Le ciel de mon enfance [Vegeta - Oishi - Motta]

Vegeta n'était une belle planète selon aucune définition de ce mot.

Avec ses deux soleils, son ciel rougeoyant et sa gravité plus de dix fois supérieure à celle d'autres mondes, elle était aussi rude que le peuple qui y avait élu domicile. C'était essentiellement une gigantesque base militaire - un avant-poste pour l'empire de Freezer qu'ils avaient rejoint bien malgré eux.
Si le prince avait cru comprendre qu'ils n'étaient aujourd'hui plus à son service - encore heureux ! -, il paraissait clair que leur civilisation n'avait rien perdu de son côté martial. Si l'on constatait çà et là des progrès inévitables en l'espace de trente ans, les infrastructures étaient conformes à son souvenir, ressemblant à un grossier mélange de ce qu'ils avaient arraché aux Tsufuls et de ce que les Démons du Froid avaient bien voulu leur laisser.
En somme, sa planète natale était telle qu'il l'avait laissée - et il détestait cela.

Car la planète Vegeta qu'il avait laissé derrière lui était l'antre d'une horde de dégénérés ; de brutes qui ne méritaient même pas d'être appelés des guerriers. S'il fallait s'attendre à ce que leur civilisation garde un fort cap militaire - même lorsqu'ils n'y étaient pas forcés, se battre était encore ce qu'ils faisaient de mieux - il avait eu l'espoir qu'être délivrés de l'emprise du tyran leur permettrait d'aller de l'avant. Grave erreur.

Certes, ils étaient finalement tombés entre les griffes - ou plutôt les mains de boucher - de ce monstre de Broly, mais entre cela et leur mystérieux retour, ils étaient censés avoir connu un règne éclairé. Pythar avait-il été incapable de les changer ? Ou s'étaient-ils contentés de redevenir les barbares qu'ils avaient toujours été dès qu'il avait eu le dos tourné ?
Certes, il se doutait que quiconque n'était pas en mesure de lutter avait dû avoir la vie dure sous l'ère du Super Saiyan Légendaire, mais de là à penser qu'ils aient été si prompts à s'affaler dans cette férocité tristement ordinaire...
Peut-être l'empereur avait-il raison, finalement ; peut-être n'étaient-ils effectivement que des singes, des bêtes incapables d'évoluer. Et le simple fait que cette pensée ait pu lui traverser l'esprit le répugnait au plus haut point.
C'était donc ça, ce dont il était si fier ?
C'était donc ça, son héritage ?

Fort heureusement, le bruit d'une seconde personne fendant l'air à sa suite le tira de cette vague d’écœurement. Sans même sonder son énergie, il ne se demanda pas un instant de qui il pouvait s'agir ; s'ils avaient ne serait-ce que tenté de le suivre, les gardes étaient encore loin derrière.
Personne au sein de ce spatioport ne leur arrivait à la cheville, et le Saiyan moyen étant incapable de dissimuler la sienne - ignorait même que c'était seulement possible -, ils n'avaient pas grand chose à craindre de leur part.
Si son départ précipité avait très certainement pris de court sa jeune acolyte, qu'elle ait réussi à le rejoindre alors qu'il allait à pleine vitesse - pourquoi aurait-il la clémence de faire autrement ? - prouvait qu'elle avait su réagir rapidement, à moins que ce soit la crainte d'être interrogée qui l'ait motivée.
Qu'importe : toujours était-il qu'ils n'avaient plus qu'à se rendre à destination, fusant à toute allure au-dessus des gratte-ciels qui peuplaient le centre-ville.

« Où se trouve-t-il ? Au palais, je suppose ? » lança-t-il par-dessus son épaule.

Elle était seule à connaître la présence de l'intéressé, si bien qu'il n'avait d'autre choix que de compter sur elle pour le localiser - en espérant qu'il ne se soit pas à son tour volatilisé mystérieusement.
Quand le pouvoir s'effondre, les choses avaient tendance à devenir quelque peu trépidantes dans les parages. Même les passages de flambeaux de l'un de ses ancêtres à un autre, pourtant encadrés, avaient tendance à rendre les gens nerveux, comme s'ils redoutaient que tout n'explose d'une seconde à l'autre.
On pouvait difficilement les en blâmer : en l'absence d'une forte poigne pour les tenir tranquilles - ou que celle-ci obtienne une légitimité -, les Saiyans étaient sauvages et indisciplinés. Il suffirait d'un rien pour qu'ils le redeviennent. D'une seule allumette, et la planète entière ne serait qu'un énorme baril de poudre.
S'il devait en être l'étincelle, ainsi soit-il.

