Changement de Corbillon Fait Trouver le Pain Bon (PV/ Babel)

Babel avait commencé à travailler sur les demandes de Scalio. Machiavélique, il avait efficacement entamé le projet Gamergate. Mais qu’était-ce que le projet Gamergate ? Avec un nom suffisamment rigolo qu’il avait trouvé en ligne et dont il ne connaissait pas véritablement la signification, notre diable adoré était parfaitement capable de créer un plan sur une durée moyenne mais suffisamment impactante. En effet, le problème journalistique n’était pas à censurer, mais à endiguer. L’idée n’était pas de cacher l’information plus ou moins vraie par l’extermination mais par le surplus. Entre autres, c’était en créant plus de journaux qu’il parviendrait à neutraliser les journaux. Tenter de simplement cacher quelque chose ne ferait qu’attirer l’attention dessus. Ce serait comme essayer de déblayer du sable qui ne ferait que s’incruster et se propager sur plus de surface. Une sorte de sable sauvage, en quelque sorte… Un “stray sand” effect… Il trouverait peut-être un meilleur nom.

Le procédé ne s’arrêtait pas à la création d’autres journaux. En effet, il fallait ensuite leur donner un script, un filet pour pêcher le maximum de poissons en même temps. Utilisant le nec plus ultra de la technologie virtuelle récoltée sur ce qui restait du Ruban Rouge, il parvint - ou du moins, ses sbires parvinrent - à mettre au point un algorithme récoltant le plus de mots-clés possibles sur les divers problèmes de la population humaine, ou du moins, de la population d’internet. Ainsi, les riches et les isolés se créant des problèmes qui, semblait-il aux yeux de l’incessant réincarnateur, étaient mineurs par rapport à ceux du reste de l’univers, furent mis à l’avant. Des problèmes que Babel ne comprenait pas forcément, mais des problèmes sociaux qui ne valaient rien face aux manipulations dans l’ombre du nouveau boss du Baron. Récoltant ainsi le plus d’information sans importance possible, allant de compliments non-désirés dans la rue à des identités autre que garçon ou fille, Babel amassait ainsi une véritable masse de données de soucis, de plaintes et de grognements.

Venait ensuite le reste du plan. Les nouveaux journaux recrutaient les plus indésirables, égocentriques et socialement inaptes membres de la catégorie des perpétuellement indignés, ayant une complète maîtrise de la verve plaintive, avant de les diriger vers des claviers et de recalibrer le reste des réseaux sociaux dans leur direction. Entre autres, il donnait une plateforme à des gens qui parlaient sans avoir quoi que ce soit à dire, et créait plus qu’un flot, mais un véritable tsunami constant de mots qui tapaient à l'œil, de problèmes inutiles à régler le plus vite possible. Scalio ne devenait pas critiquable pour sa poigne sur le gouvernement, mais sur le fait qu’il n’avait pas suffisamment de femmes dans sa troupe, ou bien de Nameks, ou bien d'handicapés. Il n’était à présent qu’une combinaison de mots qui faisaient des débats inutiles sur ce qu’il devait faire, et chaque action qu’il pouvait entamer serait tranquillement camouflée dans la masse de faits et gestes inutiles et parfois faux. Plus encore, ces mêmes incompétents admis au micro balançaient des informations qui étaient parfois volontairement incorrectes sur le passé de la Terre, changeant l’Histoire sans vraiment la changer. Narumi Karuzaki se trouvait excusée de ses actes au sein des Black Feathers, et sa condition de femme battue ou battante était bien plus mise à l’avant.

Mais la vérité restait-elle accessible ? Oui. Bien sûr que oui. Babel était fair-play. Il devait offrir au monde la possibilité de se rendre compte de ce qu’il se passait. Chacun était libre de se renseigner et de tenter d’obtenir le savoir offert dans les bibliothèques réelles et virtuelles. Le flot incessant de trivialité sur les célébrités était contournable pour celui qui s’en donnait les moyens. Le pouvoir de s’instruire et de se battre pour ses idéaux était toujours disponible, simplement caché par des algorithmes qui ne feraient que pousser la masse vers ce qu’elle pense déjà être vraie, et ce qu’elle pense être complètement faux, de la matière à s’offusquer. Mais chacun pouvait briser cette barrière. Des héros qui protègeraient leurs idéaux dans le cadre de la loi, ou bien en dehors. Ils trouveraient le savoir, et l’absorberaient comme une pilule ouvrant un troisième œil… Une pilule qui, pour taper à l’oeil, serait probablement de couleur rouge.

