Sujet: Il venait de se lancer dans Mr Robot - [SOLO] Ven 26 Aoû 2022 - 14:40
Chaque arcane se base sur la domination de la réalité par l’individu. Le fait de penser pouvoir faire quelque chose jusqu’à en obtenir réellement la capacité. Un placebo absorbé par une seule cellule du cosmocorps et du bio-univers. Chaque exploration revient à faire de la bicyclette côte à côte avec un morceau d’insanité et veiller à ne pas perdre les pédales. Chaque arcanologue, pour ne pas perdre en esprit, vient à concevoir des tactiques plus ou moins toquées afin de manier un tant soi peu son mental mis à rude épreuve durant ces moments de casse. Certains se mettent à narrer leurs aventures à la première personne dans leurs esprits afin de documenter chaque expérience vécue pour pouvoir plus tard trier le vrai du faux, le mirage du réel. D’autres se font des listes de course pour pallier à la graduelle révélation du sublimement monstrueux sous le banal protecteur. Ils réorganisent leurs frigos. Ils se font des puzzles. Des tetris avec des boîtes d'œuf. Ils cuisinent des recettes. Les nouvelles technologies ont amené certains bénéfices : pouvoir regarder une série toutes les deux heures d’étude, un épisode d’une heure faisant barrage à l’infinie folie des mancies en tout genre. Lancer une partie d’un jeu en ligne afin de vomir la frustration accumulée sur des inconnus. Le venin était libérateur.
Camille avait eu le bénéfice de la cécité, et cela venait avec une simplification de cette méthodologie-stique des points de sûreté. Sa rampe d’escalier était malheureusement déplaisante, mais elle était nécessaire. C’était un compromis à faire. Elle était consciente de son surmenage dans le monde des études arcaniques. Les détours et les raccourcis n’étaient pas à critiquer. C’était des moyens d’adapter une épreuve à ses propres capacités.
Cela commençait par un réveil. Un dring. Sept heures trente. Le martèlement d’une paupière sur une autre. Les carillons du petit appareil électronique à reconnaissance vocale. Les vêtements qui étaient empilés sur la chaise à côté. Le slip. Le pantalon. La chemise. Les chaussettes. Les crocs. Les lunettes noires. La canne blanche. Il était impératif de faire un maximum d’efforts sur le rangement et l’organisation des objets nécessités. Descendre l’escalier en spirale. Plonger dans le centre de l’escargot. Un hélix de sanité. Une pincée de normal. Un absolu concentré de simple. L’organisation de chaque instabilité et son entrepôt dans des caisses parfaitement étiquetées. Elle tâtonna jusqu’à la porte de sa boutique et en sortit. Cela faisait deux jours que “fermé” était marqué sur le petit panneau derrière la vitre. Une vitre qui ne pouvait pas être brisée. La porte était fermée à clé. Elle en était sûre et c’était suffisant pour qu’elle le soit.
À huit heures, elle allait prendre le petit déjeuner à l'hôtel d’Alain. Il avait accepté de servir d’ancre durant cette aventure, et il avait loué un hôtel à Satan-City depuis sa propre ville de Dosatz. Il était ici, à présent, et maintenant. Une personne que Camille aimait légitimement bien. Une raison pour laquelle elle faisait tout cela. Un protecteur. Un ami. Un père. Un frère. Tout ce dont elle avait eu besoin jusque-là. Ce serait horrible de ne rien offrir en retour. Inhumain, même. Camille prenait un croissant, une chocolatine, et un verre de chocolat chaud. Elle faisait attention à ne pas toucher au café. Il lui fallait dormir comme une personne normale.
”...Enfin, j’essaie de comprendre ce qu’ils essaient de faire passer comme message. C’est un personnage dépressif, il est, il est solitaire, il est drogué… mais s’ils essaient vraiment de le montrer comme un cassos qui se plaint de pas avoir d’ami, pourquoi ils lui donnent de la teuch au premier épisode ?...”
Il venait de se lancer dans Mr Robot.
”’Fin, tu m’diras, avec son énorme monologue “fuck society” qu’il fait dans sa tête et le fait qu’il baisse les yeux, ça doit être un énorme non-dit. Genre, un “show don’t tell”. Il pleure sur sa solitude alors qu’il pourrait la régler sans faire d’effort.”