Ainsi donc, Motta venait vers eux. Parfait. Voilà qui lui éviterait d'avoir à faire le tour de la planète pour lui mettre la main dessus. Ce n'était peut-être pas la manière la plus délicate de prendre rendez-vous, mais on ne pouvait nier son efficacité. Le prince n'aimait pas attendre, et qui sait combien de temps il aurait fallu pour obtenir une entrevue s'il était passé par les moyens conventionnels. Sa vie était peut-être sur Terre désormais, mais il n'en restait pas moins ici chez lui également ; n'en déplaise à ceux qui avaient comblé le vide laissé par l'absence de la famille royale.
Il n'émit aucune réponse aux recommandations d'Oishi. Elles n'étaient pas dénuées de sens, mais il savait déjà de quelle manière il comptait mener cette confrontation. Il avait eu tout le temps du trajet pour y réfléchir - et n'avait pas l'intention de changer sa façon de procéder pour plaire à qui que ce soit. Tant pis si cela devait lui valoir des ennuis. En se rangeant sous ses ordres, elle avait accepté de le suivre où qu'il aille - jusque dans la tombe, s'il le fallait. Qu'elle se rassure, cependant : il n'avait aucune intention de mourir ici. Tout cela était plus calculé que ça n'en avait l'air.

Motta ne faisait cependant pas que venir vers eux ; Motta était déjà là, et avec lui sa garde rapprochée - ou peu importe ce que c'était. Vegeta n'en fut pas impressionné : s'il ne doutait pas qu'ils soient considérés comme des guerriers redoutables, aucun d'eux ne savait masquer sa puissance. Ainsi savait-il parfaitement pouvoir les terrasser un par un s'ils essayaient de s'en prendre à lui. Même s'ils l'attaquaient tous ensemble, ils n'auraient sans doute aucune chance. Même Oishi en serait certainement capable ; peut-être l'avait-elle elle-même déjà réalisé. Le chef de file, en revanche... C'était une autre histoire.

« C'est toi, le général Motta ? »

La question était rhétorique. Plantant son regard dans le sien, Vegeta prit la mesure de l'homme qui se tenait devant lui.
Même s'il n'avait pas pu voir à quoi il ressemblait dans les documents rassemblés par Oishi - et c'était le cas, quand bien même les photos dataient quelque peu -, l'aura d'autorité qui émanait de lui trahissait le militaire de carrière, probablement décoré d'à peu près toutes les médailles qu'ils avaient pu inventer ; peut-être en existait-il même une à son nom.
Un homme de poigne, à n'en pas douter - il fallait bien l'être pour espérer inspirer le respect à un peuple aussi indiscipliné que le leur. Ces qualités apparentes valurent immédiatement à Vegeta une certaine quantité de respect à son égard ; il pouvait d'ores et déjà affirmer qu'il avait mérité ses galons jusqu'au dernier. Hélas, cela ne changeait rien aux raisons de leur visite.

« Je suis Vegeta quatrième du nom, fils du dernier roi légitime de cette planète. »

Cette révélation fit circuler un murmure de stupeur et d'indignation dans les rangs des hommes qu'il avait amené avec lui. C'était l'effet recherché. D'une manière ou d'une autre, la rumeur de son retour allait se répandre - de même que celle de son sort si les choses devaient mal tourner. Les beuveries de retour de mission y veilleraient, si cela ne se faisait pas déjà naturellement. Par le fait même, cette rencontre était déjà plus qu'un banal incident isolé.
Vegeta n'était pas sans savoir qu'il y avait eu d'autres rois après son père, même avant que Broly ne prenne le pouvoir, mais n'ayant eu qu'une vague idée de qui ils avaient pu être - si ce n'est ce Pythar, à l'origine de la récente montée en puissance de Kakarot -, il ne reconnaissait aucun d'entre eux jusqu'à nouvel ordre. S'ils avaient pu laisser un monstre pareil accéder au trône, quelle que soit leur excuse, quel bien pouvait-il y avoir à en dire ? Qu'étaient-ils face au sang des rois, de ceux si intimement liés à l'histoire de cette planète qu'ils en partageaient le nom ?

« Je veux savoir ce qui est arrivé à Broly. Lui et moi avons un compte à régler. Je ne peux pas croire qu'il soit mort aussi facilement... À moins que vous vous en soyez débarrassés. »

« Je t'imaginais plus impressionnant. » nargua Vegeta.