Babel ne censurait pas de contenu, il ne faisait que créer du contexte.


Et aujourd’hui, il avait droit à des vacances.

D’un coup de pied faisant s’ouvrir les portes d’un bouybouy japonais qu’il venait de voir sur son chemin - coup de pied qui dans une autre chronologie était en train d’entrer dans le ventre d’Oishi au même moment - le maître du mal au rictus ravageur et luminescent venait de faire son apparition au sein du grand public pour la première fois depuis qu’il avait ennuyé la rose Kitsune - un rappel, cher lecteur, d’aller faire vos dons au temple de l’Okami pour que la connaissance et la bienveillance des gnoses soit sur vous. Joignant lentement ses talons ensemble, regroupant ses pieds après son kick magistral annonçant l’entrée du voleur de scène, il regarda, sourcil invisible fortement relevé, l’entièreté des consommateurs.

En vérité, ce qui constituait la raison de sa présence ici était également la détection d’une énergie maléfique, dont il avait fait la connaissance à l’aide de son maléfico-indentifio-matique, qu’il avait conçu à la base pour prévenir Scalio de possibles élans bizarre d’activité des Black Feathers qui faisaient profil bas depuis bientôt des années, si ce n’était pas les mélodramatiques Okami et Karuzaki qui pouvaient à tout moment décider de faire un peu de trolling, comme disent quelques jeunes. Mais c’était une autre personnalité démoniaque qui se présentait en ce lieu, mais laquelle pouvait-ce bien être ? Quelques serveurs avec des histoires sur le corps et le visage se démarquaient par rapport aux clients qui avaient des vêtements plus ou moins riches pour leur aventure plus ou moins régulière dans un restaurant légèrement exotique, aussi exotique que pouvaient l’être différentes cultures terriennes quand les extraterrestres existaient. Et quand l’un d’entre eux se rapprocha de lui avec une certaine méfiance quant à son allure pour lui demander ce qu’il voulait, Babel releva dramatiquement le doigt dans sa direction avant de lentement tourner la tête…

”Je verrais… quand j’aurais lu le menu…”

Laissant le serveur cligner des yeux par confusion, Babel avait repéré sa cible, la seule qui s’habillait avec suffisamment d’excentrisme et de ridicule pour avoir l’air d’un personnage important. Son design tout comme sa table indiquait un style gothique qui était absolument inapte à se fondre au reste du décor, comme les dalles qui bougeraient sur des backgrounds de vieux dessins animés. Ni une, ni deux, il releva les bras vers la droite, relevant son genou, avant de s’élancer dans un sprint et de sauter après quelques pas. Des portails s’ouvrirent alors desquels sortirent quelques démoniaques Sycophantes comiquement petit et larges, sur lesquels Babel marcha comme s’ils n’étaient que de vulgaires plateformes et qui se désintégrèrent avant de renverser des tables ou d’offrir plus de malheurs que nécessaire aux clients. Terminant alors sa course, il pointa le coude vers le sol et posa sa main dans sa paume, atterissant directement pointe contre la table sans la renverser aucunement, ayant l’air inutilement décontracté, les jambes croisées et sans aucune chaise pour le maintenir, étant assis sur du vide. Lentement et maladroitement, grinçant contre le sol, une chaise fut tirée par du nylon difficilement caché jusqu’à prendre place sous le postérieur de Babel qui n’avait pas arrêté de faire un sourire niais du début à la fin.

”Helloooo, on fait du tourisme ?”

Il se redressa alors avant de dégainer le menu, l’ouvrant d’un simple revers du poignet après avoir pris le papier entre son pouce et son index.

”Mmmh, ils vendent quoi ici, en vrai ?”

