteur :
« Processus habituel : remplacement de la statue. Vérifiez les images des caméras, trouvez les idiots qui ont fait ça. Là aussi, processus habituel : vous êtes tués ou ils le sont. Exécution. »
Sans un mot de plus, Osiris reprit le chemin l’amenant à un immense couloir de béton. Ses voix reprirent les multiples sonorités qu’il possédait, perdant toute similitude avec le Boss. Plus l’androïde avançait, plus le son devenait atténué. Puis, soudainement, un changement radical : au sol et aux murs, des plaques de verre fumé recouvraient la totalité, un éclairage sous chaque dalle rendait le lieu éblouissant. Au bout, une femme, les traits marqués par des années de services.
« Poisson d’avril ? » commença-t-elle
« Poisson d’avril. » répondit-il immédiatement
Elle reprit :
« Je suis la nuit, le jour, l’équinoxe de nos pensées. J’abreuve vos enfants et assoiffe vos idiots. Je féconde la terre d’une terreur sans nom, je baise les eunuques, j’inonde de plaisir tout en rendant plus vide que l’espace. »
« L’argent Murielle » souffla Osiris sans attendre.
Un hochement de la tête, elle savait qui était cet être. Tout comme Stinger avait subi une crise cardiaque en voyant la carte, elle comprit en croisant son regard. Sur un pan du mur, une porte s’ouvrit, menant à un escalier infini. Osiris s’enfonçait dans un enfer qu’avait été le théâtre d’opérations de la Stinger Industry. Après dix minutes, à plusieurs centaines de mètres de profondeur, il fit face à un mur. D’un mouvement de la main, un bloc de béton entra dans le mur, puis un autre plus loin, puis encore un autre. Ce lieu était le cœur de l’entreprise, le centre de la pyramide. En son centre, des trésors d’une valeur inestimable, des artefacts que le Boss gardait jalousement. Après dix pans de murs, une pièce se révéla, au fond. La moquette rouge était impeccable, les métaux parfaitement entretenus. Deux robots minusculant flottaient doucement, nettoyant chaque pièce inlassablement, comme si le Boss devait revenir demain. D’immenses colonnes dorées soutenaient ce monde, une climatisation apportait un air frais. D’un mouvement de la main, le mur du fond se transforma, laissant voir au travers.
En face de lui, les profondeurs infinies de la mer de Dosatz. Un récif entourait la baie immergée, de petits poissons nageaient paisiblement. Cependant, au loin, une créature pouvait être devinée, si gigantesque que l’esprit humain ne pouvait l’appréhender. Un des requins du boss, long d’un kilomètre, deux cents mètres d’envergure. La créature était une prouesse biologique, nourrie en cachalots, baleines et autre calmar géants.
Les deux murs à l’est et à l’ouest révélèrent deux petites pièces, chacune possédant ses propres trésors. Une émeraude du chaos, jaune, se trouvait exposée là, émettant une lueur divine. Elle alimentait tout le complexe, tout tropicaland.
« Ma mission » annonça Osiris en s’approchant du bureau du Boss.
En s’asseyant sur le gigantesque fauteuil roulant, celui-ci ne broncha pas sous son poids : il avait été conçu pour supporter la stature d’un homme d’un poids similaire à l’androïde. Plaçant ses mains au-dessus de l’appareil, celui-ci s’illumina instantanément. Des milliers de messages d’alerte, des milliers de courbes tombés dans le rouge… L’appareil rattrapait son retard concernant la disparition de la Stinger Industry. Le robot n’était pas intéressé par tout cela, il savait tout ce qu’il devait savoir. Osiris était face à sa mission ultime, le but même pour lequel il avait été conçu. Après avoir accompli cet objectif, les prérogatives lui demandaient de se désactiver, de s’autodétruire, de briser la moindre pièce de technologie restant à la famille White. Dont lui.
Il se connecta aux dossiers privés de Robert White, entra dans une série de fichiers cachés, les uns plus profondément que les autres. Réseau intergalactique, Dossier privé, R. White. Un premier mot de passe : heartjade. Databanque C, Programmes, Menethil. Un deuxième mot de passe : moneyandbitches. À partir de la, il parcourut des milliers de sous-dossiers, tous représentant une lettre distincte. À, V, R, I, L, et des dizaines d’autres. Quand il arriva enfin au dernier dossier, un dernier mot de passe, le plus simple, ezekiel25:17.
Il touchait au but, il était devant un dossier, l’unique dossier compromettant de Boss Stinger, la seule marque que ce monde portait encore de lui, le seul élément capable de le faire chuter. Sa mission touchait à sa fin, il était prêt.
Le nom du dossier :
Pr0n D’une action rapide, le fichier fut détruit, complétant ainsi le but ultime pour lequel Osiris avait été conçu. Il avait sauvé l’honneur de Boss Stinger, il avait accompli la mission ultime.
Dans un silence ultime, il éteignit la machine, puis se posa calmement sur le siège. Derrière lui, les bruits d’un troupeau de baleine à fourrure. Les vrombissements réguliers des robots ménages apaisaient l’esprit de la machine. Il activa l’auto-destruction.
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Il était prêt
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Une pensée brève lui traversa l’esprit, celle de la merveilleuse machine qu’il était conçu pour un but aussi simple que la suppression de ce fichier.
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Peu importait, il n’était qu’un poisson parmi les requins
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