Ce n'était pas tout à fait vrai - d'autant qu'il n'avait pas eu à l'imaginer, de par les clichés qu'on lui avait fait consulter -, mais il était toujours bon de montrer qu'on ne fléchissait pas devant un adversaire sur Vegeta. Malgré tous leurs efforts pour devenir une société civilisée, les Saiyans restaient des primates ; il convenait de savoir garder la tête haute et rouler des mécaniques si l'on ne voulait pas se faire écraser. Pour autant qu'il puisse en juger, cela non plus n'avait pas tant changé. 
Cela ne signifiait pas nécessairement qu'il n'avait aucun égard pour lui ; juste qu'il refusait d'aller jusqu'à l'échine - pas plus qu'il ne le ferait devant qui que ce soit. Un prince ne doit jamais s'incliner, c'était là l'une des premières leçons d'étiquette qu'on lui ait inculqué ; cela n'avait rendu que plus dur de voir son père - le roi - se prosterner devant Freezer, lorsqu'il le vit pour la première fois. C'était ce jour-là que toute l'estime qu'il pouvait avoir pour son géniteur était partie en fumée. 
Alors non, il ne plierait pas, c'était hors de question ! 
Et si Motta était l'homme qu'il imaginait, il devrait le comprendre...

« Personne ne me dicte ce que j'ai le droit de dire ou non. » rétorqua-t-il, austère, mais sans agressivité à proprement parler. Là encore, question de bienséance - pour le peu que leur peuple en savait. Il se para d'un sourire narquois. « Indisponible, vraiment ? Vous êtes en train de me dire que ce gros balourd est capable d'autre chose que de rester sur son trône à ricaner toutes la journée ? Je ne vous crois pas. Que lui est-il arrivé ? »

Son but n'était pas de le pousser à la faute, et ce malgré la crispation palpable que leur échange faisait naître chez les simples soldats, qui redoutaient à présent chaque tirade ; craignaient que ce soit l'allumette qui ferait sauter le baril de poudre. 
Pour ce qu'il en devinait, la situation était déjà suffisamment explosive sur la planète ces derniers jours pour ne pas y ajouter une esclandre s'ils pouvaient l'éviter - ou du moins, pas en plein ciel au-dessus de la capitale, là où tout le monde pourrait le voir. 

Bien sûr, Motta n'hésiterait pas non plus à l'abattre s'il l'estimait nécessaire ; de cela, il n'avait aucun doute... Mais malgré ses mises en garde, ils n'en étaient pas encore là. Non que le prince soit fermé à l'idée de se battre avec lui, ne serait-ce que pour voir ce que leur armée avant dans le ventre désormais, mais ce n'était pas pour cela qu'ils étaient venus. Peut-être plus tard. 
Laissant au général le luxe de trouver une manière de présenter les faits qui ne soit pas trop compromettante, supposait-il, il jugea bon de l'éclairer sur ses rapports avec leur « roi » - si insupportable que lui soit l'idée -, comme il le lui avait demandé. Après tout, pourquoi pas ? C'était après tout une histoire qu'il n'avait rien à perdre à raconter, bien au contraire...

« Si vous voulez vraiment le savoir, Broly et son père ont tenté de me tuer il y a de cela quelques années. » Il laissa cette affirmation faire son effet sur sa petite audience avant de se reprendre. « Ils sont venus me chercher sur Terre pour m'emmener sur la « nouvelle planète Vegeta »... Celle que vous appelez désormais Paragus, si j'en crois mes renseignements. » Il lorgna du côté d'Oishi, comptant sur celle-ci pour assurer ses arrières si l'un des gardes tentait quoi que ce soit pendant son discours. « Ils prétendaient vouloir me remettre sur le trône. Ce n'était en fait qu'un stratagème destiné à nous assassiner, moi et mon fils, en nous abandonnant sur place lors du passage de la comète Komori. » Il laissa son regard courir sur les différents visages, jaugeant les réactions à son récit, non sans espérer qu'il les mette dans le bon état d'esprit. « Fort heureusement, nous avons pu déjouer leurs projets. Broly a alors tenté de s'en prendre à moi... » Il releva la tête, serrant les poings et bombant le torse, plein d'arrogance. « ...Il a échoué, comme vous pouvez le voir. »

Bien sûr, c'était omettre de mentionner qu'ils avaient dû s'y mettre à cinq pour le mettre en déroute - ce qui ne l'avait pourtant pas empêché de revenir sur Terre quelques années plus tard pour prendre sa revanche, mais tout cela relevait du détail superflu. Tout ce qu'ils avaient besoin de savoir, c'était que leur monarque de pacotille et son traître de père avaient fomenté un coup d'état - quand bien même il n'y avait alors plus d'état à proprement parler - et n'avaient pas réussi à le mener à bien, ce qui était doublement infâmant. Ce n'étaient pas là les méthodes d'un Saiyan digne de ce nom, et ils n'avaient même pas été capables d'y arriver...