Une série prétentieuse sur des maladies mentales. C’était parfait pour lui. Il n’y avait pas à parler. Il pouvait juste entendre sa voix de gravier grincer tendrement dans la cafétéria. Camille n’avait pas de souci à l’écouter parler, parce qu’elle n’avait pas à répondre. Il savait qu’elle ne pouvait regarder aucune série. Et c’était pour cela qu’il pouvait en parler longtemps. Looooongtemps. À loongtemps-gueur de journée.
”Par contre, Christian Slater, là, Mr. Robot. Il me rappelle mon daron, c’est incroyable.”
Mâchant sa chocolatine, Camille ne pouvait s’empêcher de pressentir une touche d’ironie dans ce qu’il disait. Il n’y avait aucune raison à ça. C’était un frisson dans le dos. Une pincée de futur saupoudrée dans son œil.
À dix heures du matin, elle faisait le ménage dans l’appartement au-dessus de sa boutique. Des assiettes mal lavées datant de semaines de superposition avaient traîné là depuis bien trop longtemps. Elle les nettoyait avec les fenêtres ouvertes. La chaleur du soleil se jetait sans vergogne sur sa peau photophobe. Mais les gens normaux se prenaient cette vitamine D sans souci. Alors elle faisait de même. Un lieu sain. Un lieu propre. Elle ne se laissait pas attrapcapturer par le méandre de l’hyperfixette.
À midi, il lui fallait manger à nouveau. Elle était de retour à la cafétéria. Elle était à nouveau en train de parler avec Alain. Cette fois-ci, c’était des frites avec un steak haché. Elle les mangeait avec les doigts, mais la viande était maniée avec des fourchettes. Bien sûr. Elle ne portait pas de gants. Elle laissait le tactile se faire à nouveau. Le sel dégringolait entre ses rides digitales. Le tampon et timbre du gras et du vite cuit.
”...Et là, il est seul, face à face avec ce stoner cinglé. Ils sont assis en train de se parler, et je te jure, au moment où il commence à déblatérer ses conneries, j’ai eu envie de le frapper. J’ai eu envie tellement fort de lui casser la gueule. Les gens qui font les philosophes pour excuser leurs crimes, ça m’attrappe le coeur. Je sais qu’il doit genre n’être que… que le boss de la saison 1, mais qu’est-ce qu’il me tarde qu’il crève, ce mec…”
Quelque chose lui chuchotait qu’il allait être déçu dans cinq épisodes.
”En soit, ça doit surtout dire que le scénariste est bon. Il me fait détester un perso qui est fait pour être détesté, c’est son objectif qui est réussi, tout ça. Il était à ça de parler de nihilisme, j’en suis sûr !... Fin bref, quand il part, l’autre ouvre enfin la porte et -”
À quatorze heures commence l’arpention des groupes de soutien. Il y en a toujours un actif à Satan-City quelque part dans la ville. Alain avait une voiture. Il était donc apte à la conduire d’une extrémité à l’autre de la mégamétromégalopole. Camille ne faisait qu’attendre dans la voiture, puis elle attendait sur les sièges. C’était un moyen facile de se connecter aux autres êtres humains. Les entendre pleurer sur leurs problèmes. Groupe des survivants de guerre. Groupe des survivants de l’inceste. Groupe de soutien pour les cancers des testicules. Groupe de soutien pour les cancers du sein. Groupe de soutien pour les cancers. Survivants, mourants, addicts, rescapés, violés, tabassés, mains qui tremblent, voix qui craquent, regards vagues, tap-tap sur les chaises, toc-toc dans les têtes, et TOC dans les rangements. Des récits où Camille voyait les sous-entendus. L’un des agresseurs était déguisé en clown, l’autre en femme, l’autre en mère, l’autre en père. Parfois Alain pleurait en les écoutant. Camille ne faisait qu’écouter. Il y avait beaucoup d’intéressence dans ces groupes.
À seize heures, elle passait le balai dans la boutique. La poussière se devait de ne pas se tartiner sur le sol. Alors elle l’enlevait et laissait l’arme de la sorcière pousser cette saleté loin, loin, très loin d’ici.
À dix-huit heures, dîner avec Alain. Ils faisaient tous leurs repas ensemble. C’était préférable. C’était sa troisième dose de contact humain connu dans la journée. C’était quelqu’un qu’elle appréciait. C’était suffisant.
