Ceux qui n'ont pas rebroussé chemin

“OooooooooOooooooOOOOOOOOOoooooh !! Maaaaaiiiiiiis !!.... Oooooooooooooh !”

La göranienne cligne des yeux plusieurs fois en faisant maint tour sur elle-même. Cet endroit est aussi original que le précédent ! Elle n’a jamais rien vu de tel. Il n’y a pas de royaume dans le ciel sur Görana, pas de nuages qui servent de plateformes solides comme ici. C’est d’ailleurs très étonnant que ça fonctionne dans cet endroit !

“... Ben ! ça alors !...”

Cette dernière remarque que ses vêtements ne sont plus les mêmes. Celle-ci n’a plus sa tenue de guerrière göranienne, mais des fringues qu’elle a vu dans une boutique de Satan-City. Alors, elle se concentre, et… POP ! Encore d’autres affaires apparaissent par magie sur son corps ! Cette dernière sursaute sur le coup, puis trois autres fois encore. C’est surprenant ces nouveaux pouvoirs ! Finalement elle décide de porter un accoutrement spécial qui lui donne un chouilla un air de punk à la Nana Osaki. Ces boutiques d’atours dans le reste du monde ne manquent pas d'ingéniosité et cela lui plaît.

C’est en marchant dans ce lieu paisible qu’elle se rend compte que le paysage change du tout au tout en l’espace de quelques minutes ! Tout semble s’adapter à la volonté des occupants de cet endroit. Pour l’instant, il y a surtout des petits êtres ailés et mesquins qui jouent, des humanoïdes aux apparences d’animaux aussi et quelques animaux tout court. La combattante zieute un peu partout avec intérêt : après tout, il paraît que des gens veulent la rencontrer dans cet endroit hors norme.

C’est alors qu’au loin, elle remarque… un protagoniste avec un appendice poilu !

La queue de singe de l’étrangère se met à gesticuler d’excitation à l’instar d’un chien.

“Eeeeeeeeh ! Saaaaaluuuuuuuuuuut ! C’est moaaaaa, Setsukaaaa !” S'exclame-t-elle en se dandinant joyeusement vers l’inconnu.

Cette réflexion peut être perçue comme logique ou bébête, toutefois à force de fréquenter de ses semblables ces derniers mois, la göranienne s’était sentie attirée vers celui-ci. En plus, n’ayant pas de notion sur ce qu’est l’enfer, le néant et le paradis… La sauvageonne ne sait pas qu’il n’y a que des êtres bons ici.

“Il paraît que des personnes veulent me rencontrer ! C’est un peu bête mais je n’ai pas encore vu de mes semblables göraniens, alors je ne sais pas trop qui voudrait me voir à part peut-être un autre saiyan !”

Leur regard se croise enfin alors qu’un sourire doucereux habille le minois de l’autochtone. Par ailleurs, Setsuka est certainement l’une des seules personnes au monde à ne pas ressentir de gêne, à ne pas regarder bizarrement ou avec insistance le bras dérobé à cet homme. Les personnes “incomplètes” sont des personnes. Intégrée au même titre que les autres sur cette planète idyllique qu’est Görana et donc irréaliste pour notre réalité d’humains.

Par contre, comme pour les autres hommes - ne les côtoyant que depuis trois mois, puisqu’il n’y a aucun homme humanoïde sur Görana - celle-ci jette un œil à l’entrejambe de cette nouvelle connaissance pour s’assurer de son appartenance à un genre. Effectivement, les lamia qui l’ont élevées - exclusivement des femelles se reproduisant par parthénogenèse et ayant un buste humanoïde, représentant alors ce qu’il y a de plus proche des humanoïdes et affiliés - ont une répartition graisse/muscle différente de la majorité des autres espèces semblables aux humains. Les lamia sont très musclées et ont souvent des pectoraux plus que des poitrines. Alors quel calvaire ça a été, au départ, de reconnaître des hommes dans ce reste du monde bien singulier, où les émotions des autres laissent la majorité de la plèbe indifférente !

Enfin, après avoir confirmation du fait qu’il soit un homme, cette dernière remarque enfin l’air dépité qu’il arbore. Dans sa hâte de venir à sa rencontre, cette grosse nigaude ne s’était pas rendue compte de son état. Et après ça trouve le reste du monde froid et apathique, eh !

“Ben ! Eh, qu’est-ce qui te fait du mal comme ça, hein ? Si c’est parce que c’est aussi la première fois que tu te retrouves ici et que tu te sentais seul, ben tu vois tu ne l’es plus ! Je suis là, tu vois !”

Celle-ci ouvre grand ses bras dans un sourire réconfortant et s’approche de son interlocuteur pour lui faire une chaleureuse accolade. Ses bras viennent ceinturer sa nuque et sa joue se pose contre la sienne. Sa queue de singe, qui frétille toujours d’enthousiasme, vient s’enrouler autour de la sienne.

Cependant, après quelques longues secondes de câlineries, une sensation de malaise l'envahit. Cet arrière-goût désagréable devient de plus en plus envahissant, à tel point que c’est la petite saiyan qui se décolle en première de l’étreinte - ce qui est inhabituel pour le bisounours qu’elle est.

“... Attends, je…”

Celle-ci fronce les sourcils d’incompréhension. Son corps se met à trembler sans que Setsuka ne puisse en comprendre la raison. Sa queue de singe se hérisse et se contorsionne en des mouvements douloureux.

Quelque chose ne va pas. Quelque chose cloche. Son corps essaie de lui transmettre un message dont elle ignore la teneur. Non. C’est plutôt qu’elle ne veut pas l’entendre.

Tout d’un coup, un air de déjà-vu lui emplit l’estomac. La chaleur lui monte jusqu’à la tête, et ses yeux n’arrivent pas à quitter ceux de Boneco.

“... J’ai l’impression…hmm…”

Oui, il y a définitivement quelque chose avec ce regard, cette odeur et cette impression de tendresse, cette puissance et cet air protecteur qui émane de lui.

Alors vient la question tortueuse.

“...Est-ce qu’on se connaît, par hasard ?”

Ses mirettes pleines d’espoir brillent d’inquiétude, d’incertitude. Non, ce visage elle ne l’a pourtant jamais vu !

Setsuka n’est pas prête à entendre la mort de Scalieco.