Il remit la liste des aliments sous format de feuille plastique contre la table en se tapant le front à côté de la corne, se rappelant qu’il faisait face à quelqu’un, quand bien même il n’avait pas plus de projet que ça. Il lui tendit alors cette même main.

”Pardon ! Je ne me suis pas présenté, moi, c’est Mars Babel !”

Regardant à nouveau la feuille, il se gratta l’arrière de la tête.

”Et… je ne sais pas quoi prendre. Tu penses prendre quoi, toi ? Je pense que je vais juste m’adapter sur toi.”

Quand bien même il improvisait au fur et à mesure, il n’y avait aucun doute pour le lecteur habitué aux aventures du Baron qu’il était en train de tester l’eau du bout du pied. Qu’était-ce que cette demoiselle aux vêtements digne d’un coupable du jeu avec des avocats qui se pointent du doigt ? Pouvait-elle être de confiance sur la planète qui avait déjà tant souffert des aléas de démons venu d’ailleurs ? Ce genre de réponses seraient atteintes au prochain post, très certainement.

”Comment trouves-tu la Terre, jusque-là, d’ailleurs ?”

À quoi Babel faisait-il donc face ? Il pouvait sentir le parfum démoniaque à des démoniaques, mais en dehors de la couleur de son nom que seuls ses yeux de jade pouvaient voir, qu’y avait-il de plus à cet individu si singulièrement démarqué des autres. En vérité, il pouvait croire faire face à une poupée de chiffon ayant obtenu par des moyens bien entendu loins d’être réalistes. Une poupée magique qui lui parlait, peut-être ? Cela expliquait le manque absolu de chair sur sa peau, par exemple, voyant ses petites brindilles de bras remonter jusqu’à son menton pour que ce dernier puisse se poser dessus, contrastés par les muscles comiquement larges du petit Babel. La pâleur de son être. Le nombre ridicule d’accessoires qui composaient sa robe qui étaient si nettoyée qu’on la croirait sortie d’un musée à jouets et ses cheveux peignés par la gentillesse d’une petite fille. En prenant la poupée et l’élargissant pour passer de 360 à 1080p (Babel ne savait pas où il allait avec cette métaphore car c’était ses sbires qui faisaient les montages vidéos pour lui), cette dernière pouvait obtenir une taille humaine, et ainsi séjourner parmi les acteurs du théâtre vous faisant face, chers lecteurs, et non la rue Sésame ou la petite boîte de Guignol (quand bien même Babel était fan des Muppets).

Tandis que la théorique figurine au sourire adorable répondait au positif à la première question de Babel, ce dernier était occupé à se prendre des coups face à Oishi en parallèle tout en réfléchissant à comment faire de la publicité pour le temple d’Inari (que vous devriez visiter, d’ailleurs). Revenant dans le présent, il fit un hochement de tête avec un fin sourire et des yeux mi-clos quand l’autre avoua qu’elle ne connaissait tout simplement rien au patrimoine de la planète bleue. Elle allait se permettre de tout essayer, hein.

”Ah, va falloir profiter, on est encore en train de sortir d’un cataclysme et probablement entre deux guerres. Tout ce que tu visiteras sera peut-être éphémère. Et c’est pour ça qu’il sera précieux !”

Il se rendit compte quand cette dernière laissa retomber ses bras le long du corps qu’elle portait une cravate par dessus un col si plein de duvet qu’il semblait être une fraise. La simplicité de son visage comparée au reste de son attirail semblait donner de plus en plus de crédence à sa théorie. Il eut une pensée compatissante pour l’animateur qui se devait de reproduire chaque détail à chaque fois qu’elle bougeait les bras. Elle s’appellait Luka Weißertod, avec cet espèce de double S d’une langue qui n’était que peu parlée dans cet univers - Mais c’était surtout “Luka” qui l’interpella. Plutôt masculin, comme nom. Faisait-il face à une nana au prénom masculin ou un garçon s’habillant en fille ? Cela pouvait également expliquer la maigreur des muscles et du gras, par exemple celui qui se trouvait habituellement sous la cravatte d’une jeune femme. Certains hommes de petite et faible carrure aimaient bien s’habiller et se présenter comme filles, comprenait-il de la culture Terrienne. Un démon pouvait habituellement choisir son corps, ce qui signifiait qu’il y avait peut-être une volonté de jouer avec les genres ? Ou bien alors, remontait-il encore à sa propre théorie. Il faisait face à un jouet à anatomie Barbie et taille humaine, qui s’il était une fille n’était au final qu’une chose douée d’intelligence. Pas un “Iel” mais un “ça”. Pas que cela gênait Babel, il aimait plus deviner ce qu’il avait en face de lui que de juger, quoi qu’il puisse adorer exploiter ses propres trouvailles.