« Je trouve d'ailleurs particulièrement ironique que cette planète soit désormais nommée en son honneur, considérant que c'est là-bas que Broly lui-même l'a exterminé... Enfin. Ce n'est pas moi qui irai pleurer sa mort. » Le prince laissa échapper un léger rire moqueur, offrant à chacun l'occasion d'absorber toutes ces nouvelles informations qui ne manqueraient pas d'altérer quelque peu l'image qu'ils pouvaient avoir de leur potentiel ex-souverain. « Je ne vous cache pas ma surprise quand j'ai appris que ce lâche était parvenu à s'emparer du trône. Heureusement, ça ne semble plus être à l'ordre du jour... À moins que vous comptiez encore me raconter qu'il est en train de faire la sieste ? »

Oishi n'était pas qu'une simple exécutante. Elle savait prendre des initiatives, et c'était à son avantage - tant qu'elle ne contredisait pas ses ordres, évidemment. En l'occurrence, elle avait eu la brillante idée de faire partager cette « entrevue » à toute la planète. Quelle qu'en soit l'issue, le peuple Saiyan saurait qu'elle avait eu lieu - et ne manquerait pas de poser des questions.
S'il n'estimait pas avoir besoin de ce moyen de pression pour se faire entendre - n'était-il pas le prince de cette fichue planète ? -, Vegeta appréciait de l'avoir à disposition. Si cette rencontre devait tourner au bain de sang, comment pourrait-il encore déclarer mieux valoir que Broly ? Son espèce respectait la force, c'était un fait, mais sa lignée avait toujours mis un point d'honneur à montrer qu'ils n'étaient pas que de simple tas de muscles. À mériter la noblesse qui était la leur.
S'il ne rechignait pas à l'usage de la force, elle n'était donc pas ici son arme de prédilection - tout du moins pas maintenant que le Super Saiyan Légendaire n'était plus là pour être vaincu.

« Ah oui, vraiment ? Je serais curieux de savoir quel genre de « mission » peut justifier que ce tas de muscles se déplace en personne. » se gaussa Vegeta, ne croyant pas un mot de toute cette histoire.

Le simple fait que le roi se déplace en personne pour une simple mission était absurde, aussi secrète qu'elle soit. S'il arrivait à son propre père de prendre part à l'une ou l'autre opération en son temps, il s'agissait essentiellement de montrer qu'il était encore capable de s'en acquitter - qu'il était encore digne. Évidemment, il imaginait mal Broly rester assis toute la journée, mais de là à abandonner le trône - fut-ce entre des mains capables - pour aller battre la campagne, de quoi est-ce que ça avait l'air ? S'il y avait encore le moindre doute quant au fait qu'il soit inapte à régner, c'en était une preuve supplémentaire.

Motta n'était pas idiot. Malgré les efforts qu'il faisait pour cacher ce qui se tramait - pour sauver la face ; la sienne, mais aussi et surtout celle de son roi -, il devait bien se rendre compte qu'il ne se débarrasserait pas d'eux si facilement. Qu'il ne pouvait pas - plus - les exterminer et prétendre que ce n'était jamais arrivé. Encore moins maintenant que tous ceux portant un détecteur branché sur la bonne fréquence avaient perçu la teneur de leur échange.
Le prince ne s'attendait bien sûr pas à ce que tout le monde soit de son côté, il était trop lucide pour cela ; l'ancien roi Vegeta n'avait pas que des alliés. Mais entre la grogne envers Broly et les révélations qu'il venait de leur faire... Quoi qu'il advienne, il ne faudrait sans doute pas longtemps pour qu'ils aient une révolte sur les bras, si ce n'était pas déjà fait. Pour que la population réclame que quelqu'un d'autre enfile la couronne - n'importe qui, tant qu'il ne les emmenait pas à leur perte une nouvelle fois.
Ainsi donc, le général changea d'approche et, plutôt que de chercher à les convaincre, commença à poser des questions. Que son but soit de le jauger ou de discréditer ses revendications, il appuyait au bon endroit. Le prince afficha un sourire en coin ; au-delà du respect, il pouvait difficilement ne pas apprécier quelqu'un capable d'une telle ruse, même s'il jouait contre eux. Mais il en faudrait plus pour le déstabiliser ; il n'était pas n'importe quel freluquet qui n'avait pour lui que la valeur de son nom. Il voulait des réponses ? Il allait lui en donner.