Lorsque sa main se pose sur son épaule et qu’il affirme qu’ils se connaissent à moitié, elle imagine le visage de Scalieco se superposer sur celui de son interlocuteur. La petite saiyan fait un bond incontrôlé et son cœur suit le mouvement. Au bord de ses yeux commence à s’accumuler le sanglot de la souffrance. Nonobstant, l’autochtone reste maintenant figée, coincée sur place. Seuls ses doigts tremblant et ses yeux bougent encore. L’incompréhension se transforme en réalisation. Une prise de conscience douloureuse qui l’aurait fait vaciller sans cette poigne puissante reposant sur son épaule.

Une chaleur innommable s’empare de sa poitrine. Une sensation pénible, à la limite de l’insupportable la titille. Par réflexe, l’une de ses mains vient se poser contre son buste. Cela ne change en rien la torture dont elle est victime, cependant ce mouvement bénin exprime l’envie de saisir ce crève-cœur qui la harcèle afin de mieux comprendre cette émotion et s’en débarrasser par la suite. Elle comprend à cet instant crucial qu’il y avait quelque chose d’autre avec Scalieco. Un sentiment que jamais Setsuka n’avait ressenti auparavant et qu’il lui est impossible de saisir. La compréhension de cette sensation ne pourra jamais être faite.

Pour une fois, il n’y eut pas de réaction du tac-au-tac comme celle-ci le fait naturellement d’habitude. L’étrangère ne fait que se battre pour garder la maîtrise de soi et ne pas s'effondrer lamentablement devant lui. Son regard est fuyant à mesure qu’il parle parce que c’est une épreuve difficile que d’affronter le sien.

“N-non… ! Je voulais…” sa voix déraille. La göranienne se racle la gorge et ses joues se mettent à rougir à cause de l’émotion. “Je voulais venir. Ce n’est pas ta faute ni la sienne. C’était mon propre choix. Je suis une grande personne, tu sais… !” arrive-t-elle à articuler non sans mal, ses larmes demeurant aux coins de ses mirettes sans jamais en tomber. “Et… toi aussi tu es ici.”

Son visage est toujours abaissé. De toute façon, lui a les yeux clos. Le guerrier lui donne des nouvelles de ce qui se déroule dans le monde des vivants. Alors Scalio s’est jeté dans la bataille, se servant de sa colère comme d’un atout ? Ce n’est pas ce dont elle se souvient de lui. Elle ignore que le policier n’est plus ce qu’il était. Il est, à présent, un avatar de la démence et de la haine conjugué.

Toutefois ça la rend émue de savoir qu’il est là de nouveau, bien que cela ait entraîné la chute de Scalieco. La sauvageonne a passé tant de temps à rénover la maison de son ami des forces de l’ordre ! Vivement qu’elle puisse lui montrer le résultat quand tout ce pétrin sera passé ! Parce que tout passe un jour. C’est la seule vérité dans cet univers ! Et puis, ses compagnons d’infortune sont en vie, et cela lui apaise le cœur également.  

De sa main libre, elle recouvre celle de Boneco et relève enfin les yeux vers lui. Un sourire peiné se dessine sur ses lèvres. Setsuka ne dit rien pendant l’espace de quelques secondes parce qu’elle profite de ce moment clé où il lui transmet l'espoir. Boneco partage le fait qu’Auros sera prochainement défait ainsi que Freezer avec tant d’entrain que c’est communicatif, même pour quelqu’un de peu réceptif en comparaison de l’étrangère cela le serait.

“Je ne suis pas très sympa, désolée. Je devrais mieux t’accueillir que ça ! Moi aussi je suis contente de pouvoir te rencontrer !” Exprime-t-elle en faisant de son mieux pour changer cette expression grave sur son minois pour quelque chose de plus tendre. “C’est juste que...Je ressens beaucoup de peine parce que Scalieco a disparu. Mon ami Sharotto a connu le même type de sort, et c’est le pire qui soit.” Ses yeux se noient un nouvel instant dans le néant. “Je veux dire qu’eux, ils ne sont nul part ! C’est comme s’ils n'existaient plus, tout simplement... Je n’ai pas de mots pour décrire toute l’horreur que ça m’inspire, cette idée !...” La main qui maintenait fermement sa poitrine retombe mollement le long de son corps. Ses yeux hésitent à replonger dans ceux de son interlocuteur quelques secondes. ”La mort n’est pas source d’angoisse pour mon peuple.” Par “mon peuple” elle désigne bien entendu les habitants de Görana. Si Boneco a des souvenirs de Scalieco, il sait que la petite saiyan, bien que née des mêmes origines que lui, se considère göranienne.  “C’est une autre étape de l’existence. Bien que je sais que dans le reste du monde la mort inquiète, ce qui est bien étrange ! Surtout quand on sait qu’il y a un endroit comme ici, mais bon !”

Celle-ci hausse les épaules et détourne le regard du même coup, à nouveau. Le liquide lacrymal est bien trop prompt à vouloir jaillir, alors Setsuka le contient comme elle peut. Cette dernière retire un peu brusquement sa main de celle de sa nouvelle connaissance. La sauvageonne fait volte-face, paniquée à l’idée de se laisser aller. Le fait d’exprimer ses sentiments est un acte de bravoure encouragé sur Görana, toutefois pleurer les morts n’est pas de coutume. Au contraire, on se réjouit pour eux de la nouvelle aventure, la nouvelle tournure que prend leur existence.

La différence dans ce cas précis c’est que, comme l’a précisé la combattante, à l’instar de Sharotto, Scalieco est techniquement nul part. Il doit être constitué de Scalio et de Boneco pour exister. Sans eux, il est inexistant et donc effacé de la surface du monde.

Après quelques secondes longuement silencieuses, elle relève la tête pour fixer l’horizon. Setsuka ravale ses larmes et pense à un paysage qui l’apaise. L’endroit où elle vient lorsqu’elle se sent maussade. Alors, en un tour de baguette, ils se retrouvent en haut d’une colline. En contrebas et derrière eux, une forêt sauvage aux couleurs douces et excentriques à la fois, commence à se matérialiser.

“C’est chez moi !” S’écrit-elle de cette voix qui continue de déraper à son insu. “Mais comment est-ce possible ? !”

Ses pupilles se dilatent alors que ses narines perçoivent les senteurs boisées et réconfortantes de sa terre natale, que ses mirettes profitent de la superbe de l’endroit composé de plantes aux formes informes que l’on ne trouve nul part ailleurs et, qu’au loin, se dessine le ciel violacé unique de Görana. Elle en tombe sur les fesses, là, au bord du précipice qui termine l’éminent monticule de terre où ils se trouvent. Cette dernière profite de cet instant privilégié en entrant en symbiose totale avec ses sens.