”...et il le tabasse ! Il tabasse ce SDF ! Payer un SDF pour pouvoir lui casser la gueule, mais putain, quel cinglé. Mais, très intéressant, en vrai. Très captivant comme personnage. Très très American Psycho dans les faits. Un yuppie qui a un besoin compulsif de faire du mal aux autres pour se calmer.”
Camille mangeait du riz cantonais. C’était suffisamment vide d’intérêt pour servir d’accroche au réel. Elle l’écoutait parler. Il savait qu’elle n’avait pas besoin d’hocher de la tête pour dire qu’elle l’écoutait.
”Et au final, vu qu’il le paye et que l’autre est d’accord, c’est consenti. C’est un tabassage consenti. Et le spectateur normalise ça dans sa tête, vu que c’est deux adultes consentants. C’est qu’au moment où le clodo lui dit d’arrêter et que l’autre continue que ça devient troublant.”
Elle n’était pas particulièrement motivée à comparer des points de vue sur la question. Elle était simplement contente de l’écouter.
”Le relativisme moral, quoi. Putain de suédois… Oui, parce qu’il est suédois ! Et -”
Vingt heures. Il était temps de dormir. C’était la meilleure heure de la journée. Le compromis s’arrêtait. Chaque cicatrice était une porte vers le passé. Chaque rêve était constitué de souvenirs et d’expérience. Le couloir mnémosyne était le couloir qui permettait tous les voyages. Plus de chemise. Plus de pantalon. Plus de slip. Plus de lunettes. Seulement un haut de pyjama et un bas de pyjama. Un brossage de dents pour ne pas les perdre. La mise des gants en plastique. La prise de la boule d’ombre du bocal où les restes du gigantolupus figuraient. Tout ce qui restait de la diabolythe figurait dans un bocal en verre. C’était parfait. C’était isolé. Camille la prit dans ses mains gantées et se posa dos contre le matelas. Après avoir accumulé suffisamment de normal et de barbant, elle pouvait à nouveau se lancer dans ses études.
Ses yeux se fermèrent, et le monde disparut.
Camille Iregalin
Terrien
Age : 24 Date d'inscription : 14/03/2021 Nombre de messages : 65Bon ou mauvais ? : Très très bon Rang : -
Sujet: Re: Il venait de se lancer dans Mr Robot - [SOLO] Mar 30 Aoû 2022 - 2:00
La boucle se boucle et recommence. La boucle est bouclée. Le début de boucle n’est pas une boucle. La boucle se boucle se boucle se boucle se boucle se boucle. La
Il était nécessaire de reprendre une dose de banal. Il était nécessaire de reprendre le rythme. Il était nécessaire de reprendre de l’ennui. Du normal. De la vitamine D. Du soleil. Du soleil. Du soleil. Du soleil. Non. Encore des lapsus. Encore des relapsus. Des chutes et des rechutes. Il était clair pour Camille que son cerveau avait à s’habituer. Le chien n’était pas raisonnable. Elle s’en était certifié. Il ne restait que de la haine. De la jalousie. De la violence. Comme un doberman mal attaché devant le supermarché. Un rottweiler. Un clébard ayant vécu dans la violence et trop clébardibule pour ranger ses crocs dans son armoire et passer à autre chose. Camile avait été sa seule chance. Il n’en fut rien. Pas de chance. Que de la folie. Que de la rage. Que des crocs. Que du sang. Une mâchoire ouverte pendouillante pendouillée bientôt pendue par la nuque et les pieds. Flûte. Les méandres du foufou loulou tentaient de folifier son esprit. Ce n’était aucunement pratique ni pour ses neurones ni pour la survie de son invité.
”J’ai jamais compris pourquoi les auteurs essaient de faire peur en mélangeant des mots qui ont aucun sens. Ça touche qui à ton avis ? Il est sur son fauteuil, à se prendre une injection d’héroïne, et il se met à bougonner des trucs qui ont aucun sens. Est-ce qu’il est tombé si bas, quel jour il est, et puis des trucs de plus en plus bizarres comme “dans l’argent nous croyons”, des trucs habituels…”
C’était difficile de savoir si Alain le savait ou le voyait, s’il l’ignorait par professionnalisme et connaissance ou bien parce qu’il tombait lui aussi dans les méandres de l’oculomancie, si Sénior était en train de lui cacher la vue ou pas. On était de nouveau dans la cafétéria. Il y a des coups qui se donnent et des coups qui se prennent. Quatre cent au total. Des gouttes gouttaient dans le café, du goût goûtait le café. Il y avait un goût différent. Qui pique. Qui pique. Qui pique. Freezer venait de revivre. Sauce piquante. Piquante pour le coeur. Piquant pour le cerveau. Piquant.
