Il n’y avait que la pénombre pour l’accueillir ici. Fille de la Lune qu’elle était, cela ne pouvait pas lui nuire. Ses grands yeux noirs semblent être fait pour l’obscurité ; car sans aucun souci elle se déplace dans la nuit noire comme en plein jour. Peut-être même qu’il s’y faufile mieux encore.
Ses longs cheveux d’ébènes se faufilent sur ses épaules et sautillent dans son dos à chacun de ses pas. La chanson qu’elle fredonne résonne dans toute la lisière de la forêt et se répercute sur le flanc des rochers qui constituent la montagne ; ce lieu même dont elle a fait son habitat.
« Vous ne comprenez pas, elle a passé son temps à me chauffer. Elle l’a cherché, bon sang ! » Il hurlait ça à la Terre entière, comme si ses mots allaient finir par atterrir dans les esgourdes de quelqu’un de clément. « Et puis qu’est-ce que ça peut faire ! C’est pas si grave à côté des gamines mariées de force à des vieux ! »
Mais alors qu’il plaidait sa cause, il sentit l’arrière de son crâne être pénétré par un métal glacé. La sensation n’était pas si désagréable, au début tout du moins. C’était comme sentir une poche de glace ; à la différence près que celle-ci viendrait s’enfoncer dans votre cervelle.
C’est au moment où la tranche de l’arme fut retirée d’une force phénoménale de la plaie où elle s’était incrusté qu’il cria à la mort. Et encore ; la partie de sa tête touchée ne lui permettrait pas de mourir tout de suite. Non, bien sûr que non. Le prédateur le regarda s’écrouler comme l’indigeste chose qu’il était à ses yeux avec un gargouillis de plaisir dans la gorge.
« Pffvvuutaiiiin….salooofffvvpppee… » Réussit-il à articuler en relevant son visage plein de boue pour se traîner lamentablement au sol ; ses doigts s’enfonçant dans la terre à chaque fois plus profondément.
La tueuse se figea, là, derrière lui à le regarder ramper d’une manière pathétique. Le masque qui cachait le haut de son visage ne laissait rien deviner d’autre que deux fentes noires. Pas vide, bien au contraire. A l’instar des corbeaux, on l’y décelait une sagacité certaine.
Toutefois, ses lèvres découvertes et plissées dans le rictus qu’elle arborait actuellement dévoilait sans détour sa joie que de voir cet insecte s’éteindre peu à peu. Nul vil être tel que lui ne pouvait résister à sa toute-puissance.
La brise fraîche du soir venait casser les hautes températures estivales ; et balayait sa longue chevelure parfaitement raide. Sa hache tenue fermement à deux mains ; l’assassin se tenait droit, son regard plaqué contre sa victime. Elle ne clignait pratiquement pas des yeux.
Un petit rire mesquin s’échappa de sa bouche à semi-ouverte alors que sa proie tentait de se redresser maladroitement. C’était toujours épatant de voir quels gestes vains ces merdes humaines pouvaient continuer à faire alors qu’ils étaient de toute évidence déjà morts.
...
Le lendemain, dans les actualités et les grands titres étaient dépeint « Encore un crime qui dénonce un pédophile publiquement ». Le corps d’un homme de vingt-huit ans avait été retrouvé pendu par les parties génitales à un lampadaire dans une petite rue du centre-ville ; lesquelles avaient été préalablement brûlées au troisième degré. Une plaie béante à l’arrière de sa tête avait fini par le vider de son sang.