Au bout de quelques instants, la chasseuse se relève, les poumons gorgés de l’air revigorant de chez elle. La traqueuse jette un regard consolateur à Boneco et se met à rougir, embarrassée.

“Bon, euh, tu veux bien qu’on reprenne depuis le début ?” Demande-t-elle timidement en se grattant l’arrière de la tête. “On ne peut rien faire à part être observateur de ce qui se déroule pour nos amis qui sont restés là-bas, visiblement. Alors on va faire de notre mieux pour les encourager d’ici !” Dit-elle en levant son pouce en signe de bonne volonté. “Alors, Boneco, tu viens d’où ? Pis comment t’as rencontré Scalio ? Moi, je l’ai connu par hasard pendant la guerre sur Terre avec les black fizer.”

La sauvageonne pose le plat de sa main contre son front pour mieux admirer l’horizon. Le soleil couchant de Görana a des lueurs et des teintes bien différentes de ce que l’on peut imaginer d’ordinaire. Setsuka adore ce spectacle ! Ce n’est pas par hasard, après tout, si en guise de réconfort, ce décor leur est apparu.

Savoir que Scalieco n’avait pas eu peur au moment de terminer son existence lui faisait le plus grand bien. Visiblement, il s’est senti même apaisé par ce fait. Setsuka pouvait comprendre la sérénité apportée à la fin d’une vie que l’on estime, de soi-même, bien remplie. Certains dragons sur Görana choisissent eux-mêmes leur mort avant le terme de leur vie bien longue parce qu’ils estiment que leur temps est venu, qu’il est l’heure de servir autrement et ailleurs. Une page se tourne au bon vouloir de l’auteur. Sur Görana, le suicide assisté est quelque chose de naturel et d’accepté. La personne concernée est accompagnée par ses proches et, à son bon vouloir, par quelques personnes qualifiées pour communier avec l’esprit et la mort.

La petite saiyan n’ajouta rien au sujet de son ami qui ne pourrait jamais revenir, elle n’en avait pas la force. Et il lui fallait être reconnaissante envers Boneco de l’éclairer avec les éléments qu’il apportait sur les conditions de son décès. C’était réconfortant. Cela ne devait pas être évident pour lui non plus de raconter toutes ces choses profondes et intimes.

Enfin, lorsque le paysage se mue en un lieu de paix où l’esprit peut guérir, ils tombent d’accord pour passer ce temps ici ensemble. La göranienne ne sait pas comment observer les combats dans le monde liés aux vivants, comment cela peut marcher. Cela semble assez voyeur comme pratique, en plus. Pour l’heure, celle-ci concentre son attention sur son nouveau copain. Quelle joie de pouvoir se faire des amis ! En tout lieu et en toutes circonstances, voilà qui réchauffe le cœur !

Sans surprise, lui aussi est un saiyan. Visiblement tous les natifs de ce peuple sont reconnaissables grâce à leur queue de singe et à leurs cheveux noirs. Au vue de la révélation suivante, celle-ci glapit d’un coup :

“Quoi ! Dans le futuuuur !” en réponse au fait qu’il soit un voyageur du temps.

L’aveu fut doublement déconcertant. Non seulement cet homme venait de loin vers l’avant dans le temps, et en plus il était, visiblement, le dernier rescapé de sa race.

“Ah, c’est pas de bol, ça ! Mais ne t’inquiètes pas, ça peut arriver qu’une espèce émerge à nouveau. Parfois c’est très bizarre mais elle peut renaître grâce aux gènes en commun avec d’autres races !”

Apparemment l’extinction de leur peuple, ou plutôt en général ne semblait pas vraiment l’atteindre. Effectivement, tout ceci fait partie d’un cycle aux yeux de la göranienne. Aucune espèce ne durera éternellement, peu importe les causes de son extinction, et parfois même la nature fait en sorte de recréer une race disparue à son bon vouloir. Toutefois, en remarquant le poing de son nouveau copain qui se serre, Setsuka se doute qu’il a dû être témoin visuel et direct de la disparition des siens. Là, c’est autre chose.

“Tu considères que t’être fait une place dans notre temps à nous est un échec ? Ben t’es une banane !” Dit-elle en le regardant le plus sérieusement du monde, les bras croisés. “Moi je crois que si toi tu peux voyager dans le temps, alors d’autres le peuvent aussi probablement. Du coup, il ne te reste qu’à trouver quelqu’un qui peut t’aider à secourir ton peuple dans le futur en changeant quelques trucs dans l’avenir, un truc comme ça. Pis faudrait enquêter pour savoir quels sont les évènements les plus importants qui ont précipité leur chute, comme ça ça t’aideras à savoir où te rendre et quand. C’est quand même trop fort que tu viennes du temps d’après ! T’as fait comment pour venir dans le temps d’avant ?”

Celle-ci finit par s’asseoir, là, en haut de cette colline qu’elle affectionne particulièrement. Ses yeux d’un bleu anormal - pour une saiyan tout du moins - fixent l’horizon à la palette de couleur unique. Ses oreilles prêtent toujours la plus grande attention aux dires de son partenaire. La chasseuse apprend que Scalio est originaire d’un autre monde… Pfiou ! C’est vraiment les montagnes russes dans son cerveau depuis ces trois mois à côtoyer le reste de son monde ! C’est déjà assez difficile de comprendre qu’il y a tout un monde en dehors de Görana, alors concevoir qu’il existe d’autres univers… Ce n’est vraiment pas une mince affaire !

La suite du récit concernant Scalio ne la laisse pas de marbre. Effectivement, Setsuka avait vu son ami affronter ce fameux Garou à la télévision - à ce moment-là, la combattante était sur l’île de Tortue Géniale avec Pythar et Goku. Nonobstant Boneco éclairait l’ensemble de cette histoire en la balayant depuis le début. La petite saiyan avait appris des choses de manières découpées, par-ci par-là, mais pas tout d’une traite tel que son semblable le fait présentement. Un mal d’estomac la gagne à mesure qu’il déroule ces faits, mais la jeune fille ne dit rien à ce propos. Ses yeux continuent d’admirer la perspective formidable qui est devant elle. Profiter de l’instant présent, voilà un conseil que l’on n’écoute jamais assez. Pourtant, il nous ressource. C’est essentiel pour notre équilibre. Et puis, il nous aide à affronter ce genre de confession.