”Maman, pourquoi la dame elle saigne de la joue ?”
C’était bon. L’illusion était cassée. L’hémorragie se faisait sentir. L’hémoglobine gambadait librement maintenant. Plus d’illusion. Il y avait une erreur qui avait été faite. Par qui ? Par elle. Probablement. Sûrement. Il y avait des yeux mortels et ignorants qui avaient été posés sur elle. Ce qui n’était pas visible par les non-Mondigliens pouvait simultanément se produire et ne pas se produire. Ne pas se produire du tout, parfois. Refuser la logique. Refuser les dégâts. Refuser par l’ignorance forcée. Refuser par la double pensée. Refuser parce qu’on ne sait pas. Ce n’était plus possible. Ce n’était plus possible parce qu’un témoin était là. Un oeil innocent. Un oeil naïf. Des couverts qui se fracassent.
”TU VAS LA FERMER SALE GOSSE DE MERDE ??”
Il y a du sang dans les dents. Sa joue était arrachée. Des artères étaient ouvertes. Elle allait bientôt mourir. À cause de l’enfant. Alain va les nonvivre. Alain va les maracassacrer. Sénior va les massacrer. La cafétéria. Entièrement. Il y a des gens qui crient. Il y a des gens qui paniquent. Il y a des gens qui questionnent. Il y a des gens qui ne comprennent pas. Il y a des coups qui se lancent. Il y a des coups qui touchent. Il y a des gorges qui se tranchent. Il y a des fourchettes qui s’envolent. Il y a un schizophrène avec un passé de militaire qui joue de sa pelle aiguisée sur des civils. Il y a des morts. Des morts inutiles. Des morts illogiques. Une erreur. Une erreur. Encore une erreur. encore une erreur encore une erreur encore une erreur.
”Je suis en train de vivre un cauchemar.”
De retour. Face à face. Mains sur la table. Une horloge fait tic-tac. Mais ce n’est pas une horloge. C’est du sang qui goutte. Camille ne pourrait pas faire une erreur aussi stupide. Mais un sale clébard pourrait. Mains sur la table. La cafétéria à nouveau. Le bruit de la cafétéria.
”Honnêtement, à quoi pense-t-il dans cette scène ? Slater, là, je veux dire. Est-ce qu’il est con à ce point ?”
Rembobinons.
”Honnêtement, à quoi pense-t-il dans cette scène ? Demigra, là, je veux dire. Est-ce qu’il est con à ce point ?”
Continue.
”Ou bien, Canis Demigrus, qu’importe son nom. Il me simplifie. Il touche juste mes crises de colère. Des crises de colère de quand t’avais huit ans, en plus. C’est nul.”
Oui, je suis d’accord.
”Tu comptes faire quoi, sinon, Mimille ? Pour t’en sortir ?”
Si je suis encore dans mon subconscient, et qu’il l’utilise pour me manipuler, je n’ai aucune raison de te faire confiance.
”... C’est vrai, tu as raison. C’est malin, d’ailleurs. Très malin.”
Merci. Je fais de mon mieux.
”Je dirais pas de ton mieux. Pas perdre les pédales, moi je fais de mon mieux. Toi tu le fais les mains dans les poches.”
J’ai pas le sentiment de bien gérer la folie, pour l’instant. Je parle avec une illusion de mon frère dans un rêve placé dans une partie de mon cerveau qui n’est utilisée que pour faire le constat de ce qui m’entoure et de mes intentions. Parfois il y a des visions de la vie des autres qui y circulent.
”Tu devrais faire un constat de ce qui s’est passé à moi, alors.”
Très bien.
”À voix haute, Mimille. Je te le conseille.”
”Oui. Tu as raison.”
”Depuis le début.”
”Le début ? Depuis hier ?”
”Non - Si ! Enfin, plutôt depuis que tu te sois endormi.“
”... D’accord…
Je me suis endormi. J’ai pris la sphère noire dans mes mains. J’ai dormi d’une clairière. Rêvé, je veux dire, d’une clairière. Le loup de Demigra était au milieu. Il dormait. Il ronflait. J’ai rêvé qu’il y avait du sommeil pour qu’il se réveille naturellement. J’ai rêvé qu’il pouvait parler afin que nous ayons une discussion civile.”