Sa personnalité cachée sous des dizaines de détails difficiles à répliquer pour tout dessinateur voulait lui refaire le portrait se mit enfin à être dévoilée de part son vocabulaire. Elle ne trouvait rien à dire de la Terre, et qualifiait humblement son nom de “ridicule”. Elle critiqua les couleurs du petit caillou et énonça qu’elle aurait pu avoir envie de détruire l’astre que nous adorions tant. Babel la regardait en hochant de la tête avant de siffler d’approbation à la mention de tout ce potentiel d'anéantissement, vraisemblablement aussi encourageant que pas du tout impressionné. Il ne l’était pas. Tout le monde pouvait détruire la Terre, et ce, depuis un moment. La lune explosait une fois par an à cause de martialistes apprenant une vague déferlante pour la première fois, et ces derniers ne figuraient même pas parmi les “guerriers” d’exception. Ceux qui ne pouvaient pas détruire de planètes pouvaient souvent - et aisément - vaincre ceux qui pouvaient le faire. Cet univers qui se basait sur la gradation des puissances avait depuis longtemps cessé d’en avoir quoi que ce soit à faire.

Elle lui demanda de dire des choses sur la planète ou du moins sur lui-même. Mais qu’est-ce qu’il y avait en soi à dire de Babel ? Il ne se savait pas spécialement intéressant à lire. Il était un élément du décors et un conducteur de narration. Le meilleur à l’être, certes, et l’inventeur de beaucoup de vilénies, mais il n’était rien d’autre qu’un personnage secondaire incroyablement charismatique et mémorable.

”Moi ? Pff… Je ne suis qu’un avatar d’un concept moral et narratif, trois fois rien.”

Dit-il tranquillement en haussant des épaules, les yeux fermés et un sourire satisfait sur le visage. Il ne mentait pas. Il était partout et nulle part à la fois, et ne représentait donc pas grand chose car il n’était qu’un concept et non un personnage. Sauf que là, certes, il était un personnage. Et il s’y plaisait bien. Il n’avait pas de définition pour son être. Ce qui fonctionnait, parce qu’il était chaotique.

”Cependant, la Terre… c’est le centre de l’univers, en quelque sorte. Certes, pas littéralement, sinon nous parlerions dans un trou noir. Mais nous sommes là où se rassemblent toutes les trames et les développements les plus intéressants. Même nos guerriers les plus faibles pourraient te casser la figure, c’est à quel point c’est chaud par ici. Les meilleurs développements politiques. Les personnes les plus importantes de notre cycle actuel, plus intéressants les uns que les autres. Un potentiel aussi inégalé que la souffrance  qu’elle traverse et qu’elle vainc chaque année. Tout le monde est trop cool ici.”

Babel tourna soudainement la tête. Il voyait une araignée grimper contre un mur, dehors. Elle s’efforçait de monter le béton avec ses petites pattes. Tous ses mouvements étaient provoquées par l’extension des ses membres par des poussées de sang. La biologie était fantastique ! Cette créature allait mourir dans cinq jours.

”Le dernier truc trop cool que les terriens ont fait était de racketter un dieu de la destruction. C’était très drôle. J’adore quand les dieux se font humilier comme des pleureuses. Cela force le changement de décors, je trouve.”

Il tourna alors la tête directement dans la direction de la demoiselle.