“Oh… alors il doit être incomplet, brisé. Il n’est plus Scalio véritablement, donc…” Triste constat. “Personne ne peut vraiment l’aider s’il est devenu l’ombre de lui-même. C’est à lui de rassembler ce qu’il lui manque. Sur Görana, on appelle ça la Perdition.” L’air candide de Setsuka induit toujours en erreur quant à sa maturité. “C’est quand l’âme de quelqu’un se morcelle suite à un ou des traumatismes. Malheureusement, il n’y a que le concerné qui peut décider de redevenir entier. Nous, on peut juste tenter de le raisonner.”

Malgré elle, Setsuka laisse échapper un soupir dépité. Le phénomène de la Perdition est certainement la pire affliction qui existe. Ce pauvre Scalio est un bon bougre ! Et tant de bonnes personnes sont soumises à cette monstruosité durant leur vie… en fait, tout le monde. Mais considérant que chaque organisme est différent, eh bien personne ne sait comment autrui ressens les choses, ni l’ampleur de sa combativité face à cela.

La fin de ce périple haut en insanité laisse une sensation de peur et de douleur se propager dans le corps de la guerrière. Celle-ci prend une grande inspiration pour tenter de se détendre les nerfs. Ses yeux se ferment quelques instants, et le chant des oiseaux de Görana investit son corps. Cette douce mélopée lui donne du baume au coeur, suffisamment pour… plonger plus loin dans la compréhension de tout cela.

“C’est qui, Demigra ? Un dieu de la discorde, alors ? Je ne comprends pas pourquoi il s’en est pris particulièrement à Scalio, en fait.” Celle-ci se gratte le menton l’air pensif quelques instants. “Et puis Kaito-channe ça me dit quelque chose. J’ai déjà entendu ce prénom quelques fois… Mais euh, je ne sais plus. C’est qui ? Et c’est quoi la patrouille temporelle ? Et la cité du temps ? Attends ! ça veut dire qu’il y a un endroit où on peut visiter plein de moments dans le temps ? !” Ses grands yeux curieux se plongèrent dans les siens. “Bah ! Désolée mais ça ne fait que trois mois que je visite le reste du monde. Je veux dire, en dehors de Görana. J’ai du mal à retenir toutes les choses qu’on me raconte pour dire vrai !...” Celle-ci sortit de sa besace son fameux recueil des espèces. “Heureusement j’écris tout dans mon livre ! Bon, normalement il se focalise sur l’étude des espèces qui peuplent le monde, mais j’ai réservé quelques pages pour me souvenir des trucs qu’on me dit… enfin, quand j’ai le temps et que je pense à noter, comme là !”

Tout en tirant la langue - technique très efficace pour se concentrer dans pareil moment, voyons ! - Setsuka écrit un résumé des dernières choses apprises grâce à Boneco. Prête pour consigner la suite dans son ouvrage, celle-ci lui adresse un sourire. Vous savez, de ces sourires qui remontent le moral !

“... Pis, hé. Toi aussi tu as vécu le phénomène de Perdition, Boneco. Si je comprends bien, t’as vu ton… enfin, notre espèce se faire génocider ! Et pourtant tu m’as l’air entier. C’est que tu dois être sacrément fort spirituellement ! T’es un exemple pour tous !”

Setsuka lui tapote gentiment l’épaule lorsqu’il admet qu’il est probable que, peu importe ses actes dans le passé, cela n’aurait pas éviter à son peuple une extinction à un moment où à un autre. Ces gens dans le reste du monde ne font que vivre pour des raisons saugrenues que la göranienne est incapable de ressentir elle-même. Sa compréhension de leurs raisons est donc limitée. Vouloir sauver une race de sa fin prévue est un concept loufoque, toutefois se sont les émotions de son nouvel ami qui le poussent à agir. En fait, tous les êtres vivants font des choses sous couvert de leurs sentiments personnels, au final. C’est assez égoïste, tout ça, mais c’est une réalité.

Les mots lui manquent lorsque son copain lui indique qu’il est sept décennies en arrière comparé à sa propre temporalité. Les yeux de Setsuka scintillent, en quête d’un savoir qu’un cerveau primaire comme le sien ne peut détenir. C’est une réalisation bien étrange que de se dire que l’on est un élément d’un passé si lointain pour quelqu’un d’autre. Il est déjà bien difficile de se projeter dans les prochains jours, mois -ou, pire !- années, alors là ! C’est une épreuve des plus délicates que d’arriver à assimiler ça !

Cerise sur le gâteau, une seule personne, de part son génie, avait réussi à lui construire une machine pour voyager dans le temps. Jamais de la vie Setsuka aurait pu imaginer un jour être confronté à toutes ces choses inconcevables : il existe réellement d’autres planètes, aglutinées dans ce que l’on nomme une galaxie et dont notre cerveau ne peut saisir l’immensité. En plus, il y a moult de ces fameuses galaxies au sein d’un même monde et… plusieurs univers. Ce n’est quand même pas simple d’intégrer tout ça et de réaliser vraiment la chose ! Et, donc, il est possible de voyager aussi vers l’avant ou vers l’arrière… eh bien, quel bazar !

“Je… suis… en réalité…” balbutiait-elle, le regard incertain, perturbé. “... Ton aînée de plus de sept cent ans…!”

La chasseuse dépose sa main contre son menton et son regard se plonge quelques instants dans le vide. Les cerveaux des espèces humanoïdes sont limités. L’univers, lui, est illimité. Il est donc impossible de prendre mesure de tout ce que contient ce dernier.

Setsuka secoue vigoureusement la tête tel un animal soucieux de reprendre contenance, de se libérer du piège.

“Baaaah !” Fit-elle soudainement en regagnant son air gai habituel. “Sacrée histoire ! Pis en fait c’est marrant parce que ça veut dire que je suis une vieille mamie à côté de toi en réalité !” Cette dernière se met sur la pointe des pieds et tapote le haut du crâne de Boneco pour le taquiner. “Attention il faut respecter mémé jeune homme !!”

Lui avait-elle donné pour toute réaction à ce moment-là. La traqueuse arrive souvent à alléger les situations, à leur trouver un penchant agréable, léger, drôle. C’est ce qui fait que sa compagnie est appréciée d’ordre général.

Ensuite, quand ils discutaient à propos de Scalio, la sauvageonne acquiesçait vigoureusement. Son nouveau pote et elle, ils sont sur la même longueur d’onde pour pas mal de trucs. C’est toujours plaisant de rencontrer quelqu’un qui nous ressemble.