”Et là, il t’a mordu ?“
”C’est exact.”
”Tu sais pourquoi il t’as mordu ?“
”Parce qu’il n’y avait rien en dessous en dehors de haine et de rage. Ce n’était rien d’autre qu’un animal. Un barbare. Une parodie d’émotion. J’ai cru qu’il y avait quelque chose à décortiquer. Un esprit, dans tout ça. J’ai vu des visions, un passé.”
”Une hallucination sympathique ?“
”Non. C’était direct. C’était une vision. Je l’ai fait vivre à une tulpa, évidement. Je n’allais pas y risquer mon vide.”
”Bien sûr.“
”Il semblait avoir tenté de communiquer. Mais au final ce n’était qu’une excuse pour son état. Une douleur sans désir de guérir.”
”Les pires, ça… Mais il t’a eu, au final.“
”Oui. Je suis en train de pisser le sang sur mon coussin, là. Normalement. On dirait que je m’en suis rendu compte avant de m’exsanguiner.”
”Heureusement.“
”Je pense que je vais juste me réveiller et me soigner avant de mourir. C’est tout ce que je vais faire. C’est pas possible de raisonner avec ce Demigra. Ou ce qu’il en reste.”
”Mm-mmh… Et qu’est-ce que tu vas donc en faire du gros loup dans la pierre ?”
”Dois-je le dire à haute voix ? Ou dois-je te rappeler que je ne te fais techniquement pas confiance ?”
Sourire.
”C’est un clébard enragé. Je vais l’abattre, bien sûr.”
Camille Iregalin
Terrien
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Sujet: Re: Il venait de se lancer dans Mr Robot - [SOLO] Dim 4 Sep 2022 - 22:46
Réalité. Réalité. Réalité. Dans “réalité”, il y a lit. C’est une bonne base. “Allitération”. Il y a aussi lit dans allitération. Littérature. Pissenlit. Tellement de lits. Il était impératif de s’en servir comme moyen de reconcentrer toute particule de neurone qui puisse divaguer comme canoë sans laisse. Camille était coincé dans un cauchemar. Alain n’était pas là. Il lui fallait impérativement sortir de ce même cauchemar avant que la plaie béante dans sa joue ne l’amène à mourir par exsanguination sans consentement. Il lui fallait se rendre compte qu’elle dormait, et cesser donc de dormir. Dans les rêves, le temps ne se déroule pas de façon différente. Cependant, les événements sont entrecoupés et perçus comme tels. Le temps passé n’avait aucune importance aux yeux de ceux qui se retrouvaient à un point spécifique de toute chronologie. Les oculomanciens les plus performants étaient capables de vieillir et de rajeunir à souhait. Ils n’avaient qu’à se convaincre d’appartenir à un certain âge. Une gérontomancie, entre autres.
Camille n’avait qu’à se convaincre d’être réveillée. Elle n’avait qu’à l’être pour l’être. Elle n’avait pas à prétendre de ne pas y être habituée. Dormir et se réveiller était une étape omniprésente de sa pratique. Deux heures, chaque nuit, pour effectuer la majorité de son travail. Le reste de son temps libre était concentre-cerné sur le travail de la réa-lit-é. Son corps n’avait pas besoin de se reposer. Son corps n’avait pas besoin de vitamines D. Son corps n’avait pas besoin de quoi que ce soit d’autre hormis ce qui lui permettait d’être basiquement fonctionnel. Fonctionnel. Fonction de l’ouverture des paupières. Fonction de l’ouverture des paupières. Fonction de.
”Nnnnnggggrrrh…”
Elle était évéillée. Et vivante. Et baignant dans son sang. Sa couche avait absorbé tellement d’hémoglobine que l’on pouvait sentir le fer. Une erreur inacceptable. Ce n’était pas la qualité qui l’avait défini jusque là. Une maîtrise de démons tous autant qu’ils soient. Non, sa principale erreur avait été de faire preuve d’empathie. Elle avait preuve de sympathie. Elle avait tenté de dialoguer avec le gigantolupus, et sa langue se fit protéger par sa joue. Vivante, elle n’eut pas de difficulté à continuer de survivre. Elle n’avait qu’à pas toucher sa joue manquante de sa langue ou de ses dents, et cette même joue cesserait de saigner. Car, après tout, elle était toujours présente. Et, reconnaissant qu’elle était toujours présente, le corps fit passer le sang comme si rien ne s’était produit. Cela n’était pas à expliquer. Cela se faisait, tout simplement. La solitude le lui permettait.
