La cicatrice de la planète bleue

La vie est un long fleuve tranquille est une expression que j’ai entendue au cours de mon séjour sur Terre. J’aimerais aller dans son sens, cependant de nombreux terriens se sont noyés dedans. Cela prend tout de même un autre sens quand on sait que la planète est composée essentiellement d’eau. Bien heureusement, il semblerait que la trombe marine s’est dissipée dans la pénombre. Heureux peuvent-être les terriens ayant survécu, du moins, jusqu’à ce que quelque chose en ressorte un jour. Les plus lucides le savent déjà et craignaient la prochaine tempête, sachant pertinemment que personne n’est insubmersible.
 
Cela n’est pas une raison de vivre dans la peur et les terriens sont visiblement allés de l’avant. Les choses semblent être devenues étrangement calmes. Des choses devaient se tramer en coulisses, cependant je n’en étais pas convié, devant me contenter d’un rôle de simple spectatrice. Je me contente d’observer la Terre, accompagné d’une profonde solitude. Après mes conversations avec Alex et Wlliams, rien n’avait plus de saveurs. Éprouvais-je une certaine forme de dépression ? La convoitise de découvrir le monde restait la même. Ce qui en était le plus proche était l’ennui. 
 
L’ennui d’une certaine forme de normalité. Les terriens avaient relativement un quotidien similaire, seulement le chemin qu’ils prenaient était différent. Il y avait bien entendu des exceptions, comme Williams qui allait à contre-courant. Je me demandais s’il avait retrouvé son double ou même plus simplement, s’il avait réussi à satisfaire ses responsabilités. La ville étant resplendissante, je supposais qu’il n’avait pas échoué dans sa quête.
 
J’avançais tranquillement dans Satan-City tout en contemplant les nouvelles constructions ornant le paysage. Je baissai mon regard pour regarder les pavés jonchant le sol. Même s’ils semblaient être posés récemment, ils semblaient venir d’une autre époque et donnaient un charme impérissable à la ville. Cette cité était à l’image de ses habitants, reconstruite et resplendissant. Du moins en apparence.
 
Je m’éloignai du chemin principal pour gagner une petite ruelle. Plus j’avançais, plus il était compliqué pour la lumière de m’atteindre. On était bien loin de la propreté que j’avais pu observer précédemment, de nombreux déchets polluant l’environnement. Personne n’était parfait, et Satan-City n’échappait pas à la règle. Il fallait en effet un peu fouiller pour y trouver un peu de noirceur.
 
" Oh, mais que voilà ! Regardez les gars ! "
 
Un homme portant assurément un maillot trop grand pour lui me fit face, profitant de sa grande taille pour tenter de m’intimider. Je ne répondis pas à sa provocation, attendant simplement de voir à combien de personnes j’allais faire face. Trois personnes n’ayant pas un meilleur goût vestimentaire s’approchèrent tout en profitant pour me reluquer.
 
" Bah alors tu fais ta timide, il ne faut pas ! Si tu traines toute seule dans les bas quartiers, c’est que tu cherches bien plus qu’une nouvelle tenue. "
 
Celui qui me dévisagea ma poitrine avec la plus grande insistance ne manqua pas d’en placer une 
 
" Bien entendu qu’elle ne cherche pas une nouvelle tenue, elle veut retirer la sienne. Ne t’inquiète pas, je vais t’aider. "
 
Alors que le petit groupe gloussait, le détraqué s’approcha de moi et commença à poser ses mains répugnantes sur mon corps. Je ne pus cacher un certain dégout, je gardai cependant mon calme, ayant l’habitude de ce genre d’insanité. Je le pris de court en posant à mon tour ma main sur son torse. Je constatai qu’un peu de bave coulait le long de son menton. Ce dernier semblait surpris de mon geste et pensa que j’étais plus du genre entreprenant. Il avait cependant raison sur ce point, mais pas sur la finalité.
 
" Je pense que personne ne m’en voudra si je retire quelques déchets de cette ville. "
 
Juste après avoir terminé ma phrase je fis disparaitre le vicieux. Ses copains reculèrent machinalement, ne comprenant pas ce qui venait de se passer. Celui qui m’avait bloqué la route prit son courage à deux mains et se décida à me questionner.
 
" Qu’as-tu fait… sorcière ! "
 
Ce dernier avait sorti un couteau qu’il tenait avec ses mains tremblotantes. Je n’avais pas à m’en faire d’eux, ils ne semblaient pas avoir l’habitude que les rôles s’inversent.
 
" Sorcière, cela bien longtemps que l’on ne m’avait pas traité de la sorte. Ce que j’ai fait ? J’ai simplement envoyé votre complice bien loin de cette ville. Je vous conseillerais de partir au plus vite d’ici par vous-même. À moins que vous ne vouliez que je m’en occupe ? Cependant, nul ne sait où je pourrais vous envoyer. La Terre reste une planète assez hétéroclite, il serait dommage de vous noyer dans un volcan. "
 
J’eus à peine le temps de finir mon monologue que le reste du groupe décampa. Je tournai mon regard vers des escaliers recouverts de détritus. J’aurais dû en profiter pour leur demander de nettoyer leurs dégâts. Je fis demi-tour afin de retourner sur la rue principale, en espérant faire une bien meilleure découverte.
 
Ce court séjour dans les tréfonds de la peur me permit de me rappeler qu’importe les apparences, une blessure même fermée existera toujours sous la forme d‘une cicatrice. Et la Terre n’en faisait pas exception.