“On ne va pas l’abandonner, mais on doit faire attention à ce que ça ne soit pas Scalio qui nous consume !” Dit-elle sur un air grave. “Toi tu sais ce qu’il ressent mieux que personne puisque vous avez donné la vie, ensemble, à Scalieco. Mais aussi d’accord que je le suis sur le fait qu’on doit faire ce qui est en notre pouvoir pour que Scalio redevienne lui-même, je ne ferai pas l’erreur de me faire contaminer par sa Perdition.” Celle-ci enveloppe la main de Boneco dans les siennes et relève son visage vers le sien. “Parfois nous ne pouvons rien faire. Il faut l’accepter. J’espère que tu ne seras pas triste au point de devenir une ombre, toi aussi, si c’est le cas.”

Setsuka le regarde dans les yeux encore un peu. Tout comme elle continue de tenir chaleureusement sa main entre les siennes. Une impression singulière l’enveloppe. Plus la chasseuse demeure aux côtés de ce nouveau camarade, plus il lui renvoi les mêmes émotions que lui envoyait son alter fusionné. Son coeur fait un bond alors que dans ses traits faciaux, la göranienne entrevoit ceux de Scalieco. Un sourire ému étend ses lèvres. Lâcher cette main reposant dans les siennes, elle n’en avait aucune envie.

La saiyan l’écoute sans mot dire lorsque son acolyte lui conte ce qu’il sait sur ce Demigra. D’après la description, il semble correspondre, effectivement, à un Dieu de la Discorde. Imprévisible et malin comme des renards, ils aiment par-dessus tout se divertir en utilisant les créations de leurs semblables - ou les leurs.

“Tu as raison, ça ne sert à rien de vouloir comprendre les intentions d’un Dieu de la Discorde. Nous ne pouvons rien faire à part vénérer les Dieux justes et nous écarter du chemin de ceux qui sont mal intentionné. Enfin, j’ai rencontré plus de mortels malfaisants que de Dieux méchants jusqu’ici ! Et pis y’a pas besoin d’être une divinité pour avoir des pouvoirs capables de causer beaucoup de souffrance, malheureusement.” Sur ces mots-ci, la petite femme lâche lentement la main de son partenaire. “Il faut accepter les choses de la vie comme elles sont. Au final c’est enfantin de croire qu’on peut vraiment changer quoi que ce soit pour toujours. Il y aura toujours des Demigra et des Freezer. Tout ce qu’on peut faire, c’est les mettre hors d’état de nuir quand on en croise. Mais on ne changera jamais l’univers entier… à part si on déracine tout et qu’on recommence à zéro, je pense. Mais ce n’est pas réaliste !”

La sauvageonne hausse les épaules. L’on croit que les indigènes manquent de jugeote, pour autant elle est l’une des rares personnes en ce monde à accepter tout ça. Certaines choses sont inéluctables et personne n’y peut rien. Il n’y a pas forcément de leçon à tirer des faits.

Par la suite, la göranienne s’était emparée de son fameux receuil. Dans sa catégorie de pages spéciales, elle allait consigner les dires de son ami concernant la Patrouille Temporelle. Sa queue se balance dans tous les sens, excité par la perspective de ces nouveaux savoirs que son compagnon va lui transmettre.
Une émotion étrange lui secoue alors le corps. Comme si quelque chose vient de la traverser et qu’aussitôt il la quitte. La saiyan lance un regard interrogateut aux alentours. Il n’y a rien visuellement qui puisse lui donner un indice sur ce phénomène des plus curieux. Seules les paroles de Boneco lui servirent de guide.

“Une… qui ? hein ? mais comment tu sais ?” Demandait-elle avec un air pataud approprié.

Apparemment ils peuvent observer le monde des vivants. De quelle manière ? L’autochtone fini par fermer les yeux, fronçant les sourcils pour se concentrer. D’un coup, une boule de cristal se matérialise au beau milieu de son ouvrage ouvert. Avec un “Oh !” de surprise, à son tour la combattante découvre ce qui se passe en bas. “Ouaaaah !” lâche t-elle soudainement en découvrant les scènes actuelles dans le combat contre Freezer. Celle-ci repère Scalio qui est venu. Il a une dégaine à faire peur aux morts. Yukko prépare une attaque spéctaculaire ! Jojiba est très mal en point, mais la dame qui répond au prénom de Claire le protège. Dabra, la grosse fraise appétisante est aussi dans de sales draps.

Le prochain commentaire de son semblable la tire de sa torpeur. Setsuka lève le nez de la boule aux images en temps réel et regarde l’horizon tout en l’écoutant attentivement. Pendant qu’il déroule son fil de pensée, cette dernière dépose ses biens sur un large rocher près d’eux. Celle-ci fait quelques étirements - au début un poil paresseux - puis plus vivaces pour mettre son corps en marche.

“Tu me cherches, c’est ça ? !” S’écrie t-elle inopinément, en donnant des coups de poings volontairement mou dans l’épaule de son partenaire afin de chahuter tout en se fendant la pêche. “Tu oses défier la grande euh… Setsukette ! Tu vas le payer Bonequette !” Dit-elle en faisant mine de lui donner des coups dans le ventre, pour mieux venir le chatouiller au niveau des côtes quelques instants. “Bon, ben d’accord, moi je veux bien qu’on se batte ! Sur Görana, on honore quelqu’un en le défiant. C’est aussi une manière de demander poliment à une personne de sortir pour faire des trucs d’amoureux. Mais bon, ça j’y connais pas grand chose !”

Celle-ci s’écarte à bonne distance après l’avoir un poil charrié. La sauvageonne ferme les yeux quelques secondes. Sa tenue change une nouvelle fois rien que part la force de sa pensée. Un short et une brassière habille maintenant son corps, ainsi qu’une paire de chaussure souple et des bandages spéciaux autours de ses mains et de ses avant-bras. Cette dernière ressemble à une sorte de championne de boxe vêtue ainsi.

“Est-ce que tu veux bien commencer sans qu’on utilise nos pouvoirs ? Je veux voir comment tu te débrouilles si t’avais pas accès à des capacités magiques ! Dans les arènes de Görana, l’une des épreuves est un affrontement à mains nues sans armes ni pouvoirs. C’est l’un des matchs que je préfère.” Celle-ci pose ses poings contre ses hanches avec un grand sourire. “Je ne tape pas spécialement fort. Mais ! Je sais où frapper pour faire mal, et je le fais assez rapidement pour agacer mes adversaires ! Alors, prêt à me détester ?”

Celle-ci lui tire la langue d’un air espiègle. Elle se met dans une position légèrement courbée, sa jambe gauche vers l’avant et ses coudes au niveau de son buste, poings relevés. La belliqueuse petite saiyan lui laisse le premier coup, une vraie gente dame !