« Tu veux savoir où j'étais ? Très bien. » Il décroisa les bras. « Après que la planète ait explosé, j'ai passé plus de vingt ans à travailler sous les ordres de Freezer. Pas pour le servir, mais parce que j'attendais l'occasion de me venger de lui. De ce qu'il avait fait à notre race toute entière. » Son regard passa rapidement du côté des gardes, qui, malgré leur pedigree, n'étaient pas bien plus que des spectateurs dans cette situation. « J'ose espérer que depuis le temps, vous avez eu l'occasion d'apprendre que c'était lui qui avait détruit notre planète. » Les avait éradiqués - même si, de toute évidence, ils avaient fini par s'en remettre, aussi inexplicable que ce soit. Ce n'était cependant pas une raison pour excuser les crimes de cet ignoble tyran, bien évidemment. « J'ai sillonné la galaxie pour rassembler le peu qu'il restait de notre espèce, et commencer à prévoir une contre-attaque. Avec la puissance qu'il avait alors, il était nécessaire de mettre toutes les chances de notre côté. »

De par son rôle, Motta était inévitablement rompu à la stratégie militaire. Il devait pouvoir comprendre qu'un tel plan demande du temps à mettre en place, aussi longues que deux décennies puissent paraître. Il n'avait pas droit à l'erreur, pour la bonne et simple raison qu'il serait mort s'il avait échoué, lui et tous ceux qui l'auraient suivi dans cette opération. Rien ne devait être laissé au hasard. Bien sûr, qu'importe ses préparations, rien ne s'était passé comme prévu - mais cela, il n'avait pas besoin de le préciser, fort heureusement. Et concernant la suite... Une nouvelle fois, fort de sa propre roublardise, il choisit d'embellir l'histoire de manière à se placer du bon côté.

« C'est moi qui ai amené jusqu'à lui le premier Super Saiyan de notre époque, sur la planète Namek. » N'était-ce pas parce que Nappa avait massacré sur son ordre les amis de Kakarot que celui-ci s'était rendu si loin, après tout ? Aurait-il jamais quitté la Terre, sans même parler de rencontrer Freezer, s'ils n'étaient pas venus leur rendre visite ? « C'est là que nous l'avons vaincu pour la première fois, avant de le tuer pour de bon lorsqu'il nous a retrouvés et a voulu prendre sa revanche. »

Pour de bon cette fois-là, à tout le moins, puisqu'il avait depuis lors pris la fâcheuse habitude de revenir les hanter occasionnellement - mais c'était néanmoins sa première défaite, à lui et à toute ton armée. Une humiliation comme il n'en avait jamais connu, qui, dans la vie comme dans la mort, ne le quitterait plus jamais. Considérant que cette débâcle - la peur de voir l'histoire se répéter - était probablement la raison pour laquelle il n'avait pas cherché à les exterminer une nouvelle fois, les Saiyans feraient bien d'en être reconnaissants.
Ce n'était pas un mensonge ; les faits étaient vérifiables. Les détails beaucoup moins. Le seul à pouvoir les démentir - et être potentiellement écouté - n'était nul autre que Kakarot lui-même ; et si c'était pour les débarrasser de Broly, il était à peu près sûr que celui-ci serait prêt à corroborer sa version. C'était dans l'intérêt commun ; il avait la conscience tranquille.

« Et puis les combats se sont enchaînés. Je n'ai jamais cessé de me battre. » Il leva le poing pour l'observer - lui et toute la force qu'il avait accumulé au cours des années. Même si une partie n'était plus avec lui pour le moment, il n'oubliait pas pour autant le chemin de croix qu'il avait dû traverser pour arriver là où il en était aujourd'hui. « Cell, Buu... Ce sont peut-être des noms qui vous diront quelque chose. J'ai cru comprendre qu'eux non plus n'étaient plus aussi morts et enterrés qu'ils ont pu l'être. » Il releva les yeux pour dévisager Motta, curieux de ce qu'il pourrait penser de tout ça. Il ne mesurait pas encore à quel point l'information pouvait circuler entre les planètes ; s'il était réellement possible qu'il ait entendu parler de leurs anciens ennemis. En citer les noms ne pouvait pas faire de mal. « Notre planète n'existait plus depuis des années. Je n'avais nulle part où aller. J'ai refait ma vie sur Terre... J'y ai fondé une famille. »

Il n'avait plus de honte à l'admettre - à accepter l'idée qu'il n'était plus l'être cruel et impitoyable d'autrefois. Qu'il avait lui aussi le droit à ce bonheur ordinaire, sans rapport avec l'ignominie des champs de bataille. Que ça ne le rendait pas plus faible ou inférieur d'une quelconque manière, et il mettait quiconque au défi de penser le contraire.

