Ce qui était bien avec Dösatz, c’était le manque de backgrounds checks.
Shemesh s’était ramenée pleines de sueur froides dans une boutique de fringues dans une robe d'hôpital tachée de sang et de poussière suivant sa galipette, le même genre de robes qui couvrent absolument que dalle et qui servent vaguement à permettre aux vieilles de se balader dans un hôpital sans montrer leurs nénés flétris qui pendouillaient comme des cloches à vaches. Elle s’était ramenée comme une crackhead à walp, sous suffisamment de morphine pour calmer un éléphant, tenant sous une épaule qu’elle avait remise en place comme une barbare une boîte à chaussure contenant des pierres précieuses et des restes d’appareil électroniques… et la proprio lui vendit ce qu’elle avait à vendre sans rien checker, tant qu’elle avait la thune. M’enfin, Dösatz était pile à côté d’Héra, ce qui voulait dire que toutes les esclaves des hérams avaient droit à un relooking facile sans questions derrière. C’était aussi sans compter que la patronne avait des lèvres violettes prononcées et des cornes sur son crâne, ce qui était sans rappeler qu’il y avait littéralement des succubes qui se baladaient tranquillement sur la planète verte.
Shemesh passa donc une bonne demi-heure à se trouver des vêtements qui étaient pas trop chers, adaptés à un possible besoin de fuir des autorités qui l’auraient suivi depuis la terre et… bon, qui la mettaient un peu en valeur, on va dire, quoi, mais ça c’était un truc de fille. Elle s’acheta donc une tracksuit complète qui était peut-être un peu trop serrée au niveau des cuisses, mais sans que ça la gène particulièrement. Une autre demi-heure fut ensuite passée dans les chiottes en train de
faire le point sur sa situation actuelle
, se
remémorer son tabassage et son expérience de presque mort
, et
l’existentialisme causé par le sentiment d’injustice de s’être fait massacrée pour les crimes d’une autre
. Elle avait gratté sur les murs, elle s’était pris la tête entre les mains, elle avait hurlé toute seule, elle s’était calmée avant de se laver le visage à l’eau froide avant de grimacer devant le miroir pour repartir dans une crise de pleurs à la vue de l’état pitoyable dans lequel elle était, et toute une combinaison de “pourquoi moi” s’entremêlant à des “je le mérite c’est pas possible” pour créer une parfaite crise d’anxiété qui se termina par un énorme phase out devant le miroir. Le point final à toute angoisse solitaire. Un soufflement de nez suivi d’un sourire en coin et la réalisation qu’au moins, putain, elle était mignonne.
Le deuxième stop fut une station de Canopic. Ne voulant pas se faire remarquer quand bien même son père avait littéralement fondé le conglomérat dont elle cherchait à employer les services, elle fit la queue, comme tout le monde. Le temps passa plutôt vite, quand on réflechissant au taux incroyable de violence qui avait été vécue dans les dernières vingt-quatre heures… Ou du moins, vingt-quatre heures perçues. Elle s’était faite éclater au sol, gargouillant son sang avec ses dents et son vomi, mordant la chair de son agresseur par instinct de survie. Puis elle avait chialé devant un mec pour le convaincre de ne pas la buter. Puis elle s’était faite éclater l'œsophage. Puis elle s’était réveillée dans un hôpital. Puis elle avait sauté par la fenêtre. La morphine n’avait toujours pas disparu hors de son système sanguin. Elle devait s’empêcher consciemment de baver alors qu’elle avançait dans la queue. Elle s’habituait aussi à porter des chaussures autour de ses pieds disproportionnés de kanasienne. C’était ça, le tournant de sa vie ? Putain…
Salut Papa, tout va bien, j’me suis pris un accident en voyageant sur une autre planète, l’obélisque est complètement pété, voilà la boîte de données du véhicule, voilà ma couronne, voilà une gemme qu’un autochtone m’a donné sur terre, bla bla bla, tout va bien, je suis sur Dösatz maintenant, j’ai toujours ma carte banquaire sur moi je peux me payer tout ce dont j’ai besoin, bla bla bla, ne demande pas trop d’informations par pitié. Elle avait suffisamment de reconstruction mentale à se faire, là. Elle n’avait aucune idée de par quoi commencer.
Alors elle tituba jusqu’au parc avant de s’acheter un hot dog.