Soixante-dix ans, ça fait quand même beaucoup ! Mais bon, euh, cette réflexion elle l’avait gardée au chaud dans sa tête. La petite göranienne s’était plantée en beauté pour définir le temps que cela représentait, mais ça arrive ! N’empêche que ça reste que ça fait vachement longtemps !

En tout cas, atterrir ici n’était pas si terrible au final. Bien que le souhait de l’autochtone était de servir une divinité de Görana à sa mort, il fallait bien dire que ça n’était pas déplaisant d’être ici avec quelqu’un d’aussi doux. La plupart des gens que Setsuka avait rencontrés en dehors de sa planète étaient souvent rongés par des sales sentiments dont ils n’arrivaient pas à se tirer. C’est triste, mais bon ! Chacun choisit ce qu’il veut être, même si on ne décide pas de son parcours dans la vie.

Au moins une affaire réjouissante pointe le bout de son nez : l’appel de la boustifaille après s’être défoulé ! Cette dernière sourit jusqu’aux oreilles. C’est vrai. Même si la sauvageonne ne se sent nullement saiyan, elle ne peut qu’admettre partager la passion de la nourriture avec ses semblables !

“Qui a besoin de trucs romantiques quand on peut manger à foison !” Ajoutait-elle en pouffant de rire.

Boneco était tout aussi attendrissant que Sharotto. Cela lui rappela de bons souvenirs. De quoi la mettre d’une humeur encore plus positive ! Sa vie était extraordinaire. Setsuka se sentait chanceuse de pouvoir vivre et voir tout ça. Même les moments malheureux ne pouvaient pas égaler ce genre d’instant.

Son compagnon est visiblement calé dans la pratique du combat rapproché. Cela ravit la petite saiyan dont la queue frétille déjà d’excitation.

“Ouaaah ! T’as été entraîné par des grands maîtres ! Coooool !” avait-elle glissé durant la conversation. “De mon côté, c’est surtout mon papa-papounet qui m’a appris à trouver un style de combat qui me va. Parce que maman c’est une lamia, du coup le bas de son corps c’est comme celui d’un serpent. Alors les lamia, ben elles se battent trop bien, mais de manière adaptée à leur corps, quoi ! Papou c’est un chimpanzé, donc il me ressemble plus, il a des jambes et des pieds comme moi. C'est plus facile pour apprendre avec quelqu'un de semblable physiquement !”

Les deux combattants prennent leur pose de combat. Setsuka est prête à ne pas se faire méningée et à donner le meilleur de soi contre son nouvel ami ! Celui-ci prend l’initiative. Cette dernière contracte ses muscles du mieux possible, en position de défense. Ses prunelles suivent calmement les mouvements de son opposant pour mieux tenter de comprendre son plan. Lui aussi est particulièrement véloce.

Le coude gauche de Setsuka se replie vers l’arrière. Lorsque Boneco arrive à son niveau, la göranienne a déjà pris sa décision. Fermement, son poing gauche vient donner un direct dans le milieu du visage de son partenaire, se brisant probablement contre son nez. Au prix de ce coup dans la binette de son adversaire brutal et donc rare à réussir, l’oblique droit de la guerrière l’accable d’une puissante brûlure douloureuse. Celle-ci serre les dents. Son cri de souffrance est à demi étouffé.

L’instant d’après, la göranienne envoie son genou dans l’un des quadriceps de son compagnon. à la suite de quoi Setsuka se baisse et fait un tour à 360° sur elle-même. Au moment où elle est de dos par rapport à Boneco - ce qui doit être une manœuvre bien étrange de son point de vue, la queue de singe de la concernée balaie les jambes de son opposant avec une puissance insoupçonnée. En effet, à contrario de la majorité des saiyan, l’autochtone s’est toujours servi de sa queue quotidiennement, dans la vie de tous les jours comme en combat. Ce membre est donc particulièrement musclé chez elle.

Une fois revenue à l’angle de départ, c’est cette fois avec tout son corps que la göranienne vient agresser son adversaire. Qu’il soit bel et bien au sol ou non, Setsuka lui bondit dessus. Ses membres amovibles s’enroulent autour du bras de Boneco pour l’immobiliser. Ses cuisses enserrent tenacement son biceps, alors que ses mains tordent son avant-bras énergétiquement.
Sa queue de singe, quant à elle, tente de frapper d’un coup cinglant dans le cou découvert de son adversaire à proximité pour le priver de son souffle - l’un des éléments les plus importants dans un match à maintenir, d’une part pour l’équilibre corporel, de l’autre pour oxygéner convenablement son cerveau.

“Même si je n’ai pas de queue de serpent, moi, ben j’ai appris quand même quelques-unes de leurs techniques !” lançait-elle fièrement du ton de sa voie tout crispé car la chasseuse se concentre sur la pression exercée sur son copain.

Les muscles bandés, la petite göranienne garde le sourire malgré l’effort que cela demande. La répartition musculaire est plus grande chez les hommes humanoïdes en général, alors même une femme très musclée n’a aucune chance contre un male ayant un entraînement équivalent. Fort heureusement, les saiyans sont particuliers à ce niveau. Certaines femelles semblent pouvoir définitivement casser les dents à n’importe quel individu du sexe opposé qui la chercherait un peu trop. C’est tout du moins ce qu’avait cru comprendre Setsuka lors de son séjour sur leur planète natale. Ils sont tordus, d’ailleurs, ces saiyans !

“NyyyyyyyyyyyyyaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaHhhhhhhhh-
Hhhuuuuuuuuuuuuuuuuuuaaaa !!!!”

Un coup de croc dans la queue ça ne fait jamais du bien.

La chasseuse se crispe et lâche sa prise malgré elle. Son corps est parcouru d’une cruelle décharge électrique. Son appendice auxiliaire s’hérisse plusieurs fois, tantôt les poils dressés, tantôt les poils retombés à la normale douloureusement. Des larmes lui bordent les mirettes. Setsuka se roule au sol un moment en gémissant comme un gros bébé, alors que sa queue est recroquevillée tout contre elle.

Boneco s’est éloigné et recrache même quelques brins de fourrure. Cette dernière fronce les sourcils pour reprendre contenance. D’un bond, la jeune fille se relève. Son membre amoché se met à fouetter l’air vigoureusement, signe qu’il est de nouveau en état de marche.