« Et même si je n'avais pas eu cela pour me retenir... La Terre est au centre de toutes les convoitises. Je ne l'ai plus quittée depuis. Il fallait quelqu'un pour la défendre. » Bien sûr, elle avait d'autres protecteurs... Mais ceux-ci étaient loin d'être tous à la hauteur. Son affrontement avec Black l'avait encore prouvé. Kakarot mis à part, qui aurait pu s'opposer à lui ? Il n'était à son sens pas excessif de croire que le simple fait d'être ailleurs ici et maintenant mettait la planète en danger. Son Gohan, Piccolo et les autres, où étaient-ils ? « J'aurais pu venir plus tôt, c'est vrai... Mais après le traquenard préparé par Broly et son père, je me suis méfié de voir ma planète réapparaître sans explication. Je n'allais pas me laisser avoir une deuxième fois. Et avant que j'aie pu chercher à comprendre ce qui s'était passé... J'ai appris que vous aviez élu un nouveau roi. »

Contrarié, il pinça légèrement les lèvres. Même s'il n'était plus aussi arrogant qu'il avait pu l'être, savoir qu'il avait été remplacé lui déplaisait. Il agita la main comme pour balayer le sujet avant que quelqu'un soit tenté de répondre.

« Je ne demande pas d'excuses. Vous n'aviez aucune raison de savoir que j'étais encore en vie ou de chercher à me retrouver. Vous avez fait ce que vous aviez à faire. Et à l'époque, les souverains que vous aviez nommé m'ont paru capable de diriger notre peuple... Du moins tel qu'il était lorsque je l'ai côtoyé pour la dernière fois. Mais maintenant... » Son expression se crispa sous l'effet de l'agacement. « Je sais mieux que quiconque quel genre de monstre est Broly. Il n'a rien à faire sur le trône. Ça ne peut pas bien se terminer. »

Car son « ère » aurait une fin - prématurée, à en juger par sa disparition -, et, fidèle à lui-même, il ne laisserait dans son sillage que mort et désolation. Il les entraînerait tous avec lui, à supposer que ce ne soit pas déjà fait - qu'il ne les ait pas condamnés avant de périr dans les méandres de l'espace.

« Je n'ai rien pu faire pour empêcher que notre peuple soit anéanti la première fois. Je n'étais même pas présent lorsque c'est arrivé, et même si je l'avais été, ça n'aurait fait aucune différence. Pour une raison que j'ignore, cette planète a eu droit à une deuxième chance. Alors, même si je n'ai plus mis les pieds ici depuis des années, même si je ne suis plus rien pour vous, j'estime qu'il en va de ma responsabilité en tant que prince de m'assurer que ça ne se reproduise pas. » Que personne n'essaie une fois encore de les faire disparaître - pas même eux. « Je me moque bien de la couronne, mais je ne le laisserai pas salir tout ce que mes ancêtres se sont évertués à construire. Si vous en êtes réduits à laisser une telle créature vous diriger et que c'est la seule manière de vous convaincre de lui tourner le dos... Je ferai ce que j'ai à faire. »

Motta jouait habilement ses cartes, il fallait le lui accorder.
Non seulement temporisait-il habilement face à ses revendications, mais il le mettait en plus - consciemment ou non - face aux failles dans son raisonnement.
S'il avait vraiment à cœur l'intérêt de ce monde et de tous ses habitants, était-ce en les faisant douter un peu plus de la stabilité du pouvoir qu'il allait arranger quoi que ce soit ? S'il voulait vraiment les aider, ne devrait-il pas être disposé à le faire à quelque niveau que ce soit ?
Dans la mesure du raisonnable, bien sûr ; il était hors de question pour lui d'être considéré comme un simple soldat, mais... Il est vrai que les Saiyans prônaient la force avant tout.

Si la dynastie dont il était issu avait pu rester si longtemps au pouvoir, c'était parce que Vegeta premier du nom - celui-là même d'après lequel la planète était nommée - s'était hissé au sommet à son époque, et que ceux qui l'avaient suivi avaient, génération après génération su s'imposer à leur tour. Sans doute ne leur aurait-on pas accordé la même légitimité s'ils n'avaient pas eu la force de la défendre.
Or, cette ligne de succession avait été brisée. Si son nom et son lignage avaient encore une certaine valeur aux yeux de ses pairs, reprendre le pouvoir maintenant n'aurait pas la même portée que s'il avait directement pris la suite de son père. Et force était d'admettre qu'il n'était pas non plus le mieux renseigné sur ce qu'ils avaient pu vivre depuis leur retour.