”D’ailleurs, es-tu une poupée qui a pris conscience et animation à l’aide de savoir magique et eldritch atteignables seulement par une poignée d’experts magiciens dans le monde ou alors est-ce que tu cosplays quelque chose ?”

Laissant l’élasticité de ses coins de lèvres présenter sans cesse l’intérêt qu’il portait au bonheur, Babel ne cessait aucunement d’observer celle sur laquelle il était en train de théoriser, ses yeux sans iris ni pupille continuant d’éclairer de vert cet endroit d’encre noire et de motifs dorés. C’était toujours bien de laisser son design se démarquer. Elle faisait de même, elle. En s’habillant ainsi comme des clowns, les personnages pouvaient se retrouver pour présenter plus aisément leurs sketchs au public. Qui donc portait du Gothic-Lolita de nos jours ? Personne. C’était un style qui n’appartenait qu’aux filles qui semble-t-il avaient des relations difficiles avec leurs parents, et ces dernières n’avaient pas forcément l’argent pour s’offrir des vêtements si classieux, préférant se content de mascara trop noir et de rouge à lèvre également très très noir. Peut-être qu’un jour Babel réutiliserait ce design, dans un autre temps, dans une autre vie. Il n’avait pas de dignité ou d’égo à défendre. Il pouvait se permettre d’être une poupée décharnée qui remplaçait ses os par du tissu bouffi.

Il était intéressant de la voir contenir son choc face au manque absolu d’intérêt que le Baron avait vis-à-vis de son arrogance. L’Archidémon des fiertés écroulées avait bien mieux à faire que d’empêcher les fiertés de s’écrouler, après tout. Mais il était content de la voir faire preuve d’intérêt pour la Terre et son histoire de souffrance et de triomphes, quoi que démoniaque comme elle l’était théoriquement, elle puisse être en train de trouver une valeur dans la souffrance elle-même plutôt que les combats des mortels pour en triompher. Elle était drôlement réceptive aux informations sur les “pau-weuhr lait-veuls” du monde qui l’entourait et sur le fait que malgré son passé inconnu qui devait être aussi exceptionnel que tous les exceptionnels que Babel avait rencontré jusque-là elle se ferait rouler dessus par Scalio entre sa pause déjeuner et son rendez-vous de quinze heures. En soit, elle ne s’y attendait pas à ce qu’il lui parle de ça, et comme ça.

”Hin, hin…”

C’était un petit ricanement qui ne pouvait qu’être placé qu’entre ses deux points, celui sur le potentiel des terriens et celui sur le ridicule des dieux. À la mention de l’humiliation d’Auros, Mam’zelle Weissertod se crispa soudainement sans pourtant prendre le temps d’avoir des sueurs froides. Elle fit sa moue si comparable à Inari. Il était important d’admettre qu’elle faisait de son possible pour être exécrable. Cela demandait une certaine maitrise des mots et des expressions pour se donner ainsi l’envie d’être piétiné jusqu’à ce que catharsis s’ensuive. Babel comprit que le meilleur geste à faire était de se servir un vert d’eau. Il attrapa le pichet et pris un verre et y laissa s’écouler la boisson la plus importante de l’évolution humaine.

Quand cette dernière décida de se lever pour se pencher, ouvrant grand ses yeux pour intimider le maître des génies diaboliques et des imbéciles heureux, elle ne s’était pas rendue directement compte que ses gigantesques couettes venaient d’y tremper, attirée vers le sol par leur gravité. Elle l’accusait de mentir, mais en vérité… il n’avait pas menti depuis qu’il était arrivé sur Namek. Tout ce qu’il disait avait été la vérité après un départ un tant soi peu lent, à essayer de se faire remarquer par Mithra puis Echo, jusqu’à ce que ce soit l’histoire de Jojiba qui lui permette enfin de lancer sa trame personnelle. Merci à lui, et merci à la loyauté qu’il lui avait inspiré. Déposant les deux récipients sur la table, il leva la main pour obtenir l’attention d’un serveur.

”Hep ! On a besoin d’une nouvelle carafe et d’un autre verre, ici !”