“Bientôt nous serons quittes ! Moi aussi je vais te mordre la queue tu vas voir !” Dit-elle en brandissant son poing faussement rageur avant de glousser. “Pis forcément qu’on vise ce qu’on croit être un point faible. Mais c’est lourdement se tromper que de croire ça ! Les personnes à qui il manque un membre doivent se surpasser bien plus que les autres, alors elles sont vachement plus fortes. C’est comme pour les personnes qui ne sont nées avec aucun don particulier. Faut qu’on donne tout ce qu’on a dans le ventre pour arriver au niveau de ceux qui sont privilégiés !”

Si Setsuka avait conscience de ce fait, c’était donc pour tester son adversaire que la petite saiyan avait agi de la sorte. Vis-à-vis de cela, elle se sentait bien bête d’avoir laissé sa queue de saiyan être exposée de la sorte. Comment se serait-il débrouiller sans cette échappatoire ? Ce qui aurait été intéressant, c’est de comprendre à quel point il peut être souple. Dans la situation inverse, l’autochtone aurait utilisé son élasticité pour se défaire de son emprise. La combattante avait gâché cette opportunité.

Ce dernier pique une pointe vers elle. Il ne faut pas rester statique dans ce genre de moment, à part si on veut consolider sa défense. Or, la göranienne n’a pas les moyens d’offrir un rempart solide face à la puissance de son opposant. Scalieco disposait de ressources incroyables, données par chacun des deux êtres dont il était composé. Il fallait donc être idiot pour ne pas saisir que Boneco n’avait rien d’un lapereau de six semaines.  

Les yeux plissés, les nerfs à vif. Tout se joue sur sa vélocité, toujours. La Göranienne suit les mouvements de son ami avec une grande attention. Son corps se tord de manière millimétrée vers la direction que la petite saiyan souhaite prendre pour se protéger de ce qui arrive. Son semblable glisse sur l’herbe pour accroître sa rapidité. Bien, il est l’heure d’accélérer le tempo, alors ! La chasseresse bascule sur la gauche pour esquiver de peu l’attaque. Elle tente de placer la sienne. Index et majeur viennent frapper la veine médiane céphalique sur l’avant-bras de Boneco. Un seul coup, direct et violent, seulement deux doigts qui peuvent provoquer gonflement et douleur exacerbée à l’endroit précis où ils ont frappé. Dans le pire des scénarios, cette offensive qui demande une grande précision, est susceptible de couper l’afflux sanguin. Le sang arrête alors d’affluer dans l’avant-bras. Cela peut, de facto, entraîner la perte du poignet et de la main.

L’agilité de son adversaire le conduit à réussir une acrobatie digne d’Eddy Gordo. En voyant le coup lui arriver dessus, la jeune femme repousse ce dernier avec son bras droit autant que possible et, au prix d’un beau bleu violacé. De plus, cette imbécile donne plus d’élan à son semblable pour le revirement de situation suivant. Le double chassé la cueille dans l’épaule grâce à son mouvement de fuite. Aussi preste soit-elle, lui n’est pas mal non plus dans le genre !  

Cette dernière tombe un genou au sol et, réflexe naturel, se tient l’épaule en couinant. Malgré la souffrance certaine, un sourire gai revient bien vite sur ses lèvres. Quand il s’agit d’échanger des coups avec un ami, Setsuka adore se battre !

Celle-ci fait quelques étirements rapides pour se remettre en selle pendant qu’il s’exprime.

“Ah ! T’es pas né comme ça, alors.” Arrive-t-elle à placer entre deux geignements. “De toute façon t’en a même pas besoin de ce bras, pff ! T’es trop balèze !”

L’instant d’après, l’étrangère bondit en l’air  avec une aisance à toute épreuve. Elle aussi c’est son truc les acrobaties ! Après-tout, son père est un chimpanzé. Il s’est occupé d’une bonne moitié de son enseignement aux arts du combat. Donc c’est tout naturel de faire des singeries pareilles ! Alors un petit salto et hop, on se retrouve à donner un coup pieds joint dans le plexus solaire de Boneco !

Une vrille pour qu’elle se réceptionne correctement. Un deuxième saut, haut cette fois, assez pour passer au-dessus de son copain ! Sa queue de singe veut se venger de la morsure, alors au passage celle-ci vient fouetter d’un coup brutal le nez du saiyen adverse.

Durant son ascension pour passer, via la voie des airs, dans son dos, Setsuka vient balancer son genou entre les omoplates de son congénère. L’instant d’après, celle-ci se réceptionne en position accroupie, demeurant derrière lui. Un énième bondissement se produit. Elle tend les deux bras. La sauvageonne cherche à le plaquer au sol de nouveau. Enfin, cette fois, il aura le visage dans la terre. (ou peut-être que c’est cette dernière qui va juste s’écraser face dans la boue !) En tout cas, la petite saiyan relâche son étreinte autour de ses deux jambes.

La göranienne se redresse suffisamment pour venir écraser son coude dans le creux poplité d’une des jambes de son acolyte. De quoi provoquer une inflammation à son ligament, p’tet bien ! Celle-ci se dégage de sa position ensuite grâce à l’un de ses bonds de chèvre montagnarde. Son corps commence à tirer un peu, Boneco lui a placé de sacrés coups quand même ! Alors la traqueuse est grimaçante, mais toujours en état de se battre !

Setsuka se bat comme un animal dont les atouts sont d’être sec, léger et rapide le fait : en tentant de mettre à terre sa proie pour mieux la dominer. De manière fulgurante et précise.

*Paf ! Un petit coup bien placé et voilà qu’il saigne du nez ! C’est un véritable accomplissement de pouvoir toucher quelqu’un de son acabit. Bah oui, parce qu’en fait je ne sais pas si vous avez remarqué, mais… à tort, on peut croire que c’était Scalio qui donnait sa force prodigieuse à leur fusion. Parce qu’il est tout colère et tout féroce, je ne sais pas pourquoi ces traits spécifiques sont associés à ça. Enfin, bien sûr c’est tout les deux qui prêtaient leur robustesse et tout et tout à Scalieco ! Toutefois… J’ai bien l’impression que Boneco est plus puissant que mon copain qu’est devenu zinzin. Du coup je peux être fière de moi quand j’arrive à lui faire défaut. Nyak nyak !*

Ce discours se déroulait tranquillement dans l’esprit de Setsuka après son premier assaut. Un sourire infatué sur le visage. L’appendice robuste de la göranienne percute sa cible et frétille de contentement suite à cela, à son tour. L’attitude habituellement débonnaire de la saiyan la préserve des trop plein de fierté mal placée, cependant ces petites victoires elle les savourent à leurs juste valeur !