Son peuple avait continué d'avancer sans lui. Bien sûr, il pouvait encore se mettre à jour - mais ce n'en étaient pas moins des années de leur histoire qu'il avait manqué. Que sa propre vie sur Terre l'avait empêché de partager.
Et s'il n'échangerait aucunement l'un pour l'autre, il n'en restait pas que cela impactait la crédibilité de ses prétentions. Et s'il s'imaginait - à défaut d'en vouloir lui-même - devoir trouver une personne de confiance à qui confier cette lourde responsabilité après s'être débarrassé de Broly définitivement, la disparition inopinée de ce dernier remettait irrémédiablement son plan en question.

« Je n'ai jamais dit que je comptais la laisser derrière moi. » rectifia le prince. « D'autant qu'il serait fâcheux d'abandonner un héritier dans la nature, tu ne crois pas ? Je retournerai les chercher moi-même s'il le faut, ne t'inquiète pas pour ça. »

Bien sûr, il rechignait à traiter sa femme et son fils comme des pièces dans cette négociation, mais il mesurait avec soin chaque information qu'il daignait lui donner. Il lui avait déjà confié avoir une famille sur une autre planète, ainsi que le fait que celle-ci contenait au moins un fils ; dès lors, il n'était que bien normal de faire valoir son importance. D'autant qu'il doutait que Broly ait quant à lui pu engendrer quoi que ce soit - et si par malheur c'était arrivé, il avait bon espoir que quelqu'un ait eu le réflexe de tuer sa maudite engeance.

Bulma n'allait pas aimer ça.
Certes, la présidente de la Capsule Corporation était habituée à ce que son époux aille et vienne comme bon lui semblait - quand bien même il avait réduit ses déplacements au fil des années, en particulier ceux l'emmenant aussi loin de la Terre. Mais de là à séjourner durablement sur une autre planète, fut-elle sa planète natale... Non, cela n'allait pas lui plaire. Bien sûr, cela ne l'empêcherait pas d'aller au bout de cette nouvelle résolution, mais il lui faudrait trouver la bonne manière de présenter les choses, ou il n'avait pas fini d'en entendre parler.
Enfin, il aurait tout le temps d'y réfléchir avant de devoir lui annoncer.

Certes, il serait beaucoup plus dur de prouver que Trunks était de sang royal, mais il n'en restait pas moins un descendant direct des anciens rois et à ce titre un poids politique, sans même en avoir conscience. Et avec un peu de chance, il n'aurait jamais à le savoir. Vegeta n'avait aucune envie d'impliquer son enfant dans ces jeux de palais qu'il avait lui-même en horreur.
Quant à sa femme... Ce serait une autre affaire. S'il n'y avait certes pas vraiment de notion de « mariage politique » parmi les Saiyans - du moins jusqu'à ce jour -, tous ne verraient peut-être pas d'un très bon œil qu'il se soit accoquiné avec une représentante d'un peuple qu'ils considéreraient comme inférieur.
Après tout, lui-même n'avait pas grande considération pour les terriens, lorsqu'il était venu sur Terre pour la première fois. Et quand bien même elle n'était pas entièrement sans défense, ce n'était pas un endroit pour elle - si fascinant qu'elle pourrait trouver la découverte d'une civilisation extraterrestre, surtout celle qui l'avait vu naître.

Oui, la proposition de Motta était bien pensée. Plutôt que de céder à leurs demandes, il leur proposait une forme d'alliance, qui suggérerait que tout différend qu'ils auraient pu avoir étaient réglé et que le gouvernement en place n'en ressortait que plus fort. De toute évidence, il faisait cela depuis un long moment et savait désamorcer une situation de crise - aussi improbable qu'elle puisse être ; qui aurait parié sur le retour d'un ancien prétendant, sans doute présumé mort depuis longtemps ? Ce genre de vivacité d'esprit était une qualité louable chez un haut gradé, et ne faisait que confirmer qu'à choisir, Vegeta préférerait l'avoir de son côté. Du coin de l'œil, il s'assura qu'Oishi soit toujours disposée à le suivre avant de prendre sa décision.