« On ne parle pas assez des répercussions sur la famille des victimes ! Et si ces personnes étaient tuées à tort ? Ils sont peut-être innocents ! » se plaignait une femme à la télévision sur une chaîne de débat. « En plus ce sont quasiment QUE des hommes qui sont visés, on pourrait croire à des crimes misandres ! »
« N’oublions pas que 96,7% des crimes pédophiles recensé sont commis par des hommes. » Intervint un psychiatre. « Je pense toutefois que l’on peut soigner ces individus à titre personnel, et les réhabiliter dans la société par la suite. »
« Vous êtes timbrés ! Depuis quand ça se soigne d’être pédophile ? On croirait entendre les gens qui qualifient ça de « préférence sexuelle », bordel ! Vous vous entendez parler ? » Réplique une énième personne pour ajouter son grain de sel. « Vous êtes là à dire « oui mais ils reproduisent ce qu’ils ont connu enfant ». Sauf qu’on a une grande proportion de gens qui ne reproduisent absolument pas ça en l’ayant eux-mêmes vécu, tout simplement car c’est instinctif de savoir ce qui est bon ou mal, merde à la fin ! Ils n’ont aucune excuse ! Moi je dis bravo à cette personne qui zigouilles les pourrit dans ce genre, et j’ai le droit de le penser, assassinat ou non ce ne sont pas des victimes, ce sont eux les bourreaux à la base ! » Et c’était un confrère du psychiatre qui lui répondait sur ce ton exaspéré et coléreux à la fois.
« Le plus troublant reste que le peu d’emprunte trouvé par les forces de l’ordre ne sont pas identifiées comme existantes dans leurs registres. Cette personne s’est soit fait passée pour morte, soit sa naissance n’a jamais été déclarée, mais c’est incompréhensible. Cela fait une vingtaine d’années que ce criminel fait sa propre justice en toute impunité et il n’y a personne pour le faire passer devant un tribunal apte à le juger ! »
« Mais qui vous dit qu’il agit seul ? Vu le nombre de meurtres contre des pédophiles chaque année, je vous dis que c’est impossible qu’il n’ait pas au moins un partenaire pour l’aider ! »
Elle regardait d’un œil curieux, sa tasse de thé vert en main, tout ces individus donner leur avis sur la question. Comme si ça avait une quelconque importance. Pourquoi les humanoïdes ont-ils besoin de faire tout ça ? Donner leur avis en public afin d’obtenir une sorte de consensus qui validera leur pensée ? ça ne prouve absolument rien. Si la majorité croit en quelque chose ça ne veut pas dire que c’est une réalité pour autant. Tout ce spectacle ne fait aucun sens, si ce n’est prouver qu’ils sont faibles d’esprit.
« Hé, Anna ! Tu nous aide à charger le bois ? »
La voix de son collègue la tira de ses pensées. Elle se leva de tout son long du haut de son mètre quatre-vingt-quatorze ; elle qui dépassait tout ses collègues en taille et même souvent en gabarit.
On ne pouvait pas qu’être une Chasseuse. Pour survivre dans ce monde, tout demande une compensation monétaire. Pour nourrir sa communauté elle devait donc travailler. Ce job n’avait aucun intérêt mais il ne la fatiguait pas ; en plus il renforçait sa masse musculaire, la maintenait en forme et lui permettait de mettre à profit sa maîtrise des haches.
Employée clandestinement ; tout le monde l’appelait « Anna » et personne n’avait envie de poser de questions à une grande gaillarde comme elle. De toute façon, son boulot était fait de manière impeccable et elle ne comptait pas ses heures. Ce grand bout de femme était donc une aubaine pour le fournisseur de bois qui l’employait au noir. Personne ne lui demandait rien et elle ne demandait rien à personne.
Quand ses yeux contemplaient, chaque jour, le coucher du soleil ; elle savait qu’il était temps de continuer son œuvre. La Chasseuse était née pour ça, sans nul doute. Elle ne s’embarrassait d’aucuns remords inutiles et avait toujours été désensibilisé par rapport à la mort de ses congénères, au même titre que ses pairs n’avaient cure du décès des autres espèces. Son intelligence émotionnelle avait l’air limité de prime abord ; pourtant c’était tout le contraire.
La tueuse avait transcendé cette bien-pensance profondément humaine et les mœurs écœurantes qui en découlent. Il n’y avait nul besoin d’être philosophe pour faire la part des choses. Tuer ces êtres infâmes n’était que tout naturel. Ils détruisaient une vie, et la Chasseuse annihilait la leur. Ce n’était que le juste retour des choses et elle veillait à ce que la monnaie de leur pièce leur soit rendu.
Et ce n'était que le début de l'Héritage que lui avait légué sa mère et qu'elle léguerait à son tour à ses filles et à ses sœurs.