“Bwahahahahaa !” Laisse-t-elle échapper, triomphante.

Un peu de douce vanité avant de se faire éjecter comme un menu fretin au loin. Bah ! ça ne gâche pas le fait que la chasseresse soit contente d’elle. Même si ses fesses s’écrasent douloureusement sur quelques mètres, - ouïlle ouïlle ouïlle ! - la faisant rebondir à l’instar d’une caillasse jetée sur la surface d’un lac. Faut-il dire que la sauvageonne a de sacrés amortisseurs arrières, à défaut d’avoir des airbags à l’avant. Elle demeure un moment en position assise en faisant la grimace. La voix de son ami parvient à ses esgourdes. La combattante glousse bruyamment avant d’ajouter :

“Bah ! Au moins cette fois, je n’ai pas attaqué ton point faible ! Mais je devrai peut-être y penser, j’ai bien l’impression que c’est la meilleure cible pour battre un mâle humanoïde, ce truc !” Cette fois il était question d’un autre appendice, le fameux service trois pièces qui, effectivement, était une cible de choix pour abattre définitivement sa proie. Ses mots furent ponctués de petits gémissements souffreteux, car Setsuka se redresse petit à petit. Ce n’est pas une mince affaire quand votre derrière s’est fait claquer au sol de la sorte !

Cette dernière se frotte énergétiquement le fessier après s’être relevée avec quelques difficultés. Boneco est lui aussi de nouveau sur pieds. La tension est palpable comme dans un western. La guerrière lui adresse un de ses sourires un peu bête, mais son regard prend rapidement l’allure d’une bête sauvage en pleine traque. C’est toujours assez surprenant et particulièrement effrayant de voir ce genre d’émotion habiller le visage d’une personne douce, calme et aimante. On ne soupçonne pas ce type d’individu d’être bestial.

Lorsque son adversaire saute dans les airs afin de se donner de l’élan, l’autochtone l’imite. Cependant, de son côté, la petite saiyan finit la queue accrochée à une branche solide environnante. Ce mouvement d’esquive s’avère néanmoins obsolète. Une anticipation erronée de la part de la joueuse göranienne ! Le poing de son opposant ne lui était pas destiné. La chasseuse finit balayée par une bourrasque telle que la ramure de bois craque sous ce coup de vent tourmenté.

“Aaaah ! Noooon ! Pas encore les fesses !” S’écrie-t-elle dans sa chute.

Heureusement, c’est sur ses genoux que la jeune femme arrive à attérir. Enfin, quelle aubaine ! à peine au sol qu’elle se mange un coup de queue dans la mâchoire. Ce n’est pas très agréable comme surprise. Surtout quand ladite tige pubescente s’enroule autour de votre poignet pour vous tirer vers l’avant. Là où votre tempe se fait malmenée par un coup abrutissant. Bon ! C’est vrai que dans ce cas précis, son zanzōken aurait pu la tirer d’affaires. C’est le jeu ! Et c’est intéressant de ne pas mêler ses pouvoirs à tout. Il faut savoir se débrouiller sans pour améliorer ses performances basiques et corporelles.

Alors, donc, le coup dans sa tronche l’a faite valdinguer contre l’herbe. C’est étrange d’avoir la vision recouverte de taches noires aux contours colorés. Une fois ça lui est arrivé, aussi, mais dans un contexte incomparable. C’était la fois où on lui a fait la cicatrice sur son visage. Ce n’est pas agréable comme sensation, on a l’impression qu’on est dans le parfait équilibre entre la souffrance pure et le fait de s’en délivrer en tombant dans les pommes. Sauf qu’on arrive pas à sombrer totalement dans l’inconscience. C’est ce qui lui arrive présentement. Un hématome digne de ce nom prend une forme informe sur sa tempe et la teinte d’une couleur violacée. Les yeux clos mais gigotants dans leurs orbites, de sorte que ses paupières tremblent, on comprend que la göranienne n’est pas hors combat, mais ce n’était pas si loin avec un coup pareil ! Elle se remet aussi prestement que possible.

L’ombre de Boneco est en mouvement. Alerte, Setsuka roule dans l’herbe sur elle-même plusieurs fois. Elle n’a entrouvert les yeux que pour suivre brièvement le chemin de son opposant. Comme si ça allait lui permettre d’esquiver quoi que ce soit… enfin, la petite fait ce qu’elle peut actuellement ! Heureusement pour elle, son adversaire échoue dans son entreprise. Cette dernière, gardant les yeux fermés, a besoin de toute sa concentration pour reprendre contenance…

...Ainsi, au moment crucial où Boneco est à genoux dans l’herbe, se rendant compte de cette erreur FATALE que de s’être empressé à venir au contact de nouveau…

...Dans son dos se profile l’ombre d’une terrible créature, imaginée dans le for intérieur de Setsuka pendant que celle-ci se remettait péniblement de l’assaut violent duquel il l’avait accablé précédemment…

















“WHA WHA WHA !!!!!!!!!!!!!!!!!!!!”

De quoi faire sursauter les morts eux-même !!! Boneco devait avoir eu la peur de sa vie en entendant cette imitation plus que réaliste d’un chien enragé. D’autant plus que le costume était à la hauteur du génie créatif de la demoiselle. Le terrifiant molosse saute à la gorge du pauvre homme démuni au sol, toutes griffes dehors. Une pluie de chatouille inhumaine et épouvantable vient électriser les côtes du guerrier saiyan. Le cerbère agile lui mordille gentiment la joue pendant ce temps. La queue de l’animal déchaîné frétille dans tous les sens. Que de désespoir, que de souffrance ! Boneco se retrouvait face à son Némésis ! Son adversaire le plus craint, le plus infernal !

“Shi thuf déclarfes fchorfchait jche tche lâche !” Articule la ténébreuse créature qui ne lâche pas cette pauvre joue prise en otage. En plus de le harceler d'effroyables et endiablés guilis.

C’est une technique comme une autre pour gagner un combat. C'est un recours pour réussir à venir à bout de cet opposant formidable que fait Boneco. Le dernier coup qu'elle s'est prise a définitivement fait comprendre à l'autochtone qu'il ne plaisante pas. Pour être honnête, l'étrangère est toujours sonnée. Impossible pour elle de reprendre directement des offensives d'un combat disons... classique. Du coup, hop, elle s'adapte ! Pis, hé, c’est toujours mieux qu’un direct dans les valseuses !