« À une seule condition. » finit par répondre le prince. « Je refuse catégoriquement de servir Broly de quelque manière que ce soit. La confiance va dans les deux sens, après tout : si tu veux que je travaille avec vous, tu vas devoir admettre devant moi ce qu'il est vraiment advenu de lui. Et que les choses soient bien claires... » Ses poings gantés se serrèrent. « S'il devait encore refaire surface, je le tuerai de mes mains une bonne fois pour toutes. »

Motta n'avait pas l'air totalement convaincu par ses arguments, mais Vegeta ne plierait pas davantage. Il avait déjà fait l'effort de venir jusqu'ici pour les délivrer du tyran qui avait instauré son règne sur leur planète, puisqu'ils n'étaient manifestement pas capables de le faire eux-mêmes.
Mieux encore, il était même prêt à faire la concession de laisser de côté son statut et avec lui ses prétentions au trône - au moins pour le moment. Il avait déjà assez donné dans cette négociation sans accepter quoi que ce soit de plus - d'autant que de telles demandes seraient pour le moins litigieuses.

Sans doute le général en avait-il conscience, ce pourquoi il n'insista pas davantage même s'il n'en pensait pas moins. Peut-être réviserait-il sa position lorsqu'il aurait pu constater que Trunks, malgré son jeune âge, serait certainement capable de décimer l'armée saiyanne par simple jeu et de s'en sortir sans une égratignure.
Quant à Bulma... S'il ne réussissait pas à la dissuader de venir jusqu'ici - lui dire quoi faire n'avait jamais été une très bonne idée ; il avait eu tôt fait de s'en apercevoir au début de leur relation -, son génie technologique serait sans aucun doute d'une aide précieuse pour les remettre au niveau. Oui, le prince savait s'entourer et cela ne se limitait pas à sa nouvelle subalterne, ainsi qu'ils l'apprendraient rapidement.
Pour l'heure, quoi qu'il en soit, ils semblaient être parvenus à un accord - précaire, certes, mais un accord tout de même. Ils verraient bien si celui-ci était véritablement viable à mesure qu'ils géreraient sa réintégration dans les rangs de l'armée. Inutile de dire que s'il voulait qu'il s'en contente, Motta avait tout intérêt à lui proposer un poste à la hauteur de ses compétences ; c'était la moindre des choses après lui avoir demandé de faire abstraction de son sang royal.

Malgré ce consensus, son interlocuteur s'obstinait à n'admettre qu'à demi-mot la disparition de leur souverain - quel que soit le sens qu'il faille donner à ce mot dans le cas présent. Était-ce par pure contradiction, ou croyait-il réellement qu'il y avait encore une chance pour qu'il revienne ? Dans tous les cas, il mettait sa patience à rude épreuve.
Il dut se faire violence pour ne pas insister tandis que Motta leur proposait de poursuivre la discussion ailleurs - sans doute en partie pour éviter que plus de citoyens ne s'aperçoivent de son retour. Après tout, ils étaient toujours en plein ciel au beau milieu d'une zone habitée.

« Passe devant, général. » rétorqua-t-il donc en recroisant les bras, laissant le soin à l'intéressé de prendre la tête du cortège jusqu'à leur destination.

Le prince aurait évidemment pu s'y rendre par ses propres moyens, et les yeux fermés encore bien tant il connaissait le trajet par cœur, mais il n'était pas mesquin au point de chercher à saper son autorité devant ses propres hommes par de tels procédés.
Non ; s'il devait questionner son autorité, ce serait à la force des poings - et ils n'en étaient pas encore là. Néanmoins, alors que tout le monde se mettait en branle, il profita qu'Oishi arrive à son niveau pour lui glisser subrepticement quelques mots :

« Ne relâche pas ta garde. Nous ne sommes pas encore en terrain allié. » Il eut un léger coup de menton en direction de Motta et de ce qui lui tenait lieu de garde rapprochée, déjà trop loin pour les entendre, et déploya son aura pour s'apprêter à les suivre avant qu'ils aient pu se demander pourquoi ils restaient derrière. « Toute cette histoire n'est pas claire. »

Peut-être était-il trop méfiant. Peut-être le général cherchait-il uniquement à lui montrer qu'il n'était pas tenu de lui dire quoi que ce soit s'il n'en avait pas envie - que l'époque de son règne était révolue avant même d'avoir eu lieu, et que sa noblesse ne lui valait aucun avantage à ses yeux.
Mais comme il l'avait dit lui-même, ce ne serait pas la première fois qu'on chercherait à l'attirer dans un guet-apens, et il était trop malin pour laisser l'histoire se répéter. Néanmoins, il restait curieux de voir où tout cela allait les mener, assez pour prendre un risque calculé.

« En route. » conclut-il avant de s'élancer à son tour en direction du château.