Ainsi Luca pourrait venir à ses propres conclusions. Babel avait continué avec son sourire benêt durant toute cette expérience, axant son dos vers l’arrière sans expression aucune hormis la niaiserie quand cette dernière avait tenté de l’intimider. Et alors qu’elle essayait peut-être de s’essorer les cheveux pour les sécher après un malheureux accident de sa part, le Baron reprit la parole :

”Je m’excuse, je pensais qu’on se disait la vérité ici.”

Il releva alors légèrement la main, et un téléphone y tomba, jeté par quelque chose ou quelqu’un en hors-plan, indescriptible dans sa forme comme dans l’intérêt qu’on pouvait lui porter. Ce téléphone portable fut allumé, et les images basse qualité du LAVALEAK défilèrent alors, montrant principalement tous les L qu’Auros s’était pris de la part de la ribambelle d’individus aux cheveux de différentes couleurs. Ayant présenté son diaporama, il jeta son appareil vers l’arrière, laissant résonner un assortiment de bruits libres de droit annonçant un pataquès comique que ni lui ni Luca ne pourraient voir.

”L’objectif final de la Terre est pour l’instant d’anéantir Zen-oh, mais commencer par un Dieu de la Destruction reste très bien… Attends, non, c’est quoi l’objectif de la Terre, déjà ?”

Il releva l’un de ses sourcils invisibles, arquant son front et sa casquette pour annoncer sa confusion par rapport à ce qu’il était lui-même en train de raconter… Qu’est-ce qu’il était finalement en train de raconter ? Sa main s’étant rapproché de son front pour le gratouiller, il plissa ses lèvres pour accentuer son air de réflexion.

”Je crois que c’est simplement s’assurer de plus se faire… mmmh… Comment le disent les jeunes, déjà ?”

Il claqua des doigts.

”Se faire “boloss”, c’est ça !”

Satisfait de sa réflexion, il se remit à sourire en hochant de la tête, croissant ses bras avec appréciation de son incroyable intelligence, qui fut réaffirmée quand Luca esquiva avec brio sa question sur sa raison de porter des fringues aussi atypiques. Il était de plus en plus assuré d’avoir deviné son lore, car cette dernière s’était retrouvée en position de défense, son petit minois cachant une véritable frustration tandis que Babel ne pouvait s’empêcher de présenter sa satisfaction.

Reference pour le visage:

Vint enfin le reste de sa logorrhée : elle voyait que Babel n’avait rien à faire de sa possible menace et de ce qu’elle représentait en tant que danger, avant d’admettre qu’il devait bien être curieux pour autre chose à rester ainsi près d’elle. Babel referma ses lèvres pour continuer à sourir, intrigué, effectuant un regard d’emmerdeur intéressé quand elle proposa de lui présenter du divertissement. Il trouva cela plutôt particulier, un concept à présenter ?

”En vérité, je voulais surtout essouffler ton arrogance tout en m’assurant que tu ne blesses aucun des pauvres humains de ce bâtiment. Parce que tu es arrogante, ne nous le cachons pas -”

Il se redressa pour s’avachir sur sa chaise, entourant son dossier de son coude et posant sa main sur la table, tapotant le bois et la nappe dentelée de ses doigts rappelant les quatre premières notes d’une comptine ayant volé le coeur d’internautes il y a plusieurs années de cela.

”- maaaaaais… si tu proposes quelque chose qui ne fait pas du mal à ces terriens, je ne saurais te priver de faire de ta propre volonté les efforts de m’amuser.”

L’une des clés pour plaire à l'audience en étant arrogant était de faire face à plus arrogant que soi, et en particulier faire face à quelqu’un dont l’arrogance n’était pas associée à de la confiance mais juste une illusion de stabilité. En d’autres termes, s’il s’était présenté à… Jojiba, disons - s’il s’était présenté à Jojiba ainsi, il ne ferait qu’ennuyer le public. Mais là, il était la personne qui offrait déjà la catharsis de pouvoir enquiquiner un tant soi peu une gothic lolita à l’attitude comiquement pourrie gâtée et au respect pour la vie excessivement… réduit. Mais il restait friand de lore et curieux comme un bibliothécaire, et ne demandait qu’à épeler plus de facette de l’oignon qu’était sa comparse de dialogue du jour.