Il n’y avait pas d’yeux dans cette maison. Il n’y avait qu’un loup qui avait refusé toute offrande de paix. Dans la brise parcourant la manche, les dernières cendres de Riju s’éparpillaient sur l’eau et s’apprêtaient à nourrir les globuleux et insatiables poissons. Sous les feuilles d’un arbre, celles de Yiraephae servaient de lit à nourrir les champignons et autres parasites afin de commémorer son héritage de grain de sable dans les rouages d’un bon fonctionnement. Criant, hurlant, chouinant de peur, Koichi était en train de parcourir son propre enfer personnel, cherchant désespérément la sortie. Emmitouflé dans l’éternelle protection de sa montre, Ben Tennyson avait perdu toute conscience, tout désir de faire quoi que ce soit, à jamais protégé, à jamais inactif. Dans le reflet froid de ses yeux cybernétiques, C-17 voyait encore les terribles images se produire et se reproduire, affrontant par sa phlegme toute tentative de traumatisme.
Il y a douze petits indiens qui sont morts quelque part dans le monde. Il y en a beaucoup qui se sont relevés. Il y en a tout autant qui sont redescendus sous terre. Camille avait rangé son sourire dans sa poche. Elle n’en avait plus d’utilité. Elle préférait devenir barbare. Le toutou devait bien le comprendre. Ses instincts stupides de survie n’avait fait qu’attirer la frustration et l’impatience de la dernière qui avait daigné tenter de communiquer. Et communication il y eut communada. Commu ça - comme ça. La chaleur avait quitté l’esprit de Camille. Il n’y eut que du froid. Les terreurs des coins de l'œil la craignait. Les horreurs dans les murs la craignait. Il y avait eu beaucoup de sacrifices, et ces sacrifices ne menèrent à rien. Tenant la sphère de noirceur dans sa main gauche, elle n’eut que des paroles dédaigneuses à rappeler.
”Un chien qui ne peut être discipliné se doit d’être abattu.”
Des minutes passèrent. Le sang venant d’une plaie mystérieuse et non-identifié fut absorbé dans des serpillères, et les serpillères furent pressées au-dessus de bols et les bols furent versés dans une marmite. L’hémoglobine bobine se laissa tomber. Dans un mortier, la boule de noirceur fut écrasée. Invincible ou immortelle, si elle prétendait l’être, il n’y eut aucune raison de respecter. Mérité. Dans la méritocratie de Camille Iregalin, le chien se faisait marteler jusqu’à devenir poudre. Les hurlements devinrent miel. La souffrance et la rage, emmagasinée depuis plusieurs années, devinrent simple poussée. Une pulsion. Un concentré ferme de pulsions sans objectifs. De bête enragée, il devint carburant. Le contenu visqueux de la boule de noirceur fut versé dans la marmite.
Camille alla au sous-sol. Les horreurs s’écartèrent. Les cauchemars en chaînes grincèrent comme sa porte. Les terreurs nocturnes se mirent à prier. Pas un autre test. Pas une autre expérience. Camille les ignora. Ces bêtes étaient si brisées qu’elle pouvait stocker quelques babioles à leur côté. Imprégner de frayeur et d’irréel ces artefacts sans utilité servait à les préparer pour être des récipients de quoi que ce soit. C’était plus facile de manier l’arcanique après avoir sû où il avait traîné et ce qui l’avait rencontré. Elle en sortit une visière taillée comme un ophanim. Cela lui suffirait.
Chaque couleur avait son sens. Chaque couleur avec ses caravagistes. Chaque caravagistes avait ses titiens. Chaque titiens avait ses mondigliens. Chaque couleur avait son objectif. Chaque couleur avait sa représentation. La pulsion deviendrait autre chose. Sans vision, elle ne pouvait pas peindre. Alors elle peint. Elle imagina son sang être bleu et celui du loup être rouge. Ainsi, cela deviendrait violet. Le mélange dans la marmite servait à être peint. Et elle peignit. Elle recouvrir chaque oeil de violet. Et quand elle les recouvrir tous, elle en imagina d’autres. Encore et encore et encore et encore. Des yeux la suivrait.
Et quand elle finit de peindre, elle mit la couronne autour de son visage.
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