Luca avait des cheveux définis en deux couettes qui fusaient vers le bas en forme de toupi, donnant l’impression de fuser circulairement telles des visses s’encastrant dans le sol. Comment avait-elle suffisamment de tignasse pour parvenir à reproduire un tel phénomène visuel avec seulement sa kératine ? Son crin devait pouvoir s’enrouler autour d’elle lorsqu'elle était décoiffée… Comment dormait-elle sans que toute cette masse de cheveux se démantèle et finisse par devenir sa descente de lit ? Comment se les lavait-elle sans passer plusieurs heures à filtrer du savon entre chaque long et fin poil ? Comment pouvait-elle avoir du temps libre pour dormir en général sans devoir consacrer toute sa journée à une séance de coiffure et d’habillage ? Son costume était tout aussi compliqué que sa coupe, et devait prendre heures à être mis en place sur son corps. Tant de couches de vêtements et de fils à serrer et à desserrer. Comment même faisait-elle pour ne pas transpirer sous autant de vêtements noirs, malgré la chaleur humide des fourneaux et des gens qui l’entouraient ? C’était le genre de question que Babel n’aurait pas à se poser s’il faisait face à une poupée.

Loin de lui était l’envie de pousser sur le réalisme, nonobstant. Babel n’en avait rien à faire des stupidités dans les designs, avec ses épaules extravagantes contrastant avec sa petite taille, son gigantesque sourire qui se plaçait sans nez et son manque de sourcils qui anéantissait les possibilités de descriptions faciales que pouvait faire son auteur. Arquant convexement ce front si difficile à présenter à l’aide du vocabulaire francophone, Babel écoutait la demoiselle (?) lui demander comment est-ce que la Terre pouvait autant être victime d’évènements dramatiques si elle regroupait un si grand nombre de badass et de déicides.

”C’est très simple, ma chère. Regarde autour de toi. Ce ne sont pas des guerriers de l’espace. Tu fais face à un potentiel inégalé, mais leurs corps sont ceux de misérables figurants. Pour chaque être d’exception, il y a un million de civils désarmés, fatigués, travaillant de huit à seize pour nourrir leurs familles. Tu n’es pas entourée de tueurs de dieux… Mais si tu venais à faire du grabuge, tu le deviendrais très rapidement.”

Il n’y avait pas à tant développer sa pensée que ça. Il y avait les êtres d’exception et les figurants. Pas parce qu’ils étaient plus forts, mais parce qu’ils étaient les points de vue du monde. Les personnages principaux, en quelque sorte. Luca était probablement un personnage principal. Un méchant fait pour se prendre des L mais refusant de changer sa manière de réfléchir apportant ainsi continuellement une catharsis permettant aux spectateurs ne pas avoir un ras le bol de l’oeuvre. Après tout, qui aimerait attendre pendant vingt heures l’humiliation de cinq minutes d’un grand méchant ? Babel était un maître de la défaite. Il savait que s’il n’était pas classe, on n’aimerait pas lire sa méchanceté. Ainsi, il se devait d’être classe ou régulièrement humilié, sans quoi l’audimat baisserait.

Luca admettait être arrogante. C’était un bon début. Les méchants se doivent de s’assumer s’ils veulent être supportables. S’ils ne s’assument pas, ils doivent être complexes et intéressants, ce qui n’était pas donné à tout le monde. Beaucoup n’étaient que des hypocrites à dormir debout. Elle qui tentait de réfléchir à du divertissement, cependant, trahissait son manque d’imagination. elle voulait présenter des choses, mais ne pouvait pas les présenter sans bain de sang. C’était cruellement vide de la part d’une diablette de ne pas savoir faire plus que tuer et présenter des gens tués. Même si elle cachait bien son jeu derrière ses sourires mignons, il y avait un manque important d’expérience dans ce jouet taille humaine.

Elle voyait les mortels comme des joueurs, du contenu à exploiter pour écrire son histoire. Babel comprenait ce point de vue. C’était celui d’un archidémon. Peut-être qu’il faisait face à l’un de ses frères ou sœurs caché sous la forme d’une figure mélangeant bourgeoise du dix-neuvième siècle et noirceur vampirique. Mais par respect du kayfabe, il n’allait pas agir comme s’il venait de rencontrer l’un de ses vingt-et-un camarades de jeu. Il faisait face à une démone parmi tant d’autres. Le comédien n’allait pas poser le genou et demander à sa souffleuse à quel acteur il faisait face. Ou allait-il avec cette métaphore ? Ah, oui. Parlant de comédien - Luca voulait créer quelque chose d’intéressant. Aussi intéressant qu’un jeu télévisé. Ses traits s’enlaidirent d’un coup alors qu’elle se leva dramatiquement de sa chaise pour se présenter comme créatrice. Evidemment, le manteau de Babel manqua de s’envoler face à la bourrasque d’énergie qu’elle mit dans cette déclaration, et ce fut parce qu’il mit la main sur sa casquette que cette dernière ne quitta pas son crâne. Et quand elle se rassit et demanda de l’aide dans sa quête, Babel posa ses coudes sur la table, inclinant légèrement sa tête vers l’avant, et transforma son rictus en un simple sourire à lèvres fermées.

”J’aime bien cette façon d’observer le monde. Elle ressemble à la mienne. Voir l’univers comme un bac à sable est fascinant. Nous nous ressemblons sur ce point. Néanmoins, si nous sommes tous les deux créateurs de contenu, je me présenterais davantage comme… écrivain. Scénariste. Demiurge. Je participe aux actions des mortels et j’influence leur monde. Toi, tu fais simplement du divertissement. De ce que je crois comprendre, tu présentes des émissions de meurtre et de violence. Des gens qui souffrent pour le plaisir du spectateur. Du Real Housewives, en quelque sorte. Qui souffre et qui survit.”

Ses doigts se croisèrent machiavéliquement.

”Tu fais de la téléréalité. Je fais de la télévision. Pourrais-tu vraiment dire que tu es une créatrice si tu ne fais que mettre des gens dans des situations ? Tu es simplement une pichenette qui regarde ce qui se passe. Ceux qui survivent sous tes règles sont les vrais créateurs.”

Il parlait tout doux, tout bas, suffisamment audible, laissant à sa voix habituellement pleine d’entrain la possibilité de descendre dans ses octaves. Il pourrait presque faire oncle au coin du feu avec ce ton.

”Une vraie créatrice s’investit dans ses personnages. Elle les crée. Elle vit leurs émotions afin de pouvoir les retranscrire. Il te faut de l’humilité. La possibilité de te mettre à la place de ton personnage, ne serait-ce qu’un instant, afin de comprendre ce qu’ils vivent et vraiment, véridiquement, parfaitement proposer la meilleure version de ton écriture.”

Il la pointa du doigt en relevant l’un de ses inexistants sourcils.

”Tu fais marcher ton programme depuis longtemps, je suppose. Et pourtant, te voilà sur notre planète. Sont-ce des vacances que tu prends, ou bien c’est ton audimat qui commence à descendre ?”

Ses doigts se posèrent les uns sur les autres alors qu’il se redressa légèrement vers l’arrière, ses coudes toujours sur la table mais les avant-bras maintenant relevés alors que son sourire s’élargissait à nouveau, menaçant… mais terriblement charismatique. On pourrait croire que les sources de lumières avaient changé autour de lui, comme si l’éclairage lui-même voulait le faire grandir, mais son ton ne sortait pas de cette fréquence paternelle que tout le monde aimait entendre.

”Qu’importe. Ce qu’il te faut, c’est un arc. Pourquoi imposer un spectacle sur les autres quand tu peux être le personnage principal d’une histoire ? Pourquoi ne pas chercher à changer te découvrir, devenir un être à part entière devant les média ? Devenir LE divertissement tout en le créant ?”

Il lui tendit la main.

"Cet arc, ce premier rôle, ce projecteur rivé sur toi, je peux te l'offrir.”

Mais vu qu'elle ne répondit pas, Babel s'en alla.